BYOD : employé tout équipé recherché

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Les appareils mobiles personnels comme les téléphones intelligents, les tablettes et les ordinateurs portables sont de plus en plus présents en milieu de travail. Portrait d’un phénomène qui ne présente pas que des avantages.

Tiré du magazine Les carrières des TIC 2014.

Un nombre croissant d’entreprises permettent à leurs employés d’utiliser leurs appareils personnels dans le cadre de leurs fonctions. Appelée BYOD, pour Bring Your Own Device (apportez vos propres appareils), cette tendance aurait grandement été motivée par la prolifération des téléphones intelligents, dit Samuel Bonneau, consultant en technologie et sécurité de l’information, et copropriétaire et éditeur de Secus, un magazine électronique qui fait la promotion de la sécurité informatique.

«Avec l’arrivée de l’iPhone, puis des appareils Android, il était difficile pour les entreprises d’avoir des systèmes pouvant supporter l’ensemble des périphériques offerts et de fournir à tous un appareil qui corresponde à leurs propres besoins et préférences, explique-t-il. Mais les entreprises ont vu dans l’utilisation des appareils personnels la possibilité de faire des économies et d’accroître la productivité de leurs employés.» Le BYOD était né!

À chacun sa formule

Aujourd’hui, le BYOD concerne bien sûr le téléphone intelligent, mais aussi les tablettes et les ordinateurs portables. «Cependant, encore peu d’entreprises permettent l’utilisation d’ordinateurs portables personnels», a pu constater Samuel Bonneau lors des contrats d’implantation du BYOD pour lesquels il a été engagé. «C’est d’abord pour des questions de sécurité, mais aussi parce que les licences des logiciels utilisés par les entreprises limitent le nombre de terminaux dont il est possible de se servir.»

L’implantation du BYOD n’est pas toujours initiée par l’employeur. «Dans certains cas, ce sont les employés qui, d’eux-mêmes, décident d’utiliser leur matériel à l’occasion, afin d’effectuer des tâches spécifiques», relate Nadia Seraiocco, chroniqueuse et conseillère en communication Web et médias sociaux.

Qui paie quoi?

Selon la Loi sur les normes du travail, il est illégal pour un employeur de demander à ses employés de supporter des frais liés aux activités de l’entreprise, explique Me Johanne Tellier, avocate et directrice du centre juridique de Montréal de la Commission des normes du travail du Québec. «L’employeur qui exige que son employé fournisse son appareil doit en rembourser le coût d’achat et assumer tous les frais d’utilisation inhérents, indique-t-elle. Les contractuels qui travaillent pour une seule entreprise à la fois peuvent quant à eux facturer leur client ou inclure le tout dans leurs dépenses d’affaires.»

L’employé qui souhaite utiliser ses propres outils de travail plutôt que ceux fournis par la compagnie ne peut forcer son employeur à en assumer les frais.

La Loi n’encadre toutefois pas directement l’utilisation partagée d’un appareil fourni ou remboursé par l’employeur. C’est pourquoi Johanne Tellier conseille de rédiger une entente dans laquelle le ratio d’utilisation des deux parties est établi. «Mais si le salarié effectue seulement quelques appels personnels dans la semaine, ça ne compte pas pour une utilisation partagée», fait valoir l’avocate.

À l’opposé, l’employé qui souhaite utiliser ses propres outils de travail plutôt que ceux fournis par la compagnie ne peut forcer son employeur à en assumer les frais, précise Me Tellier. «Pour des raisons de sécurité et de confidentialité, l’employeur peut refuser que ses employés accèdent au réseau de l’entreprise avec leurs appareils personnels», ajoute-t-elle.

Un moindre mal

Dans les faits, l’utilisation d’outils personnels ne correspond pas toujours au choix, voire au caprice de l’employé. «Lorsque l’équipement qu’on te fournit ne te permet pas de faire ton travail correctement, mais que l’employeur ou le client n’est pas en mesure de te fournir autre chose qu’une tour PC, tu utilises ton propre portable, tes logiciels et tes applications, et tu en assumes les coûts», lance Carl Charest, stratège en nouveaux médias.

«Parfois, c’est fait de façon plus subtile, remarque Samuel Bonneau. Les employeurs ne vont pas directement exiger de leurs employés qu’ils utilisent leurs terminaux personnels, mais vont plutôt le présenter comme une possibilité qui s’offre à eux. Et devant la productivité de leurs collègues qui ont une tablette, certains salariés se sentent obligés de s’en procurer une.»

Grandeur et misère

Si la formule du BYOD a d’abord été vue comme une source d’économies, les entreprises ont rapidement compris que son implantation entraînait des coûts imprévus. «Il peut être difficile, et par conséquent coûteux, de relier tout le monde au serveur central, explique Nadia Seraiocco. Certaines grandes entreprises ont d’ailleurs dû créer d’autres formes d’accès. Au final, l’augmentation des besoins en soutien technique entraîne aussi des dépenses supplémentaires.»

En matière de sécurité, le BYOD impose également la mise en place de coûteux processus qui permettent de contrôler l’accès au serveur de l’entreprise et de protéger les données qui se retrouvent dans les appareils des employés, indique Samuel Bonneau. «Les entreprises doivent notamment être en mesure de contrôler les périphériques à distance afin de “forcer” certaines mesures de sécurité», explique-t-il. On peut, par exemple, empêcher l’enregistrement de données sur un appareil jugé peu sécuritaire ou effacer le contenu d’un appareil qui aurait été perdu ou volé, illustre-t-il. À la limite, on peut même empêcher l’employé de consulter de l’information confidentielle lorsqu’il sort du périmètre sécurisé de l’entreprise.

«L’obligation de se soumettre constamment aux règles de contrôle de l’entreprise constitue un irritant majeur pour bien des employés», constate Samuel Bonneau. Selon Nadia Seraiocco, certains craignent aussi que le contenu personnel de leurs appareils soit vu par leur employeur et préfèrent avoir des appareils distincts.

Néanmoins, le BYOD s’avère avantageux pour les employés qui souhaitent utiliser l’appareil avec lequel ils sont à l’aise, donc plus efficaces, estiment Samuel Bonneau et Carl Charest. «On évite ainsi les délais que peut entraîner l’apprentissage de nouveaux outils, fait valoir ce dernier. Quand j’arrive dans une nouvelle boîte, on n’a qu’à m’installer le courriel et je suis prêt à travailler.»

Et avec l’intérêt grandissant que suscitent les téléphones intelligents et les tablettes électroniques, parions que l’attrait du BYOD n’est pas près de s’amenuiser.

Soirs et week-ends illimités

Votre nouvel employeur vous fournit un téléphone intelligent? Ne croyez pas qu’en l’acceptant vous signerez un pacte avec le diable qui vous obligera à être disponible en tout temps. «Si l’employeur souhaite que son salarié soit disponible 24 heures par jour, 7 jours par semaine, il doit absolument établir une entente claire à ce sujet avec lui», dit l’avocate Johanne Tellier.

Cependant, l’employeur n’a pas à rémunérer un employé pour les heures durant lesquelles il est disponible. Selon la Loi sur les normes du travail, le salarié n’est rétribué que pour les heures travaillées. La Loi prévoit alors qu’un minimum de trois heures de travail doit être payé à l’employé, même si la tâche à effectuer demande moins de temps.

À moi, à nous, à vous?

Qu’il s’agisse de tâches personnelles ou professionnelles, ce que vous faites avec vos appareils mobiles vous appartient, croyez-vous? «Pas nécessairement, prévient l’avocate Johanne Tellier. De façon générale, le salarié qui travaille avec sa tablette ou son ordinateur personnel n’est pas propriétaire du contenu réalisé pour le compte de son employeur. Si, par contre, vous êtes un entrepreneur dépendant – notamment un contractuel qui travaille pour une entreprise à la fois –, vous avez tout intérêt à négocier, dès le départ, la propriété intellectuelle de ce qui est produit. Ces clauses de contrat sont d’ailleurs monnaie courante dans le milieu des TIC.»