Boum d’emploi dans l’est du Québec

Finis les temps durs pour l’est du Québec. Les offres d’emploi affluent dans des régions longtemps marquées par le chômage. Pas moins de 37 600 postes seront disponibles d’ici 2015 sur les territoires de la Côte-Nord–Nord-du-Québec, de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine et du Bas-Saint-Laurent, selon Emploi-Québec. Mais si l’ouvrage ne manque pas, le défi reste d’attirer les travailleurs…
 

Les besoins explosent sur la côte-Nord

Salaires en hausse fulgurante, pénuries de travailleurs et de logements, villes champignons, explosion démographique. Bienvenue en Alberta? Non, sur la Côte-Nord! Pas de doute, le boum minier a un effet bœuf sur la région. À cela s’ajoute le titanesque chantier du complexe hydroélectrique de la Romaine.

Les besoins de main-d’œuvre se font sentir dans une foule de domaines. Les éducatrices en garderie sont recherchées, tout comme les constructeurs rénovateurs, les électriciens, les plombiers, les mécaniciens automobiles, les ingénieurs, les médecins, les infirmières, les cuisiniers, etc. Selon Emploi-Québec, d’ici 2015, 86 professions de toutes sortes présenteront des perspectives favorables. «Les grands chantiers ont un effet positif sur l’ensemble de l’économie, fait valoir André LePage, économiste à Emploi-Québec Côte-Nord–Nord-du-Québec. Par ricochet, d’autres secteurs bénéficient de ce dynamisme, entre autres les industries manufacturières, la restauration, l’hôtellerie, l’immobilier, les transports aérien et terrestre, le commerce de détail, la culture et les loisirs.»

Ainsi, Emploi-Québec prévoit que 10 500 emplois seront disponibles sur la Côte-Nord–Nord-du-Québec d’ici 2015. Pour une région qui ne compte même pas 100 000 habitants, c’est considérable.

«Présentement, sur la Côte-Nord, les mines de fer, la construction et les transports sont les secteurs qui génèrent le plus d’emplois, indique André LePage. Les géants miniers comme ArcelorMittal, Cliffs Natural Resources [anciennement Consolidated Thompson] de même que Rio Tinto Fer et Titane augmentent leurs capacités de production, dit-il. Des investissements qui suscitent la création de milliers d’emplois.»

La compagnie IOC, qui possède une mine, un concentrateur et une usine de bouletage à Labrador City, exploite aussi des installations portuaires à Sept-Îles et un chemin de fer. «Ses activités de transport sont également en plein essor, poursuit l’économiste. Car l’entreprise transporte par train jusqu’à son port le minerai de plusieurs compagnies minières qui s’activent plus au nord.»

Plusieurs postes à pourvoir

Le Comité sectoriel de main-d’œuvre de l’industrie des mines mentionne qu’au cours des prochaines années les candidats aux emplois liés à la manœuvre et à l’entretien de la machinerie seront parmi les plus recherchés. On parle d’opérateurs de machinerie lourde, de machines fixes ou de camions souterrains, ainsi que de mécaniciens industriels ou de machinerie lourde. Les techniciens miniers et les géologues seront aussi demandés.

L’objectif à long terme est de voir grandir la population de la région grâce à des travailleurs qui s’y établissent, ce qui n’est pas toujours le cas présentement.

Dans les transports maritime et ferroviaire, «on cherche notamment des opérateurs réparateurs de voies ferrées, des chefs de train, des ingénieurs, des techniciens en électrodynamique, des contremaîtres et des surintendants à la sécurité», précise pour sa part Micheline Huard, coordonnatrice régionale de l’Entente 3R (Entente sur le retour des jeunes dans la région, le renforcement de l’identité régionale et le rayonnement de la Côte-Nord).

La réalisation du complexe hydroélectrique sur la rivière Romaine, amorcée en 2009, est un autre moteur d’emploi régional qui roulera jusqu’en 2020. Environ 1 500 ouvriers y travaillent actuellement, selon Hydro-Québec, et cela pourrait grimper jusqu’à 2 000 d’ici 2016.

Attirer les diplômés

Devant cette explosion de l’emploi dans leur région, les divers acteurs économiques font face à un défi majeur : celui d’attirer les employés dont les entreprises ont besoin. L’objectif à long terme est même de voir grandir la population de la région grâce à des travailleurs qui s’y établissent définitivement, ce qui n’est pas toujours le cas présentement. Directeur de la Conférence régionale des élus de la Côte-Nord, Patrick Hamelin indique que six employés sur dix sur le chantier de la Romaine ne viennent pas de la Côte-Nord. Pareille situation était observée dans une étude parue en 2009 pour les travailleurs des mines. «Plusieurs effectuent du fly-in/fly-out, observe Patrick Hamelin. Ils sont hébergés temporairement et ne s’installent pas ici.»

Pour changer la donne et faire connaître la Côte-Nord, des tournées sont organisées dans presque toutes les universités de la province, indique la coordonnatrice de l’Entente 3R, Micheline Huard. Lancée en novembre 2008, cette entente est issue d’un partenariat entre le Forum jeunesse Côte-Nord, Emploi-Québec, l’Agence de la santé et des services sociaux et la Conférence régionale des élus de la Côte-Nord.

«Nous ciblons également les cégeps et les centres de formation professionnelle qui offrent des programmes d’études [menant à des métiers] pour lesquels on manque de main-d’œuvre, note Micheline Huard. Lors de nos visites, nous tentons de convaincre les jeunes de la région d’y rester et ceux de l’extérieur de venir s’y installer. Nous avons créé un site Web [www.trouvezvotreespace.com] et un magazine qui font la promotion de la région et de ses possibilités d’emploi.» Pas étonnant que la Côte-Nord soit la région qui embauche le plus grand nombre de finissants issus d’un programme d’études lié au secteur minier.

Voir plus loin

Pour les intervenants régionaux, s’établir sur la Côte-Nord est un choix payant à long terme. «Alors que les projets d’investissements atteignent plus de 40 milliards de dollars, la région est promise à un bel avenir, souligne Patrick Hamelin. Mais pas question de tabler seulement sur les grands chantiers. Pour diversifier notre économie, d’autres industries sont en développement.» Il pense entre autres au tourisme, à la culture des petits fruits et des champignons ainsi qu’à l’exploitation des composés forestiers à des fins pharmaceutiques, cosmétiques et alimentaires.

De plus, d’autres secteurs comme les forêts et les alumineries vont reprendre du poil de la bête, prédit André LePage. En octobre dernier, le gouvernement a octroyé un bloc d’énergie supplémentaire de 500 MW à Aluminerie Alouette pour la réalisation d’un projet d’expansion de l’usine. À terme, ce projet générera 1 500 emplois directs et indirects, dont 300 à l’usine de Sept-Îles, sans compter les 1 000 emplois additionnels que la compagnie s’engage à créer.

Impossible de se perdre sur le chemin de la Côte-Nord!

La Gaspésie se relève

Bien qu’elle soit la région du Québec la plus touchée par le vieillissement de sa population, la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine se porte bien économiquement parlant. Et sa situation démographique y est pour quelque chose. Selon Emploi-Québec, 9 000 emplois y seront disponibles d’ici 2015, dont 8 000 pour remplacer les départs à la retraite.

Les données sont encourageantes, indique Faoziat Akanni, économiste régionale pour Emploi-Québec. «Le taux de chômage continue de chuter, dit-elle. Il est passé de 20 à 12,4 % en 10 ans. Et pour la deuxième fois en 11 ans, la Gaspésie affiche un solde migratoire positif. C’est-à-dire que le nombre de personnes qui viennent y vivre dépasse le nombre de celles qui quittent. Ainsi, près de 100 personnes sont venues s’établir dans la péninsule au cours de 2010-2011.»

Retour des jeunes

«Les jeunes de 25 à 34 ans contribuent largement à ce solde migratoire positif, indique Maryève Charland-Lallier, ambassadrice de la Commission jeunesse Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine. Plusieurs actions mises de l’avant pour les attirer n’y sont pas étrangères. Par exemple, nous avons participé le 1er février dernier au premier Salon de l’emploi et des stages en région, tenu à l’Université Laval.

Nous avons pu y présenter les vastes possibilités d’emploi dans notre région, avec environ 400 postes affichés par Emploi-Québec et dans les journaux locaux.»

Parmi les diplômés demandés, Maryève Charland-Lallier mentionne ceux des programmes collégiaux et universitaires en administration. «Les professionnels de la santé et des services sociaux étaient aussi recherchés, dit-elle. Tout comme les travailleurs de la construction et les diplômés en enseignement.» Plusieurs postes d’ingénieurs civils, d’ingénieurs en mécanique, de soudeurs et de mécaniciens étaient également affichés pour répondre aux besoins de l’industrie éolienne.

Un vent d’espoir

Car dans cette région, le développement du secteur éolien entraîne d’importants besoins de main-d’œuvre. D’ici 2015, l’industrie créera annuellement 4 810 nouveaux postes, estime le TechnoCentre éolien.

De 2005 à 2010, l’éolien a créé 1 640 emplois directs et 4 424 emplois indirects.

Selon les plus récentes données, de 2005 à 2010, l’éolien a créé 1 640 emplois directs et 4 424 emplois indirects, confirme Dany Savoie, adjoint exécutif au ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation du Québec. «Présentement, trois importants projets de parcs sont en cours de réalisation. Leur construction maintiendra 800 travailleurs en emploi jusqu’en 2016. Au terme des travaux, on estime que quelque 400 travailleurs seront affectés à la maintenance et à l’exploitation de ces parcs.»

Même si les besoins d’ouvriers déclinent après la construction des parcs éoliens, la Gaspésie pourra par la suite tabler sur l’expertise développée pour conquérir d’autres marchés. «Par exemple, elle pourra tirer profit du Plan Nord, où l’on prévoit le développement de 300 MW d’énergie éolienne, poursuit-il. D’autres marchés, dont les provinces maritimes et le nord-est des États-Unis, sont également dans notre mire.»

D’autres avenues prometteuses

«En décembre dernier, le Chantier naval Forillon de Gaspé a obtenu un contrat de 10,2 M$ pour concevoir et construire un nouveau traversier qui desservira L’Isle-Verte et Notre-Dame-des-Sept-Douleurs», note Faoziat Akanni. La construction du navire nécessitera l’embauche de 50 travailleurs, au moins jusqu’en avril 2013.

Par ailleurs, la compagnie minière XStrata a investi près de quatre millions de dollars en travaux d’exploration en lien avec le cuivre sur le mont Porphyre de Murdochville. Il s’agit d’une deuxième campagne d’exploration qui vise à évaluer le potentiel minier du secteur. Et la compagnie minière Exploration Orbite a lancé en 2011 les activités de son usine pilote d’alumine à Cap-Chat, créant 50 emplois. Des projets qui suscitent d’autres beaux espoirs pour les Gaspésiens.

Marée montante dans le Bas-Saint-Laurent

Avec un taux de croissance annuelle de l’emploi de 0,9 %, le Bas-Saint-Laurent ne fait pas les manchettes économiques. Mais la région peut compter sur des entreprises dynamiques pour stimuler son marché de l’emploi.

«Notre économie est à deux vitesses», illustre Gilles Gagnon, adjoint à la direction – Volet innovation et développement économique à la Conférence régionale des éluEs du Bas-Saint-Laurent. «D’un côté, des régions rurales comme le Témiscouata et la vallée de la Matapédia sont affectées par la crise forestière, dit-il. De l’autre, les grandes villes du littoral s’en tirent bien avec chacune des locomotives économiques fortes comme l’éolien, la production de tourbe, la fabrication de matériel de transport et l’économie du savoir.»

Par exemple, PremierTech, un important producteur de tourbe de Rivière-du-Loup, a vu son chiffre d’affaires passer de 260 millions à plus de 400 millions de dollars, de 2010 à 2011. Cette entreprise qui emploie 800 personnes dans la région a su diversifier ses services (produits horticoles, équipement industriel d’emballage et traitement des eaux) et réaliser dix acquisitions d’entreprises en deux ans.

Ça roule!

Le matériel de transport de même que la construction sont deux autres secteurs en forte croissance, souligne Marie-Claude Jean, économiste à Emploi-Québec Bas-Saint-Laurent. «La poursuite des travaux de l’autoroute 85 et la construction échelonnée sur 20 ans d’un centre de données pour la compagnie TELUS vont notamment occuper les travailleurs de la construction.»

Par ailleurs, Bombardier-Alstom a obtenu le contrat de renouvellement de 500 voitures du métro de Montréal. Leur assemblage se fera à La Pocatière, à la fin de 2013. Ce contrat entraînera le rappel de 400 travailleurs à l’usine. Marie-Claude Jean indique que «pour l’ensemble du secteur du matériel de transport, on prévoit la création de 200 emplois d’ici 2015».

Méridien Maritime fait aussi bonne figure. «Après avoir décroché un contrat pour la construction de trois navires de recherche scientifique pour la Garde côtière du Canada en 2010, la compagnie a récidivé en décembre dernier pour la réfection du traversier de Trois-Pistoles aux Escoumins», poursuit l’économiste. On y recrute notamment des soudeurs et des menuisiers.

Fabrication métallique et énergie verte

Le secteur de la fabrication de produits métalliques, incluant les composantes éoliennes, est aussi en croissance dans le Bas-Saint-Laurent. Gilles Gagnon souligne qu’une étude régionale a démontré que sept métiers du secteur vont bénéficier d’une croissance importante de l’emploi, d’ici 2020. Il s’agit des techniciens en génie industriel et en génie de la fabrication, des designers industriels, des techniciens en dessin et des machinistes et vérificateurs d’usinage et d’outillage. Les monteurs de charpentes métalliques, les soudeurs et les opérateurs de machines à souder et à braser seront également prisés.

La région marque aussi des points dans le développement durable. Par exemple, Rimouski s’apprête à construire la première usine de traitement de la matière organique par biométhanisation et par compostage, qui créera une centaine d’emplois en mars 2013.

«Avant, il y avait peu d’emplois dans le Bas-Saint-Laurent. Mais ce n’est plus vrai», assure Marie-Claude Jean. Qu’on se passe le mot!

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