Avez-vous le bon profil pour les TIC?

Illustration : Katrinn Pelletier, colagene.com

«Les concepteurs de jeux vidéo utilisent essentiellement leur créativité.» «Les experts en cybersécurité sont avant tout cartésiens.» «Les informaticiens travaillent en solo.» Certains mythes ont la vie dure et ils sont parfois bien loin de la réalité!

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«L’informatique ne se limite pas à des 0 et des 1 ou à de vieux écrans verts éclairant un laboratoire aux petites heures du matin!» fait valoir Jean-François Kenney, concepteur de niveau technique chez Eidos-Montréal. Pour ce diplômé de l’UQAM en communication, profil médias interactifs, ce domaine offre également des emplois créatifs.

«Il est vrai que l’artiste ou le concepteur va naturellement se diriger vers le jeu vidéo, la création de pages Internet ou la publicité interactive parce que son talent n’apporte rien à la gestion de réseaux, au soutien technique ou à la création de logiciels comptables, explique-t-il. Néanmoins, j’ai connu des programmeurs et des ingénieurs qui ont quitté le jeu vidéo pour aller en développement de logiciels peu créatifs et vice-versa.»

Pour Jean-François Kenney, la création et l’aspect plus technique de l’informatique ne s’opposent pas. Ils se complètent la plupart du temps.

Au quotidien, ce jeune concepteur exploite tour à tour ces deux facettes du métier. «Je crois que j’ai un sens créatif affûté, mais en même temps, j’ai des habiletés techniques que je ne peux ignorer, souligne-t-il. Pour le développement d’un outil de création de pistes pour un jeu de course, par exemple, je vais élaborer le concept même de l’outil, en déterminer son nom, ses attributs et son apparence. Les tâches plus cartésiennes consisteront à lister les propriétés techniques de l’outil, les étapes de son développement et à effectuer le suivi auprès des développeurs, des artistes et des testeurs, etc.»

On ne va pas vers l’industrie du jeu vidéo uniquement pour “se faire du fun”. Les gens qui pensent ainsi sont rapidement désenchantés et passent à autre chose.
François Boucher-Genesse, concepteur de jeux vidéo chez iboolab

Le concepteur de jeux vidéo François Boucher-Genesse tire des conclusions similaires. «Dans ma vie, je suis surtout cartésien, mais ce que j’aime dans les jeux, c’est l’aspect créatif, confie-t-il. Comme concepteur, je dois trouver les bonnes contraintes qui vont permettre d’augmenter le plaisir du joueur sans trop complexifier le jeu.» Mais la conception de jeux vidéo ne se limite pas à un travail de création, nuance-t-il. «Ça demeure une tâche technologique très complexe, fait-il valoir. La conception d’un jeu peut s’échelonner sur plusieurs années et nécessiter d’immenses équipes, parfois 500 personnes sur plus de trois ans! On ne va donc pas vers l’industrie du jeu vidéo uniquement pour “se faire du fun”. Les gens qui pensent ainsi sont rapidement désenchantés et passent à autre chose.»

Ingénieur informatique, François Boucher-Genesse a notamment travaillé sur la licence Halo de Bungie, Microsoft. Avec son associé, il a récemment créé iboolab, une boîte de jeux vidéo éducatifs. Dans le cadre de sa maîtrise en éducation, il a créé et programmé Mécanika, un jeu vidéo qui aide les jeunes du secondaire à maîtriser les lois de la physique.

Créatifs malgré tout

Contrairement à ce que l’on croit généralement, les professions plus techniques de l’informatique ne demandent pas d’utiliser seulement son côté cartésien.

Administrateur de systèmes à son compte, Étienne Pouliot estime que son boulot exige une bonne dose de créativité. «On se retrouve parfois devant des systèmes qui n’ont pas été pensés pour marcher de telle façon. Il faut alors concevoir une solution sur mesure afin de permettre à deux systèmes de fonctionner ensemble. Il arrive même que l’on doive apprendre le fonctionnement d’un nouveau système sur les lieux d’un contrat, poursuit-il. Pour moi, c’est toujours un bon stress. C’est motivant d’apprendre.»

Il faut autant pouvoir travailler avec l’artiste aux cheveux bleus qu’avec le programmeur qui a des taches de café sur son chandail.
François Boucher-Genesse

À l’instar de son collègue, Frédéric Lévesque, analyste en sécurité et technologie à son compte, doit constamment innover en créant des solutions qui s’adapteront à l’environnement et aux besoins de ses clients. «C’est un peu comme faire un plan de maison, illustre-t-il. On doit tenir compte du terrain sur lequel elle sera bâtie. Ça demande une grande capacité d’adaptation.»

En solo?

Si l’informatique est associée à des tâches solitaires, ce n’est pas tout à fait le cas. «On imagine souvent l’informaticien dans son coin qui ne parle à personne, mais c’est plutôt l’inverse, affirme Étienne Pouliot. Il y a des séances de travail individuel, mais il y a aussi beaucoup de collaboration avec les équipes en place ou avec d’autres consultants», relate-t-il.

François Boucher-Genesse est content que sa formation l’ait initié au travail d’équipe, une facette importante du travail au sein de l’industrie du jeu vidéo. «Durant mon baccalauréat à l’Université de Sherbrooke, l’apprentissage se faisait par projets et en équipe. Cela m’a été très utile. Dans mon domaine, nous devons constamment conjuguer avec des gens dont la personnalité est différente de la nôtre. Il faut autant pouvoir travailler avec l’artiste aux cheveux bleus qu’avec le programmeur qui a des taches de café sur son chandail», ajoute-t-il à la blague.

Autre mythe à déboulonner que celui de l’informaticien qui ne sait s’exprimer que dans un jargon informatique incompréhensible.

«Il est important de vulgariser lorsque je présente des travaux à des gestionnaires qui connaissent moins la technologie, explique Frédéric Lévesque. Il faut donner l’information de façon simple pour ne pas perdre l’intérêt de notre interlocuteur.» Une bonne maîtrise de la langue française est aussi recherchée, selon lui.

«C’est même un élément important de mon travail, précise-t-il. Comme je dois régulièrement rédiger des documents pour présenter, par exemple, les divers aspects de la sécurité d’un système et leurs applications dans le respect des bonnes pratiques, mes phrases doivent être bien construites et ne contenir aucune faute d’orthographe.»

«Il est certain que le milieu de l’informatique a toujours attiré et attirera toujours certains types de personnes, précise Jean-François Kenney. Mais cela est aussi vrai dans d’autres domaines», rappelle-t-il. Pour ce concepteur, il demeure réducteur d’associer l’ensemble du milieu des jeux vidéo et des TIC aux nerds et aux geeks. «Rien n’est aussi simple que ça!» conclut-il.

S’inspirer pour mieux créer

Ce n’est pas parce qu’on est quotidiennement plongé dans un milieu qui stimule l’imagination que notre créativité est autosuffisante. Au contraire, affirment François Boucher-Genesse et Jean-François Kenney. À l’affût de ce qui se fait dans leur domaine, ces deux travailleurs du jeu vidéo nourrissent constamment leur imagination, question de se renouveler.

Sans surprise, le jeu vidéo est une source d’inspiration évidente pour l’un comme pour l’autre.

«J’essaie les nouveaux jeux qui ont du succès environ une fois par semaine, dit François Boucher-Genesse. Mon travail de consultant me permet d’ailleurs de me tenir à jour quant à ce qui se fait dans le jeu vidéo éducatif.» Le concepteur de jeux s’intéresse aux réalisations des autres acteurs du milieu en assistant à des conférences spécialisées et en consultant des blogues. Pour stimuler sa créativité et tester de nouvelles idées, il conseille de partager ses trouvailles avec un groupe de personnes avec qui on se sent à l’aise.

Pour sa part, Jean-François Kenney cultive aussi sa capacité de création en jouant à des jeux de toutes sortes, dont des jeux de société. La littérature et le cinéma de tous genres sont également des sources d’inspiration. «Ça peut aussi être simplement le design d’objets intéressants, l’architecture étrangère, le voyage, etc. Bref, tout ce qui nourrit généralement l’imaginaire des gens.»

Et nul besoin de travailler dans un domaine artistique pour stimuler son inventivité. C’est pourquoi Étienne Pouliot s’intéresse à l’actualité informatique, question d’innover en trouvant de nouvelles idées et solutions pour mieux concevoir les systèmes.

Le réseautage peut également être fort utile, fait remarquer Frédéric Lévesque. Pas surprenant aussi que cet expert en TIC, tout comme Étienne Pouliot, soit membre de l’Association québécoise des informaticiennes et informaticiens indépendants. Le réseautage brise l’isolement et permet de partager trucs et connaissances avec une équipe élargie!

Les carrières des technologies de l’information et des communications 2013

Cet article est tiré du guide
Les carrières des technologies de l’information et des communications 2013