Le big data en recrutement : une rareté au Québec

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Le big data fait beaucoup jaser parmi les recruteurs québécois, mais dans les faits, peu l’utilisent… Pour l’instant.

Octobre 2013, des geeks du recrutement sont réunis dans une classe au sous-sol du Complexe des sciences Pierre-Dansereau de l’UQAM. Ils jasent big data dans le cadre de l’événement sur le recrutement innovant #TruMontréal. Après discussion, ils en viennent à la conclusion qu’«avant de faire du big data, il faudrait faire du data!». De bonnes données intègres, ce n’est pas si facile à recueillir.

Utilise-t-on le big data au Québec? Jobboom a contacté de grandes entreprises susceptibles de le faire, mais les demandes d’entrevues ont toutes été déclinées. Information stratégique!

Nous avons toutefois appris que seuls 4 % des services de ressources humaines font de l’analyse prédictive, selon une étude de Bersin by Deloitte menée auprès de 435 entreprises canadiennes et américaines. «On est vraiment au début de cette tendance», dit Andrée Laforge, chef de produit chez Syntell, une firme active en gestion de données sur le personnel.

Mais ce n’est pas l’intérêt qui manque. Les employeurs d’ici manifestent bel et bien une ouverture, constate le coanimateur de l’atelier, Jean-Baptiste Audrerie, chargé du développement technologique chez SPB Psychologie organisationnelle.

Dans son bureau de Laval, il nous montre des rapports détaillés qui classent les résultats des candidats selon un code de couleur : feu vert, feu jaune, feu rouge.

«Tous nos clients aiment voir les données, parce que ça parle : le candidat répond aux critères ou pas? Dans un processus de recrutement, l’évaluation psychologique permet, au-delà des compétences, de savoir s’il y a une adéquation entre les valeurs du candidat et celles de l’entreprise.» SPB Psychologie organisationnelle se targue de pouvoir prédire avec justesse la performance d’un candidat dans plus de 80 % des cas. Mais il ne s’agit là que de little data.

On est loin de faire du big data en recrutement au Québec, confirme Andrée Laforge. «Des clients nous disent qu’ils veulent faire de l’analyse prédictive, mais ils ne maîtrisent même pas leurs données! Il faut un gros bassin d’employés pour faire des analyses comme Google et en plus, il faut être capable de les interpréter, les données.» Un recruteur n’a pas forcément la formation nécessaire pour faire des analyses aussi poussées.

Nathalie Carrénard, chasseuse de têtes à la Banque Nationale du Canada, a hâte de s’y mettre. Elle lit (et tweete) absolument tout ce qui s’écrit sur le sujet. Elle a déjà utilisé l’algorithme Tactics HR, capable de dénicher des candidats à partir des données de Twitter, et est impatiente de voir le big data s’implanter dans tous les services de RH.

«La grande hantise en recrutement, c’est de passer à côté de quelqu’un ou de ne trouver personne pour pourvoir un poste.» Pour elle, l’avenir est plein de promesses en ce sens. «Le big data va nous amener plus de précisions, plus d’éléments chiffrés et plus de poids dans l’entreprise, car ça permet de présenter des faits. Ça fait un peu Minority Report, mais c’est intéressant!»

Chez Bombardier Produits Récréatifs, la spécialiste en acquisition de talents Mireille Couture espère que le big data va bientôt l’aider à mieux cibler l’affichage de postes. «Si les ingénieurs mécaniques parcourent LinkedIn de telle heure à telle heure, on veut le savoir et y être.» Elle étudie présentement les façons d’y arriver.

Mais elle a des réticences à faire confiance à des algorithmes pour une embauche. Elle n’est pas la seule. «Il ne faudrait pas que ça envahisse les ressources humaines, prévient la recruteuse Nathalie Carrénard. Le big data ne peut pas nous remplacer. Dans “ressources humaines”, il y a le mot “humain”.»

Surtout, «les ressources humaines, c’est un monde qui bouge lentement», rappelle Jean-Baptiste Audrerie. On s’en reparle dans 10 ans?

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