Burnout : comment préparer son retour?

Vous vous sentez prêt à retourner au travail. Voici comment reprendre une vie « normale » et tourner la page à la suite d’un burnout.

« Quand je suis retournée au travail après 4 mois d’absence, je peux dire que j’étais en paix avec ce qui venait d’arriver. J’avais le goût de voir du monde, de travailler, de retrouver ma vie! », se rappelle Danielle (nom fictif), une ostéopathe qui a traversé un burnout à 37 ans. Or, on ne se sort pas d’un épuisement professionnel du jour au lendemain. « Les petits downs et la fatigue m’ont fait réaliser que le travail de guérison n’était pas encore terminé », ajoute-t-elle. Même s’il est difficile de replonger, c’est souvent le retour au boulot qui marque le début de la fin du burnout.

Une réintégration au travail, ça ne se prépare pas la veille du retour au travail. La personne en arrêt de travail devrait avoir su profiter de son congé de maladie pour adopter un rythme de vie actif et équilibré. « Cette lente progression vers le retour à la normalité se poursuivra lorsqu’elle reprendra le travail », explique Nicolas Chevrier, psychologue et fondateur des Services psychologiques Séquoia.

1. Retrouver ses habitudes

Après deux semaines de vacances, il n’est pas rare de se sentir un peu « déconnecté » en retournant au travail. Ce sentiment est encore plus fort après une longue absence pour cause d’épuisement professionnel.

Il faut donc profiter des derniers jours du congé de maladie pour reprendre graduellement le rythme de vie d’un travailleur, explique Éric Hurteau, psychologue et directeur des services professionnels chez Solareh, une firme spécialisée en prévention et en gestion de l’absentéisme au travail. Si l’emploi que l’on va réintégrer requiert de se lever tous les matins à 6 heures, il faut programmer le réveil-matin et entreprendre la routine matinale. Une personne qui anticipe le trajet à faire jusqu’au bureau, à cause de la circulation par exemple, devrait même prendre la route les jours qui précèdent son retour afin de se réhabituer au parcours.

2. Briser la glace

Meilleur est l’accueil au bureau, plus facile sera la transition, affirme Éric Hurteau. En effet, les risques de rechute diminuent quand on se sent attendu et qu’on constate que les collègues et le patron veulent nous rendre la vie facile.

La personne qui se sort d’un burnout peut aider son patron à mieux l’accueillir en organisant une rencontre préparatoire avec lui avant le jour « J », ajoute Éric Hurteau. Cet entretien permet à l’employé et à son supérieur de briser la glace. Ils pourront alors profiter de l’occasion pour établir, d’un côté comme de l’autre, des attentes réalistes à propos des responsabilités que l’employé assumera pendant les premières semaines de sa réintégration.

C’est aussi le moment pour le salarié de s’informer des changements survenus pendant son absence et de vérifier s’il peut compter sur le soutien de son supérieur. Un conseil : il est bon de demander une courte rencontre quotidienne pour vérifier ensemble si la réinsertion au bureau progresse. Après 2 ou 3 semaines, celles-ci pourraient devenir hebdomadaires.

Sans la rencontre préparatoire au retour, les personnes qui reprennent le travail ont parfois tendance à se créer des scénarios et à se stresser inutilement, remarque Éric Hurteau. Elles peuvent, par exemple, s’imaginer à tort que leur patron sera fermé à toute possibilité d’allégement de tâches.

3. Réduire ses craintes

Tous les spécialistes s’entendent pour dire que, dans la très grande majorité des cas, le retour au travail se passe bien mieux que ce que les gens s’imaginaient au départ. Ce fut d’ailleurs le cas pour Danielle. « J’ai annoncé à mes patients que j’avais fait un burnout. Les gens ont été gentils et respectueux. Plusieurs m’ont dit qu’ils s’étaient ennuyés, qu’ils étaient heureux de me retrouver et cela m’a rassurée. Je crois que si les gens étaient aussi à l’aise, c’est que j’assumais bien ce qui m’était arrivé. »

En bref, lorsqu’un soldat tombe au combat, cela laisse rarement les autres indifférents! Le fait de voir un collègue s’épuiser au boulot a l’effet d’un signal d’alarme sur les travailleurs qui l’entourent. C’est ce que révèle un sondage mené au printemps 2008 par SOM Recherches et sondages pour le compte de Desjardins Sécurité financière. Au total, 1 594 Canadiens ont été sondés; 55 % des répondants affirment avoir déjà vu un collègue s’absenter du travail à cause d’un problème de santé mentale. Parmi eux, 68 % affirment être désormais plus sensibles à leur propre santé mentale.

Considérant ce qui précède, rien ne sert de dramatiser. La meilleure façon d’apaiser les craintes reste de les confronter. Plutôt que d’essayer d’imaginer ce que les collègues et le patron pensent, mieux vaut prendre son courage à deux mains. Il faut briser soi-même le silence à propos de cette expérience vécue qui n’a rien de honteux et qui pourra même en sensibiliser certains.

4. Passer de la théorie à l’action

Une fois le travail repris, c’est le moment de mettre en pratique ses nouvelles résolutions, comme être plus vigilant aux signes de fatigue ou mieux s’affirmer auprès des collègues et du patron lorsque les attentes sont irréalistes. « Les gens réalisent que les autres ne les haïssent pas, et ce, même s’ils mettent leurs limites ou disent parfois non », fait savoir Éric Hurteau.

Toutefois, parce que ces acquis sont fragiles, le support d’un psychologue peut être d’une grande aide pendant la période du retour au boulot. « Mon rôle consiste en effet à aider les gens à transférer dans leur travail ce qu’ils ont appris en thérapie », explique Nicolas Chevrier. Le psychologue amène les gens à entreprendre une réflexion au sujet des événements difficiles qui sont survenus pendant la semaine. Il les aide à poser un regard plus réaliste sur ces situations. Par exemple, un travailleur très perfectionniste voudrait que son retour au travail se déroule sans anicroche. Cependant, il aura possiblement à accepter le fait que certaines journées se passeront moins bien que d’autres.

Le psychologue peut aussi agir comme un coach pour aider ses patients à mieux communiquer leurs besoins à leurs collègues et à leur patron. « Certaines personnes se sentent débordées de travail, mais ne le disent pas à leur supérieur! », illustre Nicolas Chevrier. Parce que les autres ne peuvent pas lire dans leurs pensées et deviner leurs sentiments, elles doivent miser sur une communication claire et transparente afin d’éviter les malentendus, les déceptions et du stress inutile.

5. Devenir un agent de changement

Certains facteurs qui ont contribué au burnout ne relèvent pas de la personne elle-même, mais plutôt de son environnement de travail, souligne Nicolas Chevrier. Les demandes contradictoires ou imprécises du patron et les interruptions des collègues peuvent rendre la concentration difficile. « Lorsque c’est le cas, la personne doit trouver des moyens d’améliorer son milieu de travail afin qu’il devienne moins stressant pour elle, sans quoi, elle risque de s’épuiser de nouveau », explique le psychologue.

Au bureau, aucun collègue ne prend de pause pour dîner? C’est le moment de lancer une nouvelle mode! Faites profiter les collègues des nouvelles habitudes de vie acquises en leur proposant par exemple d’aller luncher ou en leur suggérant d’apporter des petits plats à partager ensemble.

La morale de l’histoire

Même si Danielle aurait préféré ne jamais vivre un burnout, elle admet aujourd’hui que cette expérience lui a permis d’en apprendre beaucoup sur elle-même. « Je sais que certaines de mes attitudes m’amènent à vivre beaucoup de pression. J’ai un petit côté missionnaire. C’est quand j’aide les autres que je me sens vraiment exister. »

Danielle a aussi compris que le boulot n’était pas le seul responsable de son épuisement. « Si je me suis autant investie dans le travail, c’était sans doute pour fuir certains deuils et difficultés survenus trois ans auparavant. J’essayais de me rebâtir en démarrant ma propre clinique d’ostéopathie. Une fois que celle-ci a pris son élan, c’est moi qui me suis effondrée. »

Pour traverser ce dur épisode, il faut apprendre à s’accepter. « Maintenant, je compose mieux avec celle que je suis, affirme Danielle. Je sais que j’ai en moi une dimension plus fragile, mais ça ne fait pas de moi quelqu’un de moins fort pour autant! »

La fatigue, c’est normal!

De retour au travail après un retrait de quelques semaines ou de quelques mois, il est normal de se sentir vidé à la fin de la journée. Les personnes qui ont la chance de reprendre le boulot progressivement, qui travaillent par exemple deux ou trois jours par semaine pendant un certain temps, peuvent profiter des autres journées pour récupérer.

Ceux qui doivent reprendre à temps plein dès le début ne devraient pas surcharger les soirées et les fins de semaines, de façon à ce que ces moments soient davantage consacrés au repos.

Dans la plupart des cas, cette fatigue s’estompe généralement assez vite, remarque Nicolas Chevrier. « Une personne qui effectue un retour progressif réussira souvent à reprendre un rythme de travail normal un mois et demi ou deux mois après le retour. »

Les travailleurs qui reprennent tout de suite le boulot à temps plein peuvent aussi vaincre la fatigue, mais seulement s’ils sont disciplinés et se réservent plusieurs pauses pendant la journée.