Immigration : Terre d’écueils

Les immigrants arrivent au Québec avec des rêves plein leurs valises et la ferme intention de se trouver un bon emploi. Mais, souvent, les réalités du marché du travail les ramènent cruellement sur terre.

«À Rome, on fait comme les Romains! C’est à eux de faire des concessions pour s’adapter!»

Cette réaction, Pierre Jetté, agent à la Direction de la coopération et de l’éducation à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, l’entend souvent de la part des responsables en ressources humaines qu’il rencontre lors des ateliers et conférences qu’il donne en entreprise. Il y constate que la gestion de la diversité culturelle n’est pas chose facile, surtout lorsqu’il s’agit des revendications religieuses de certains immigrants, qui souhaitent avoir accès à des locaux de prière, notamment. Ces revendications sont mal reçues, «car avec la religion, on touche au cœur de l’identité des individus et de ce qui fonde l’identité québécoise», note-t-il.

En visite en France au printemps dernier, le premier ministre Jean Charest vantait pourtant le modèle d’intégration des immigrants québécois. Alors pourquoi les immigrants qui ont des noms à consonance étrangère ont-ils du mal à trouver du travail? Parce qu’ici, comme en France, la discrimination à l’embauche existe! Des deux côtés de l’Atlantique, les médias rapportent des histoires de CV aux noms étrangers qui finissent à la poubelle, contrairement aux noms plus «gaulois», qui décrochent une entrevue. «Depuis la guerre du Golfe, les arabo-musulmans sont les plus stigmatisés», constate Ana Luisa Iturriaga, directrice de Québec Multi-Plus, un organisme spécialisé dans les relations interculturelles en milieu de travail. «Ce type de discrimination envers les musulmans n’a fait qu’empirer après le 11 septembre 2001, avec des répercussions sur les Bangladais et les Pakistanais.»

Mais l’actualité internationale est-elle seule responsable des difficultés des immigrants, que le Québec souhaite accueillir toujours plus nombreux?

Inadéquation

Rappelons que le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles du Québec (MICC) vise 46 000 admissions en 2006 et 48 000 en 2007, une augmentation de plus de 27 % par rapport à 2002. Diplômes et expérience professionnelle constituent des critères importants dans la sélection des candidats à l’immigration. Or, ces mêmes diplômes et expérience, supposés ouvrir les portes du marché du travail, ne sont pas – ou peu – reconnus par les employeurs et les ordres professionnels.

«Le Québec accueille des immigrants plus scolarisés qu’avant, ayant fait davantage d’études postsecondaires que la population canadienne ou québécoise, en pensant qu’ils s’intégreront plus facilement. Mais cela n’est pas nécessairement le cas. Les immigrants sont choisis selon leur scolarité et non leur métier, et il n’y a donc pas d’adéquation entre les postes disponibles sur le marché du travail – techniciens et travailleurs non spécialisés – et le profil des personnes sélectionnées, qui sont souvent des diplômés universitaires», explique Marie-Josée Duplessis, coordonnatrice du volet intégration à la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes. «En revanche, nuance-t-elle, choisir les immigrants selon les besoins du marché du travail a aussi ses limites puisque les délais de traitement d’un dossier d’immigration pouvant prendre plusieurs années, une profession demandée peut très bien ne plus l’être quand la personne est enfin autorisée à immigrer au pays.»

Pour remédier à cette inadéquation, le ministère met en place, cet automne, une nouvelle grille de sélection des immigrants «visant à favoriser plus de travailleurs qualifiés, ouvriers et techniciens, qui répondent aux besoins exprimés par les employeurs, en région notamment», explique Claude Fradette, porte-parole du MICC.

Entre-temps, les nouveaux arrivants débarqués ici avec beaucoup d’attentes déchantent vite et se sentent floués. «“On m’a menti!”, “J’ai été trahi!” : voilà ce qu’ils nous disent», témoigne Mme Iturriaga.

Immigrants admis au Québec et au Canada

QUÉBEC CANADA PART DU QUÉBEC

2001 37 537 250 642 15,0 %

2002 37 629 229 046 16,4 %

2003 39 583 221 355 17,9 %

2004 44 246 235 824 18,8 %

2005 43 373 262 157 16,5 %

Source : Ministère de l’Immigration et des communautés culturellles.

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