Sages-femmes et médecins : une cohabitation en évolution

Les médecins ont longtemps gardé jalousement la prise en charge des accouchements au Québec. Depuis 1999, ils partagent cette responsabilité avec les sages-femmes. Une cohabitation qui ne se fait pas sans douleur.

Médecin de famille, le Dr Samuel Harper effectue une cinquantaine d’accouchements par an au CHUM. Il fait partie de cette jeune génération de médecins qui a appris à travailler avec les sages-femmes. Ouvert à leur pratique (il ne serait pas contre l’idée que sa conjointe accouche en maison de naissance), il déplore toutefois l’aveuglement de certains futurs parents. «En général, un accouchement, c’est sécuritaire. Mais nous vivons dans une société qui ne tolère pas le risque. Et les gens doivent réaliser qu’en cas de complication grave en maison de naissance, ils sont peut-être à 30 minutes de l’hôpital. C’est un faible risque, mais il faut en être conscient.»

Le Collège des médecins est encore plus scrupuleux. S’il reconnaît aujourd’hui la légitimité de la pratique de sage-femme, il aurait souhaité qu’elle soit intégrée en milieu hospitalier. Et il n’est pas à l’aise en ce qui concerne les accouchements à domicile, car il considère que les sages-femmes n’ont pas les équipements nécessaires à la réanimation et n’ont pas de corridor de transfert vers l’hôpital en cas de complication.

Un avis qui fait sursauter Marie-Ève St-Laurent, présidente de l’Ordre des sages-femmes du Québec, pour qui cela démontre une méconnaissance du travail des sages-femmes. «Nous avons tout le matériel nécessaire à la réanimation, le même dont nous disposons à la maison de naissance : bonbonnes d’oxygène, matériel à intuber, etc. Nos normes suivent les recommandations de la Société canadienne de pédiatrie.» La Loi sur les sages-femmes leur reconnaît par ailleurs clairement le droit de pratiquer des accouchements à domicile.

En ce qui concerne les transferts vers l’hôpital, Marie-Ève St-Laurent répond que la loi tient compte de la réalité de la pratique des sages-femmes. Leurs clientes ne peuvent pas être refusées par manque de place, et les appels des sages-femmes aux ambulanciers sont jugés prioritaires. «Les équipes hospitalières qui nous connaissent sur le terrain collaborent à merveille, tient-elle à ajouter. Les médecins comprennent que c’est une professionnelle qui appelle ou qui arrive sur place et ne remettent pas en question l’évaluation de la patiente que la sage-femme vient de faire.»

Si l’animosité disparaît peu à peu entre les différents corps de métiers, les sages-femmes interviewées de même que le Dr Samuel Harper parlent d’une collaboration qui nécessite encore quelques ajustements.

«On a besoin des médecins! lance Marleen Dehertog, de la Maison de naissance Côte-des-Neiges. Il faut arriver à voir comment on peut se compléter et je crois que c’est un état d’esprit qui s’installe de plus en plus.» Le Dr Harper renchérit : «Ce sont deux cultures différentes, deux façons de travailler différentes. Nous sommes comme deux personnes qui ne parlent pas la même langue, il y a toujours un temps d’adaptation…»

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