L’arrivée d’un bébé à 20, 30 et 40 ans

L’arrivée d’un bébé dans la vie d’une femme en pleine ascension professionnelle, c’est comme un tsunami qui déferle. À l’eau le plan de carrière! Du moins pour quelques années. Que l’on ait 20, 30 ou 40 ans, le moment ne semble jamais idéal. Il faut revoir ses priorités et rediriger ses énergies. Trois femmes témoignent, une spécialiste commente.

(Texte tiré de nos archives et initialement paru en mai 2007.)

Trois bedaines dans la vingtaine

Martine (nom fictif), 36 ans, a eu ses enfants à 24, 27 et 29 ans. Ils ont à présent 7, 9 et 12 ans.
Situation conjugale : mariée

Martine voulait des enfants depuis le début de la vingtaine. Elle a tout de même attendu jusqu’à l’âge de 24 ans, le temps qu’elle et son conjoint obtiennent leur titre de comptable puis trouvent un poste stable.

Ambitieuse, Martine se voit bien gravir tous les échelons du grand cabinet comptable où elle travaille. Mais pour cela, il faut y mettre les efforts, c’est-à-dire faire des heures soirs et week-ends. Rien qui cadre avec son nouveau rôle de mère. Elle décide alors de laisser son poste devenu trop exigeant, quitte à occuper des emplois moins prestigieux dans des PME.

Calmer la professionnelle en soi

La jeune comptable aura réussi à réprimer ses idéaux professionnels jusqu’après la naissance de son deuxième enfant. Puis, voici qu’un nouveau défi se présente au couple qui habite alors Québec. Une multinationale montréalaise veut les embaucher tous les deux et est même prête à payer leur déménagement. La famille ne fait ni une ni deux et s’installe dans la métropole.

Tout se déroule bien jusqu’à ce que Martine commence à se sentir épuisée, alors enceinte de six mois de son troisième. «À 17 h, il était hors de question que je parte me reposer tandis que les autres travaillaient jusqu’à 20 h ou 21 h. Alors le midi, j’allais me coucher dans mon auto pour arriver à faire toute ma journée.» Martine croit que ce surmenage a entraîné la naissance prématurée d’un mois de son dernier enfant. «Aujourd’hui, je leur dirais : « Arrangez-vous! »», lance-t-elle. De retour au boulot après son congé de maternité, Martine a d’ailleurs trouvé très pénible de reprendre le rythme.

Vive la fonction publique!

La solution de Martine? Travailler dans un environnement moins exigeant et se rapprocher de ses parents, qui habitent près de Sherbrooke. Qui de mieux, en effet, que des grands-parents pour aider à préparer les repas, à faire les devoirs, donner les bains et offrir au couple des moments seul à seul? Et depuis maintenant cinq ans, Martine travaille comme fonctionnaire. C’est peut-être moins prestigieux que de travailler pour un grand cabinet, mais elle y trouve son compte : emploi stable, horaire flexible, beaux défis professionnels et qualité de vie en prime!

 

La vie devant soi

Selon Julie Carignan, psychologue industrielle-organisationnelle, les femmes qui décident d’avoir des enfants dans la vingtaine sont avantagées. Elles ont beaucoup d’énergie et disposent d’une grande capacité d’adaptation. Leur mode de vie n’est pas coulé dans le béton, car elles n’ont pas encore d’emploi stable. Le prix à payer, par contre, est souvent l’anxiété due à la précarité financière. Cependant, quand cet aspect est réglé, comme dans le cas de Martine, la vingtaine est un bon moment pour avoir des enfants, car c’est autour d’eux que seront faits les choix de la famille par la suite.

 

La trentaine : une pause au milieu de l’ascension

Marie-Claude (nom fictif), 36 ans, a eu ses enfants à 31, 32 et 35 ans. Ils sont maintenant âgés de 1, 3 et 5 ans.
Situation conjugale : en couple

Rien ne laissait supposer que cette directrice des communications pour un important magazine québécois et détentrice d’une maîtrise deviendrait mère au foyer. Un mariage dans la vingtaine suivi d’un divorce cinq ans plus tard, voilà qui refroidit le désir de fonder une famille! Puis, de nouveau en ménage depuis deux ans, Marie-Claude renoue avec l’idée… et donne naissance à son premier enfant à 31 ans.

Le retour au travail s’effectue plutôt bien : Marie-Claude fait des semaines de quatre jours, ce qui lui laisse le temps de souffler. Ces conditions sont même propices à la venue d’un deuxième enfant. Mais – surprise – ce dernier souffre d’hypersensibilité sensorielle : il n’accepte rien dans sa bouche ni sur son corps, pas même une petite couverture! Le congé de maternité sera éprouvant.

Une décision difficile

C’est alors une Marie-Claude fatiguée qui retourne au boulot. Comme si cela n’était pas suffisant, la charge de son poste a augmenté : elle devra travailler à temps plein. Le constat s’impose rapidement : c’est trop! Son patron et ses collègues ne sont pas surpris quand elle leur annonce son départ.

En fait, Marie-Claude veut prendre ses distances par rapport à sa carrière, du moins pour l’instant. Son conjoint doit s’absenter plusieurs jours par mois, sa famille habite loin, sa santé est devenue fragile à cause des nuits blanches… C’est décidé : elle restera à la maison. Autre argument de poids : son conjoint gagne un très bon salaire.

Marie-Claude admet que se mettre en position de dépendance n’est pas un choix facile à faire. «Mais si j’avais continué de travailler, c’est l’épuisement professionnel qui m’attendait.» Cet arrêt de travail lui a permis de se refaire une santé, puis d’avoir un troisième enfant.

Savoir se réinventer

Aujourd’hui, Marie-Claude est loin de s’ennuyer : en plus de s’occuper de ses trois enfants, elle s’implique auprès d’organismes de soutien aux mères et prépare un livre sur l’allaitement. Son éventuel retour au travail ne lui cause pas trop d’inquiétude : «Le fait d’arrêter quelques années ne m’enlève pas mes expériences passées ni mes diplômes.» Quand ses enfants seront plus grands, elle se voit bien devenir travailleuse autonome : «Entreprendre d’autres projets en édition m’intéresserait beaucoup.»

 

Dans la fleur de l’âge

Julie Carignan, psychologue industrielle-organisationnelle, observe que bien des femmes dans la trentaine repoussent le moment d’avoir des enfants. Même si elles bénéficient souvent d’une plus grande stabilité professionnelle et financière, elles ont encore plus à perdre professionnellement que dans la vingtaine. «Ce sont les années les plus efficaces, les plus rentables de leur vie!» Marie-Claude a bien compris qu’elle ne devait pas attendre le «bon» moment, enchaîne la psychologue. «Il faut être déraisonnable pour avoir des enfants; c’est avant tout une affaire de cœur et de tripes!»

 

La quarantaine : saisir sa dernière chance

Sophie (nom fictif) a eu son premier enfant à 44 ans. Maintenant âgée de 46 ans, elle est enceinte de 6 mois.
Situation conjugale : son ex-mari est le père de son premier enfant. Elle est maintenant enceinte de son nouveau conjoint, avec qui elle est depuis un an.

Après cinq ans de mariage, Sophie s’était faite à l’idée : elle n’arriverait jamais à tomber enceinte. Mais voilà qu’à 44 ans, la cigogne frappe sans prévenir. Sophie est sous le choc! Elle songe même à se faire avorter. Puis, un désir émerge : elle gardera l’enfant. «À 20 ans, j’aurais donné ce que j’avais. À 40, je vais donner ce que j’ai, c’est-à-dire moins d’énergie, mais plus de maturité. Mais je suis quand même inquiète. Quand mes enfants auront 20 ans, je serai à l’âge de la retraite… mais j’assume.»

«Mais quel âge as-tu?»

Coordonnatrice de projets dans le domaine financier, Sophie a caché le plus longtemps possible qu’elle était enceinte, par crainte des qu’en-dira-t-on. Finalement, elle l’annonce à sa patronne, qui se réjouit pour elle. Puis, la nouvelle fait le tour du bureau. «Mais quel âge as-tu?» lui demandent ses collègues. Sophie se donne cinq ans de moins.

Avec l’arrivée du bébé, elle s’est imposé des limites pour se ménager, tant au travail qu’à la maison. Plus question de passer du temps au bureau le soir et les week-ends. «Maintenant, à 17 h, je quitte le bureau, c’est certain.» S’il lui arrive parfois de faire des heures supplémentaires, c’est seulement après que bébé soit couché.

Les deux pieds sur terre

Pour Sophie, il est hors de question d’arrêter de travailler. Elle a bien trop besoin de se réaliser. Mais, consciente qu’elle doit d’abord se concentrer sur sa famille, elle profite de la stabilité que lui offre son poste. D’autant plus qu’elle est de nouveau enceinte! Durant son congé de maternité, elle compte bien revoir son plan de carrière. Elle se donne deux ans après son retour au travail pour prendre davantage de responsabilités professionnelles. Les enfants ne sont pas synonymes de limitations, croit-elle, mais ils vont lui demander d’être patiente.

 

Mieux vaut tard que jamais?

Sophie est très lucide quant à la difficulté que représente le fait d’avoir un deuxième enfant à 46 ans, estime Julie Carignan, psychologue industrielle-organisationnelle. C’est qu’il faut voir au-delà du congé. Il faut penser à la période préscolaire, durant laquelle les enfants, souvent malades, requièrent une présence à la maison. L’adolescence demande aussi une attention soutenue. Sans parler des baisses de revenu et des nuits écourtées, qui sont plus difficiles à accepter quand on a goûté au confort et à la liberté. Toutefois, la maternité tardive peut être une option valable pour la femme qui a atteint ses objectifs professionnels. Un bon coussin financier et une confiance en soi bien établie sont propices à l’arrivée des enfants… si les parents sont bien conscients de l’aventure dans laquelle ils se lancent!

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