Immigration et ordres professionnels : d’un.e ingénieur.e d’ailleurs à un.e ingénieur.e d’ici

Laissez-moi vous raconter l’histoire de Kais : elle pourrait ressembler à la vôtre. Après 5 ans d’études universitaires, dont 3 en École d’ingénieurs en Tunisie, Kais cumule près de 10 ans d’expérience comme ingénieur en électricité et chef de projet. Ces expériences lui ont permis de démontrer ses compétences, reconnues par ses supérieurs, ses pairs et autres professionnels sous sa supervision.

Et un jour, il décide de bâtir un projet de vie au Québec.

Kais et son cheminement professionnel au Québec

C’est en mai 2019 que son avion atterrit à Montréal. Kais laisse temporairement sa famille derrière lui. Il souhaite bien préparer le tout sur place et les accueillir par la suite dans les meilleures conditions. Il se loge et commence ses premières démarches d’installation.

Puis, il a besoin d’un travail, d’une source de revenus. Mais Kais ne peut pas travailler tout de suite comme ingénieur. Il apprend en effet que le titre d’ingénieur est un titre réservé aux membres de l’Ordre des ingénieurs du Québec. Kais comprend alors qu’il doit entamer les démarches d’adhésion pour pratiquer, se présenter légalement comme ingénieur et poser certains actes professionnels réservés. Il devra aussi repasser par une période de supervision d’au moins 24 mois, pendant laquelle il portera le titre de candidat à la profession d’ingénieur. Afin de s’assurer de bien comprendre les démarches d’adhésion à l’Ordre, il choisit de bénéficier d’un accompagnement dans ses démarches et prend rendez-vous avec moi.

Kais ne s’est pas découragé, mais comme conseillère en intégration socioprofessionnelle auprès des professionnels formés à l’étranger en génie, je peux constater que la question de la déqualification professionnelle impacte parfois sérieusement la motivation et l’estime de soi. En effet, il n’est pas rare que certains professionnels formés à l’étranger vivent difficilement cette exigence d’être supervisé – parfois par une personne passablement plus jeune – avant d’être reconnu comme ingénieur de plein titre, et ce, malgré plusieurs années d’expérience pertinentes.

Avant son entrée en poste, lorsqu’il consultait les offres d’emploi, Kais se disait que son profil répondait aux exigences des employeurs et qu’il pourrait facilement intégrer le marché du travail.

Il est vrai que son expérience n’est pas perdue ; les compétences acquises demeurent et continuent d’être utiles et la vitesse d’apprentissage n’en est qu’accélérée. Toutefois, Kais m’explique que sa première expérience de travail au Québec lui a vite démontré qu’en pratique, il y a bien souvent un décalage. Par exemple, les codes, les normes et les outils diffèrent bien souvent d’un pays et d’un milieu à l’autre.

Le volet pratique du programme d’accès à la profession de l’Ordre des ingénieurs du Québec permet entre autres l’acquisition de ces nouvelles compétences ou une mise à jour de ces dernières. Par la même occasion, certains ingénieurs formés à l’étranger rapportent qu’il les aide à s’adapter tranquillement au marché du travail québécois.

Le rôle de l’Ordre des ingénieurs du Québec et de son programme d’accès à la profession

En entrevue, Sophie Larivière-Mantha, présidente de l’Ordre des ingénieurs du Québec, rappelle que la raison d’être de l’Ordre est d’abord et avant tout la protection du public. L’Ordre a en effet pour rôle de s’assurer que chaque ingénieur ait la formation et les compétences requises pour exercer sa profession, en encadrant et en surveillant les activités professionnelles.

Il est donc crucial de s’assurer d’une formation et de connaissances équivalentes chez les candidats formés à l’étranger, mais aussi, d’une expérience contemporaine en génie.

Avant d’être inscrits au tableau de l’Ordre, les candidats formés hors du Canada doivent soumettre une demande d’admission. L’Ordre procédera à une évaluation approfondie de leurs parcours académique et professionnel. À l’issue de cette évaluation, l’Ordre établira si des activités de formation sont nécessaires aux candidats pour intégrer le programme d’accès à la profession.

Par la suite, les professionnels seront reconnus comme candidats à la profession d’ingénieur. Ils auront ensuite à combler 3 volets avant d’obtenir le titre d’ingénieur :

  • un volet linguistique (connaissance suffisante de la langue française) ;
  • un volet théorique (réussite d’un examen sur le cadre professionnel, réglementaire et éthique de la profession d’ingénieur au Québec) ;
  • un volet pratique (durée minimum de 24 mois, acquisition de 6 compétences cibles)

Afin de réussir le volet pratique, les candidats doivent se trouver un emploi où ils exerceront à titre de candidats à la profession d’ingénieur, sous la supervision d’un ingénieur d’expérience. Toutefois, ce dernier ne doit pas obligatoirement être un gestionnaire ou un collègue. Il peut également être un ingénieur employé par un client, un fournisseur de l’employeur, ou un contractant externe. L’Ordre peut également accompagner les candidats qui ne trouveraient pas de superviseur remplissant les critères requis.

À la suite de la délivrance d’un permis d’ingénieur, l’intégration au travail des professionnels formés à l’étranger n’est pas du ressort de l’Ordre. Toutefois, l’Ordre offre plusieurs activités et évènements qui peuvent aider ses membres à développer leur réseau. Par ailleurs, certains organismes offrent de l’accompagnement dans leurs démarches d’intégration socioprofessionnelle.

Le programme d’accès à la profession : avantages

Mme Larivière-Mantha nous explique que la supervision par un autre ingénieur pendant le volet pratique du programme d’accès à la profession comporte des avantages non négligeables : il permet d’être jumelée à une personne ressource, ce qui s’avère bien souvent être bénéfique pour les candidats, notamment pour ceux qui vivent leur première expérience québécoise en génie. Le fait d’avoir un référent peut être rassurant.

Elle insiste sur le fait que bien que la vocation de l’Ordre ne soit pas associative, en être membre donne accès à une communauté de gens, propose un soutien au développement professionnel. Il y a aussi la possibilité de s’impliquer à l’Ordre bénévolement au travers des comités régionaux ou de travail et comme ambassadeur, notamment auprès des futurs ingénieurs. Une petite mine d’or pour les nouveaux arrivants qui souhaitent réseauter et rencontrer d’autres ingénieurs. Voire briser l’isolement, pour certains.

Rebondir et avancer

Pour Kais, le changement est bien entamé : nouveau pays, nouveau titre, nouvelles perspectives. Il terminera le programme d’accès à la profession de l’Ordre dans quelques mois. Sans équivoque, il nous confirme que cette période de supervision contribue grandement à favoriser son intégration sociale et professionnelle au Québec et celle de sa famille, qu’il a finalement pu accueillir les bras grands ouverts.

Écrit par Julie O’Connor
Julie O’Connor est conseillère en intégration socioprofessionnelle experte, Volet programme ingénieurs et emploi à la CITIM depuis un peu plus de 4 ans. Elle accompagne principalement les professionnels formés en génie à l’étranger dans leurs démarches d’intégration socioprofessionnelle, incluant leurs démarches d’adhésion à l’Ordre des Ingénieurs du Québec. Elle intervient aussi, avec ses collègues, au niveau de leur recherche d’emploi afin de bien les préparer au marché du travail québécois.

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CITim

Depuis 1986, la CITIM (Clef pour l'intégration au travail des immigrants) accompagne les nouvelles personnes immigrantes dans leur projet de vie socioprofessionnelle au Québec. L’OBNL est connu aussi pour ses services uniques et sur mesure pour les PVTistes et les professionnels en génie formés hors Québec ou en permis post-diplôme.

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