Les profs passent-ils le test?

Les enseignants veillent sur ce que notre société a de plus précieux : ses enfants. En leur apprenant à lire, à écrire, à compter et à réfléchir, ils leur inculquent les bases de la vie économique, culturelle et sociale. Mais une fois la porte de leur classe fermée, les profs accomplissent-ils leur mission?

Élizabeth Arès se trouve tout au fond d’une classe du pavillon Marie-Victorin de l’Université de Montréal. Les bras croisés, l’enseignante en devenir écoute une consœur critiquer la conférence du dernier cours portant sur la régulation du système d’éducation québécois. Le propos était trop complexe à son goût. Élizabeth lève la main. «Moi, j’ai beaucoup aimé ce conférencier. J’avais enfin l’impression qu’on nous amenait plus loin.»

Mise au courant de notre présence, la rouquine se précipite vers nous à la pause. Titulaire d’une maîtrise en histoire de l’art, elle est de retour sur les bancs d’école pour pouvoir enseigner l’histoire au secondaire. «La formation des maîtres est déficiente. C’est du niaisage», lance-t-elle. Elle déplore les chevauchements de matière d’un cours à l’autre et, surtout, l’accent mis sur la pédagogie au détriment des disciplines, comme l’histoire, les mathématiques ou le français.

Parmi ses compagnons d’études, il y en a peu qu’elle voudrait comme profs pour ses deux fils…

Au Québec, chacun a son mot à dire sur les compétences des enseignants. Le dernier à mettre son grain de sel : le chef de la Coalition Avenir Québec (CAQ), François Legault. Celui-ci suggère en effet de hausser le salaire des enseignants de 20 %, voire de 30 % dans les écoles les plus difficiles, pourvu, cependant, qu’ils se soumettent à une évaluation tous les ans.

Loin de l’applaudir, les enseignants — et les syndicats — se sont dressés contre cette offre non sollicitée, même si leur salaire moyen (57 878 $) est nettement inférieur à celui de leurs collègues canadiens (69 222 $).

Car une question délicate surgit : si de telles évaluations avaient lieu, combien de profs passeraient au tordeur? Au moins une : celle qui a enseigné en troisième année du primaire au fils de Lynn Roy. En tout cas, c’est l’avis de cette mère de Pointe-aux-Trembles. «Dans les dictées, elle lui mettait des fautes là où il n’y en avait pas. On peut oublier d’en corriger, mais en mettre où il n’y en a pas, j’ai du mal à accepter ça.»

Tracer la ligne

En attendant l’issue du débat sur l’évaluation des profs, difficile de dire si le Québec a de bons enseignants, d’autant plus qu’il n’existe pas de définition précise à ce sujet. Quant aux parents, ils envoient des signaux contradictoires : se déclarant satisfaits des profs dans les sondages, ils sont les premiers à monter aux barricades quand l’un deux fait une faute d’orthographe ou punit leur enfant. «Il n’y a pas une année où l’on ne reçoit pas des messages de parents qui chialent», témoigne Josée, une enseignante au primaire en Montérégie.

Les résultats aux tests internationaux n’éclairent pas beaucoup plus sur la compétence de nos profs. Les élèves de la province excellent au Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), une évaluation de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) qui porte sur certaines compétences en lecture, en sciences et en mathématiques chez les jeunes de 15 ans. En 2009, les Québécois se sont classés dans le peloton de tête des 65 pays participants, atteignant les cinquième et sixième rangs en mathématiques et en lecture.

Il faut toutefois savoir que le PISA évalue des habiletés essentielles à la vie quotidienne (telles que comprendre un texte simple ou interpréter un diagramme en arbre), et non les résultats des programmes scolaires, dont les exigences varient d’un pays à l’autre. Il ne s’agit donc pas d’un palmarès des systèmes d’éducation, rappellent des chercheurs et chroniqueurs spécialisés d’ici et d’ailleurs dans le monde.

Un portrait fort différent se dégage d’ailleurs d’une autre épreuve qui évalue davantage les savoirs, soit le test Tendances de l’enquête internationale sur les mathématiques et les sciences, mené par l’Association internationale pour l’évaluation des acquis scolaires. Lors du dernier test en 2007, les adolescents québécois se classaient 19e en sciences, sur les étudiants de 56 pays ou administrations scolaires — mais 8e en maths. Les écoliers du primaire figuraient pour leur part au16e rang en maths, sur 43. Des résultats tous supérieurs à la moyenne internationale, mais qui, dans le cas des élèves du secondaire, représentent une dégringolade par rapport aux enquêtes précédentes, ont souligné à grands traits les journaux.

Noir tableau

Chose certaine, la profession d’enseignant est malmenée. La réforme a connu ses déboires, la formation des maîtres est critiquée, et les écoles manquent de ressources. «Les enseignants d’aujourd’hui ne sont ni meilleurs ni pires que les profs d’il y a 30 ans», affirme Robert Cadotte, psychologue, commissaire scolaire retraité et auteur de Lettre aux enseignantEs (M Éditeur, 2012). Ce sont leurs conditions de travail qui ont changé.

C’est pourquoi les enseignants trouvent terrifiante l’évaluation systématique proposée par la CAQ. Ils craignent aussi qu’on se fie aux succès — ou aux échecs — de leurs élèves pour juger de leur rendement, comme cela se fait aux États-Unis. Et, sur ce plan, la maîtrise de la situation leur échappe. «En 12 ans d’expérience, il n’y a pas eu 2 années où mes élèves ont obtenu les mêmes résultats, raconte Josée. Trop de facteurs entrent en jeu.»

L’an dernier, par exemple, l’enseignante avait, dans sa classe de quatrième année du primaire, un jeune atteint d’un trouble envahissant du développement, communément appelé TED. «Comme il comptait pour 2 ou 3 élèves, mon groupe était réduit à 22 (une classe ordinaire de ce niveau en compte en moyenne 24), mais je ne disposais pas d’aide pour l’accompagner. Si un élève demande plus d’attention, je suis moins présente pour les autres.»

Au secondaire aussi, les enseignants font ce qu’ils peuvent. Les classes accueillent jusqu’à 32 élèves, ce qui est beaucoup trop, explique Patrice Potvin, professeur au Département d’éducation et pédagogie de l’UQAM. Il a enseigné les sciences au secondaire pendant sept ans avant de retourner aux études «pour comprendre comment enseigner». «Les profs font du travail à la chaîne. Ils enseignent trois ou quatre périodes par jour. Les élèves arrivent dans leur classe et, au bout d’une heure et quart — ce n’est pas long pour faire avancer les étudiants vers les objectifs —, une autre gang arrive, et ils recommencent.» Parfois, dans une année, les profs n’auront pas pu apprendre les noms de tous leurs élèves ou entendre le timbre de certaines voix, dit-il.

Les étudiants en enseignement déchantent lorsqu’ils prennent conscience qu’ils vont poireauter pendant cinq à sept ans en moyenne avant d’obtenir une permanence. Plusieurs vont devoir enseigner une autre discipline que la leur.

C’est sans compter les problèmes de précarité d’emploi en début de carrière. Les étudiants en enseignement déchantent lorsqu’ils prennent conscience qu’ils vont poireauter pendant cinq à sept ans en moyenne avant d’obtenir une permanence. Plusieurs vont devoir enseigner une autre discipline que la leur.

Luc Papineau, enseignant dans Lanaudière, nous a rapporté le cas d’un jeune collègue qui s’est vu confier cinq matières en trois ans. «Il a enseigné les sciences, l’anglais, le français, l’histoire et le programme Éthique et culture religieuse. Officiellement, c’est un prof d’histoire, mais il va finir prof de religion. Il prend cette voie, parce qu’il y a plus de débouchés. Il a fait une formation supplémentaire pour parfaire ses connaissances.» Difficile d’être à son meilleur quand on se retrouve avec des miettes une fois que les permanents ont fait leur choix de tâche.

Et difficile d’attirer les meilleurs candidats à la profession dans ces conditions. Mais encore faut-il savoir ce que «meilleurs» veut dire. Andrée-Anne, 25 ans, est une enseignante au primaire très appréciée dans les écoles où elle fait des remplacements. La grammaire n’a, pourtant, jamais été facile pour elle. Au cégep, elle était la plus assidue au centre d’aide en français, gardant toujours en tête son projet de carrière en forme de tableau noir.

Elle a finalement été admise au baccalauréat en enseignement du primaire à l’Université de Montréal. Puis, est venu le cauchemar du Test de certification en français écrit pour l’enseignement, un examen créé en 2008 que les enseignants doivent absolument réussir pour obtenir leur brevet. On y demande, par exemple, de donner la définition de l’expression «épater le bourgeois» ou la signification du préfixe «archéo». Sans compter l’épreuve de rédaction. «La troisième fois que je l’ai coulée, j’ai pleuré pendant une semaine», raconte l’enseignante, dans un café de la Rive-Sud de Montréal. À coup d’ateliers à l’université et de cours privés, elle l’a finalement réussi à sa toute dernière tentative, la quatrieme – aussi sa dernière chance avant d’être expulsée du programme.

Aujourd’hui, il lui arrive de faire des erreurs de français au cours de ses remplacements dans une commission scolaire de la Montérégie. Au printemps dernier, un petit vite l’a reprise quand elle a dit «une pétale». «Ce n’est pas un nom masculin, pétale?» Andrée-Anne a alors invité les élèves à chercher le mot dans le dictionnaire pour constater que le garçon avait bien raison. «Je n’ai pas honte, raconte-t-elle. Je leur ai expliqué qu’on ne peut pas tout savoir et qu’on apprend toute sa vie.»

Une formation mise en doute

Les programmes de formation en enseignement devraient-ils resserrer leurs critères d’admission? Ceux du primaire sont déjà contingentés. Par exemple, à l’UQAM, moins de la moitié des candidatures au baccalauréat en enseignement primaire ont été acceptées à l’automne 2011. Aux programmes d’enseignement au secondaire, par contre, l’accès est plus facile. À l’Université de Sherbrooke, les taux d’admission étaient supérieurs à 75 % dans tous les programmes en 2011. Les maths l’emportaient avec un taux de 91,3 % d’admis.

«On n’a pas le luxe d’un effet de filtre au secondaire, parce qu’il y a moins de candidats. En mathématiques et en sciences et technologie, on prend presque tout le monde, raconte Patrice Potvin. Il y a une désaffection vis-à-vis de ces matières. Les gens ont aussi la perception qu’au secondaire, il faut se battre avec les élèves, que ceux-ci sont mal élevés et épuisants. Ce n’est pas complètement faux, mais c’est exagéré.»

Quoi qu’il en soit, la sélection des candidats ne règle pas tout. Même si les universités attiraient l’élite des futurs profs, la compétence de ces derniers dépendra toujours de la qualité de leur formation. Or, comme Élizabeth Arès, l’étudiante citée en début d’article, plusieurs doutent de la pertinence du cursus, réformé en 1994.

Cette année-là, le ministère de l’Éducation a fait prendre un grand tournant au baccalauréat en enseignement. Le ratio entre le nombre de cours de discipline et de pédagogie est passé de 70/30 à 50/50. Un bon mathématicien n’est pas nécessairement un bon pédagogue, disaient les fonctionnaires à l’époque.

De plus, dans le but de profes-sionnaliser le métier davantage, Québec a fait passer le baccalauréat de 3 à 4 ans et gonflé la durée des stages de 200 à 700 heures. Tous ces changements ont eu du bon : personne ne reviendrait au baccalauréat de trois ans, et les enseignants sont aujourd’hui mieux outillés pour enseigner et vulgariser leur matière.

Mais le passage à un baccalauréat de pédagogue s’est-il fait au détriment des savoirs? «On ne naît pas enseignant», rappelle le responsable de la Chaire de recherche du Canada en étude de la formation à l’enseignement et professeur à l’Université Laval, Clermont Gauthier. N’empêche, ajoute-t-il, «le champ de la didactique a été le grand gagnant des réformes de la formation des maîtres; il y a eu prolifération de ces cours. Il y en a trop, surtout pour les enseignants au primaire. Or, il faut toujours bien connaître ce qu’on doit transmettre.» Bref, les jeunes profs devraient être plus ferrés en maths, en histoire ou en français, selon lui.

Problème d’image

Les principaux intéressés, eux, se voient surtout comme des experts de l’apprentissage. Une perception qui tarde à faire son chemin dans la société, à en juger par le peu de prestige associé à la profession. «On ne nous reconnaît pas comme des professionnels, relate Catherine Deshaies, une future enseignante de Montréal qui termine une maîtrise en didactique. Parce qu’ils ont déjà été assis dans une classe, les gens croient qu’ils savent comment on devrait enseigner et remettent nos pratiques en question.»

Le métier n’est, en effet, plus auréolé de prestige comme autrefois. Selon la présidente sortante de la Fédération québécoise des directions d’établissements d’enseignement, Chantal Longpré, le vent a tourné quand les religieux se sont retirés du monde scolaire à partir de la Révolution tranquille. «Les laïques sont entrés, et c’est tant mieux, mais on a perdu la notoriété associée à la profession d’enseignant. Pourtant, on a mis au point des façons de travailler bien plus pertinentes que celles des religieux; la pédagogie s’est raffinée.»

«Les enseignants font un métier difficile. Alors, il faudrait prendre soin d’eux, dit Clermont Gauthier. Quand certains chauffeurs d’autobus gagnent plus qu’un prof, on a un problème social.»

D’où l’idée de la CAQ de gonfler le chèque de paie de nos profs. «Ça devrait être la profession la plus importante dans notre société, explique François Legault. On ne peut désigner l’éducation comme la priorité absolue sans offrir une rémunération concurrentielle à nos enseignants. Après tout, leur formation a une durée comparable à celle des ingénieurs, des avocats et des comptables agréés.»

La réforme

Une vingtaine d’étudiants — et un chien Mira — sont assis dans une petite salle pour le cours Système éducatif et profession enseignante à l’Université de Montréal. L’enseignement d’aujourd’hui porte sur la réforme scolaire entamée en 2000. La professeure Anylène Carpentier expose ce qu’était la réforme à la base — une volonté d’assurer la réussite des élèves — et ce qu’elle aura finalement été — un programme trop abstrait qui a dû être réécrit. Les étudiants n’hésitent pas à poser des questions, à prendre position. Une étudiante lève la main. «Vous, Madame, que pensez-vous de la réforme? Parce qu’on va rentrer là-dedans et on aimerait que ce soit convivial…»

Le renouveau pédagogique a semé la confusion dans le système d’éducation, selon des profs interrogés. Il a donné lieu à beaucoup d’improvisation, dans la rédaction des programmes par exemple, et engendré des concepts flous, telles les fameuses «compétences transversales». Denyse Robitaille enseigne les mathématiques au secondaire dans la région de Québec depuis 18 ans. Elle se souvient de la période précédant la réforme, où des représentants du ministère de l’Éducation rencontraient les enseignants pour les préparer aux changements. «On nous disait qu’il y aurait les ressources pour nous aider, mais, en fin de compte, on a surtout brassé du rêve.»

Son visage aux traits doux se durcit quand elle parle de ses cinq dernières années d’enseignement. Elle a travaillé d’arrache-pied pour créer des examens qui évaluaient les compétences à l’aide de problèmes complexes pour, ensuite, refaire des tests de connaissances à choix multiples, au gré des directives du Ministère. Pour elle, tout est devenu plus laborieux, sans utilité pour les élèves.

Elle nous lit un passage dans un manuel scolaire, «pour rire». Un long paragraphe précède un problème à résoudre. On y parle de «modèles moléculaires», de «composition atomique» et de «l’unité de mesure Ångström» qui ne fait pas partie «du système international d’unités». Vient finalement une question… de mathématiques. «On ajoute tout un contexte de chimie, mais, dans le fond, c’est un problème de loi des cosinus, simplifie l’enseignante, mais l’élève qui n’aime pas la chimie a mal au ventre, et celui qui a des problèmes de lecture le relit trois fois avant de venir me voir pour me dire qu’il ne comprend pas.»

Cas problème

Si les enseignants n’ont pas la vie facile au Québec, les vrais mauvais profs existent néanmoins. «Les pires, ce sont ceux qui ne connaissent pas bien leur matière. C’est difficile, ensuite, de bien comprendre», explique Olivier, étudiant au secondaire rencontré dans une école de la Rive-Sud de Montréal.

Chantal Longpré, présidente de la Fédération québécoise des directions d’établissements d’enseignement jusqu’en juillet dernier, est formelle: «Oui, il y a de mauvais profs, mais comme il y a toujours un 5 à 6 % d’employés moins performants dans tout milieu de travail.» C’est pourquoi cette candidate pour la CAQ à la prochaine élection provinciale approuve l’idée d’évaluer les enseignants de façon régulière. «Pas pour les congédier, ce n’est pas ça le but, mais pour les aider.»

Josée, elle, ne s’inquiète pas pour les mauvais profs, mais pour les bons. Ceux qui se font dévisager lorsqu’ils parlent de leur profession. «Les gens nous trouvent fous de faire ce travail!» raconte l’enseignante. Ce n’est pourtant pas la folie qui les guide. Chez tous les profs interrogés, ce sont les mêmes termes qui reviennent pour expliquer leur choix de carrière : «vocation», «amour des jeunes», «passion du métier». «Ils sont tellement dévoués qu’ils s’en rendent malades», affirme la présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement, Manon Bernard, alors qu’une étude de l’École nationale d’administration publique (ENAP) a révélé, en 2010, que 60 % des enseignants éprouvent au moins une fois par mois des symptômes du burn-out, tels qu’un sentiment d’inefficacité ou une impression d’être envahis par le travail.

Denyse Robitaille a le trémolo dans la voix lorsqu’elle parle de ses dernières années de travail, qui l’ont «complètement épuisée». La question se pose donc : les Québécois peuvent-ils vraiment exiger plus de leurs enseignants?

Au banc des punitions

Que fait-on avec un vrai de vrai mauvais prof? S’il s’agit d’un remplaçant, son cas est vite réglé. «Si quelqu’un ne fait pas l’affaire, si on a eu une mauvaise expérience, on ne le rappelle pas, dit Manon Bernard, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement. Mais on garde en tête que la suppléance, c’est difficile. Pour que ce prof ne soit pas rappelé, il faut vraiment qu’il soit mauvais.»

Dans le cas d’un enseignant contractuel ou permanent, la convention collective nationale offre une marche à suivre. En cas de faute, la direction émet, d’abord, un avertissement verbal. S’il y a récidive du même comportement, le deuxième avis est écrit. «Après, ce sont les mesures disciplinaires qui entrent en jeu, comme les suppressions de traitement. Si ça continue, il peut y avoir un congédiement et même un retrait du droit d’enseigner, indique celle qui présidait la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement jusqu’en juillet dernier, Chantal Longpré. Mais je dirais que ces cas-là sont rares. On essaie plutôt de donner de la formation ou du soutien aux enseignants qui doivent s’améliorer.»

Cela dit, un prof peut se faire montrer la porte à la suite d’une seule inconduite majeure. Ce fut le cas au printemps dernier pour celui qui a fait visionner la vidéo du meurtre et du démembrement d’un étudiant universitaire chinois à sa classe d’une école secondaire de LaSalle. Il a été renvoyé sur-le-champ par la commission scolaire.

Le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport ne nous a pas révélé le nombre de plaintes reçues l’an dernier contre des enseignants québécois. La Fédération des commissions scolaires du Québec a indiqué, quant à elle, qu’elle ne tenait pas de registre des plaintes.

Vers un ordre professionnel?

Si les enseignants sont des professionnels de l’éducation, pourquoi ne pas créer un ordre qui gèrerait le droit d’exercer et assurerait la protection du public, en l’occurrence les jeunes?

Le Parti libéral en avait fait une promesse électorale en 2003. Il avait finalement reculé une fois au pouvoir devant la contestation des enseignants. Or, voilà que le parti Coalition Avenir Québec revient avec cette idée dans son plan pour l’éducation.

Selon le professeur au Département d’éducation et pédagogie de l’UQAM Patrice Potvin, le monde de l’éducation ne pourrait qu’y gagner. «Il y a des limites à une dynamique syndicat/patronat. Dans une négociation, souvent, le patron gagne, le syndicat gagne, mais la clientèle perd, puisqu’elle n’y est pas. Dans ce cas-ci, ce sont les élèves qui en paient le prix. Je pense qu’il serait avantageux pour la profession qu’il y ait un organisme pour défendre la qualité du service.»

Pourtant, d’autres provinces canadiennes sont passées par là avec des résultats mitigés. Il y a 25 ans, la Colombie-Britannique a créé un ordre professionnel pour ses enseignants. Le ministère de l’Éducation de la province l’a finalement dissout à la fin de 2011 après avoir constaté que le syndicat y était étroitement lié. Aujourd’hui, un conseil d’enseignants gère les plaintes du public tandis que le Ministère autorise les professionels à exercer.

L’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, créé en 1997, vient, quant à lui, de faire l’objet d’un grand examen, un an après que des reportages ont révélé que plusieurs cas de fautes professionnelles avaient été cachés au public. Dans un rapport publié en juin dernier, l’ancien juge Patrick J. LeSage écrivait : «l’Ordre doit relever deux défis de taille : la transparence et l’efficience.» Il a déposé 49 recommandations pour y arriver.

Ces deux expériences prouvent qu’un ordre des enseignants québécois serait peu utile, selon la présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement, Manon Bernard. Pour elle, le débat est clos, d’autant plus que l’Office des professions du Québec a émis, en 2002, un avis défavorable à cet égard.

Reste qu’à la demande de la Fédération des comités de parents du Québec, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport a créé, il y a un an, un poste de protecteur de l’élève, une instance neutre présente dans chacune des commissions scolaires. Il s’agit du dernier recours en cas de plainte contre un enseignant.

L’école au Québec

  • 466 144 élèves au primaire (septembre 2011)
  • 421 397 élèves au secondaire (septembre 2011)
  • 2 795 écoles publiques, dont 30 écoles qui relèvent directement du gouvernement provincial ou fédéral (principalement sur les réserves indiennes) et
  • 353 écoles privées (2010-2011)

 

Les enseignants au Québec

  • 48 293 au primaire (2009-2010)
  • 34 731 au secondaire (2009-2010)
  • 39 ans : âge moyen (2009-2010)
  • 57 878 $ : salaire moyen (2008-2009) contre 69 222 $ au Canada
  • De 15 à 20 % : taux d’abandon de la profession durant les 5 premières années de carrière

 

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