Faire œuvre utile

Thomas Fournier, ing., ministère des Transports du Québec
Photo : Valerie Busque

Plate, beige, routinière, la fonction publique? Pas si sûr! L’embauche d’ingénieurs est au coeur de la stratégie de lutte à la corruption du gouvernement. La preuve que défis importants et fonctionnaires vont aussi de pair.

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Les carrières de l’ingénierie.

Ingénieur au ministère des Transports du Québec (MTQ), Thomas Fournier, 26 ans, sait qu’il a trouvé sa voie. Diplômé en génie géologique à l’Université Laval en 2009, c’est au cours d’un stage d’été au MTQ qu’il a découvert l’univers de la fonction publique. «J’aurais pu travailler pour une compagnie minière, mais j’ai préféré rester au MTQ. Ici, je suis constamment sur le qui-vive, prêt à me rendre aux quatre coins du Québec [pour vérifier la stabilité du sol] afin que les gens se sentent en sécurité dans leur maison», raconte-t-il. En effet, l’ingénieur géologue doit s’assurer qu’aucun glissement de terrain ne menace la sécurité des résidents. «S’il y a un risque, je peux recommander des travaux de stabilisation et, ultimement, le déplacement de maisons. J’aime être utile à la société.»

Des occasions de travail de ce genre se présentent à de plus en plus d’ingénieurs. À l’automne 2011, dans la foulée du rapport de l’Unité anticollusion sur la corruption au Québec, le MTQ a en effet annoncé son intention de procéder à l’embauche massive d’ingénieurs au cours des prochaines années. Objectif : ramener une expertise au sein de ce ministère qui a eu beaucoup recours à la sous-traitance au cours des 10 dernières années, un des multiples facteurs qui ont rendu possibles les nombreuses malversations et fraudes dans l’attribution des contrats publics.

Ouvrir les vannes

Le bal du recrutement est déjà commencé. Entre avril 2010 et mars 2011, le nombre d’ingénieurs au MTQ a crû de 4,5 %. Et c’est loin d’être terminé. «Si tout se passe comme prévu, plus de 300 nouveaux postes d’ingénieurs seront créés d’ici 2017», affirme Mireille Parent, directrice des ressources humaines du Ministère. C’est tout un changement de cap, compte tenu qu’entre 2003 et 2011, le nombre d’ingénieurs au service du MTQ a à peine progressé.

Les recrues se joindront aux quelque 585 ingénieurs employés par le MTQ, pour la plupart spécialisés en génie civil. Ils sont responsables du bon état de 25 000 kilomètres de routes et de 4 700 ponts et viaducs à travers le territoire québécois. Leurs tâches sont très variées, selon Mireille Parent. «Ça va du calcul des charges portantes à la conception de plans et devis, en passant par la supervision des firmes privées d’ingénierie oeuvrant sur les grands chantiers.»

Si tout se passe comme prévu, plus de 300 nouveaux postes d’ingénieurs seront créés d’ici 2017.
— Mireille Parent, MTQ

Avec ces nouvelles troupes, le MTQ espère aussi hausser les contrôles de la qualité et des coûts des travaux confiés au secteur privé. Et superviser davantage de chantiers. Actuellement, moins de 5 % des chantiers routiers sont supervisés par des ingénieurs du MTQ. Or, d’ici l’automne 2016, cette proportion devrait grimper à 25 %. Du côté des inspections de structures, la proportion effectuée par des ingénieurs de l’État devrait passer de 50 % à 80 %.

Au-delà du transport

L’embauche n’est pas limitée au MTQ. Près de 500 nouveaux ingénieurs pourraient être engagés par l’ensemble des ministères du Québec, incluant les 300 embauches du MTQ, d’ici les 3 à 5 prochaines années, estime Pierre Rivet, directeur du Service de l’enseignement coopératif et responsable des stages à l’École de technologie supérieure. Et pas seulement des spécialistes du génie civil. La fonction publique compte des ingénieurs en génie agroenvironnemental, forestier, chimique, électrique, géologique et minier, ainsi que mécanique.

Les pour et les contre

Afin d’attirer de nouvelles recrues, les ministères mettent de l’avant leurs conditions de travail, qui facilitent l’équilibre travail-famille. Par exemple, les employés de l’État bénéficient de quatre semaines de vacances après une année de service et de treize jours fériés par année. C’est supérieur au secteur privé. L’Enquête sur la rémunération directe des ingénieurs salariés du Québec, menée par le Réseau des ingénieurs du Québec en 2011 auprès de 7 360 personnes, révèle que les ingénieurs des secteurs manufacturier et du génie-conseil ont, en moyenne, sept jours de vacances annuelles de moins que leurs confrères du secteur public. Et ils travaillent environ quatre heures de plus par semaine.

En outre, les heures supplémentaires des ingénieurs de la fonction publique sont payées, en temps ou en argent, ce qui n’est pas toujours le cas dans le secteur privé. Finalement, les ingénieurs du gouvernement du Québec disposent de la sécurité d’emploi et d’un régime de retraite qui fait l’envie de plusieurs.

Toutefois, en dépit de ces avantages, le recrutement dans la fonction publique «a été particulièrement difficile au cours des dernières années», rapporte Éric Santerre, porte-parole du ministère des Ressources naturelles et de la Faune. Et une fois embauchés, les fonctionnaires, particulièrement les jeunes, sont nombreux à quitter leur emploi avant leur retraite. Une des raisons majeures : les salaires plus élevés du secteur privé.

Selon l’Enquête du Réseau des ingénieurs du Québec, le salaire moyen des ingénieurs de la fonction publique provinciale s’établit à 76 100 $ par année comparativement à 91 600 $ dans le secteur privé.

Un écart qui existe dès le début de la carrière. D’après Pierre Rivet, les ingénieurs du gouvernement du Québec touchent une rémunération annuelle «d’au moins 20 % inférieure à celle des ingénieurs du secteur privé lors de leur première année de travail».

Au privé, les ingénieurs peuvent également toucher de «généreux» bonis annuels ainsi que d’importants avantages sociaux, comme une voiture payée par la compagnie, selon Robert Bouchard, secrétaire-trésorier de l’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec.

Les ingénieurs de la fonction publique ont aussi droit à certaines primes. Ainsi, ceux qui habitent des régions où sévissent des difficultés de recrutement bénéficient d’une prime de 8 % lors de leur première année d’embauche. Parmi ces régions figurent notamment l’Abitibi-Témiscamingue, la Côte-Nord et… Montréal.

Processus de longue haleine

Avis aux intéressés : inutile de chercher des offres d’emploi sur les sites Web des ministères. Car dans la fonction publique, contrairement au secteur privé, on ne pose pas sa candidature pour un poste en particulier.

La première chose à faire consiste à répondre à un «appel de candidatures» du gouvernement du Québec en consultant le portail carrières sur le Web [www.carrieres.gouv.qc.ca]. C’est là que le gouvernement indique être à la recherche d’ingénieurs. Vous devrez remplir une offre de service, avec entre autres les détails de votre scolarité et de vos expériences professionnelles. Les candidats qui satisfont aux conditions d’admission sont ensuite convoqués à un examen de sélection.

Mais ce n’est pas tout. Les candidats qui ont réussi l’examen sont ajoutés à des listes où figurent les noms de tous ceux qui ont aussi subi le concours avec succès. Lorsque les ministères ont besoin de personnel, ils consultent alors ces listes et convoquent en entrevue les personnes dont le profil les intéresse le plus. Autrement dit, il est possible d’être convoqué pour une entrevue d’emploi par plus d’un ministère.

Ces listes sont conservées pendant au moins un an. Soyez patient!

Conseils aux intéressés

Êtes-vous fait pour la fonction publique?

Un stage dans un ministère pendant vos études est le meilleur moyen de vérifier si le milieu vous convient, estime Jean Poirier, conseiller en emploi à l’Université Laval.

Vous êtes convoqué en entrevue?

«N’hésitez pas à poser toutes les questions possibles afin de vous assurer que l’emploi proposé correspond à vos attentes», recommande Robert Bouchard, secrétaire-trésorier de l’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec. Par exemple, certains postes comprennent davantage de supervision du travail des firmes de génie-conseil que de conception.

On vous offre un poste?

Vous avez passé l’entrevue d’emploi, mais le poste offert ne vous intéresse pas. «N’hésitez pas à refuser. Votre nom restera sur la liste et vous aurez d’autres occasions», dit Mireille Parent, directrice des ressources humaines au ministère des Transports du Québec.

Cet article est tiré du guide
Les carrières de l’ingénierie 2013