Notariat : des champs de pratique hors du commun

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Le financement hypothécaire, la préparation de testaments et la liquidation de successions sont le pain et le beurre des notaires. Mais leur champ d’action ne se limite pas qu’à ces actes; ces juristes ont bien d’autres cordes à leur arc!

Tiré du magazine Les carrières du droit 2014.

On trouve en effet des notaires dans des domaines aussi diversifiés que le droit de l’environnement, des nouvelles technologies, des mines, du franchisage, ou même le droit autochtone.

Me Renée Leboeuf, associée chez Blondin Leboeuf, consacre environ 60 % de son temps au droit agricole et au droit des affaires. «Les 40 % restants sont dédiés aux domaines plus traditionnels de l’immobilier résidentiel et de la planification testamentaire», explique Me Leboeuf.

La fonction publique offre des horaires de travail stables et prédéfinis, des paramètres qui conviennent mieux au mode de vie recherché par certains.

Mais même lorsque la notaire travaille dans des domaines dits «traditionnels», elle quitte aussi les sentiers battus. Par exemple, Me Leboeuf a déjà piloté un dossier de financement pour l’achat de machinerie agricole pour le compte du propriétaire d’une grande ferme, d’une valeur de plusieurs millions de dollars. Peu de temps après, elle a préparé son testament. «Cet agriculteur voulait qu’à son décès, sa terre soit partagée entre ses trois fils. C’était tout un défi, car il fallait penser à l’impact de ce partage sur le zonage agricole, ainsi que sur les quotas de production de lait et d’œufs. Et bien sûr, il fallait aussi minimiser les impôts à verser au moment du décès», explique-t-elle.

En outre, il fallait assurer une parfaite équité entre les trois fils de l’agriculteur. «J’ai dit à mon client que mon mandat serait réussi si tous les membres de sa famille continuaient à passer leurs futurs Noëls assis autour d’une même table…», dit Me Leboeuf.

Dans la fonction publique

Conseillère juridique à la Commission des relations du travail, Me Monique Hébert est l’une des rares notaires à exercer dans la fonction publique québécoise. Parmi les 1 000 membres de l’Association des juristes de l’État – le syndicat des juristes du gouvernement du Québec –, on trouve seulement 71 notaires. «Et c’est trop peu. Les notaires n’ont pas le réflexe de s’intéresser aux offres d’emploi de la fonction publique, car ils pensent que leurs connaissances n’y sont pas demandées», constate Me Hébert.

Or, les notaires peuvent faire de très belles carrières dans la fonction publique, pourvu que leurs tâches ne requièrent pas de plaider devant les tribunaux. «Je donne des conseils juridiques à la direction. Je produis également des bulletins d’information et des bases de données de jurisprudence à l’intention des juges de la Commission. Mais je ne plaide pas», dit Me Hébert.

De plus, la fonction publique offre des horaires de travail stables et prédéfinis, des paramètres qui conviennent mieux au mode de vie recherché par certains. «Contrairement à ce qui se fait dans les études notariales, nous ne travaillons pas les soirs ou les fins de semaine. En tant que mère de famille, c’est ce que je voulais vivre», explique Me Hébert, qui avait au préalable pratiqué pendant cinq ans dans une étude de notaires.

Faire décoller sa carrière

Le droit mène à tout. Cet adage s’applique aux avocats, mais c’est aussi de plus en plus vrai pour les notaires. Après avoir pratiqué pendant 13 ans dans l’étude de son père notaire, Me Éric Lippé est devenu président-directeur général de l’Association québécoise du transport aérien (AQTA), un organisme qui représente environ 150 entreprises et organismes, comme des aéroports.

«Il m’est difficile d’imaginer plus bel emploi que celui de président-directeur général de l’AQTA. Tout jeune, je rêvais d’être pilote d’avion», dit-il. Au lieu de piloter des avions, Me Lippé a décidé de miser sur ses principaux atouts afin d’intégrer, d’une autre façon, le monde de l’aviation.

C’est ainsi qu’à l’âge de 33 ans, il est retourné sur les bancs de l’école afin d’obtenir une maîtrise en droit aérien et spatial à l’Université McGill. «Ce diplôme m’a ouvert les portes de l’AQTA. Toutefois, mon expérience en cabinet a beaucoup joué en ma faveur», dit-il. En effet, Me Lippé a appris les rouages des affaires alors qu’il travaillait au sein de l’étude notariale. «J’ai participé aux transactions commerciales de mes clients. Par exemple, j’ai vu de près ce qu’étaient une offre d’achat d’entreprise ou la constitution d’une nouvelle compagnie», explique-t-il.

La pratique lui a également permis de développer ses habiletés de communication avec la clientèle. Un atout important, puisque Me Lippé entretient des relations quasi quotidiennes avec les ministères et les autorités réglementaires.

Et c’est en cabinet que Me Lippé a développé l’art de la gestion. «Être associé ou propriétaire de cabinet, c’est aussi être chef d’entreprise et gestionnaire», dit-il.

«Ma formation de notaire m’a également donné les outils nécessaires pour comprendre et interpréter la législation et la réglementation aérienne. Je travaille tous les jours avec le Règlement de l’aviation canadien. Oui, je suis PDG. Mais je reste notaire et juriste dans ma vie de tous les jours», affirme Me Lippé.

Notaires de tête

À titre de directeur général de la Fondation de l’Université de Sherbrooke et du Service des relations avec les diplômées et les diplômés, Me François Dubé n’a rien d’un notaire traditionnel. Mais il reste notaire, dans l’âme et dans l’action quotidienne. D’ailleurs, Me Dubé ne s’en cache pas : son titre de notaire rassure les donateurs et procure beaucoup de crédibilité à la Fondation.

Et le fait d’être notaire lui sert également dans sa vie professionnelle. Par exemple, Me Dubé conseille régulièrement des gens fortunés sur les meilleures façons de faire des dons par voie testamentaire. «Le notaire est bien placé pour décrire les impacts fiscaux du legs d’une police d’assurance vie. Nous avons la formation voulue et nous connaissons la fiscalité qui s’y rapporte», dit-il.

Pour sa part, Me Danielle Létourneau prépare sa deuxième vie, après avoir été notaire pendant un quart de siècle dans une étude et au service d’une banque. À l’automne 2013, elle a lancé sa propre compagnie, HiBoozoo, une entreprise de divertissement pour enfants. «À l’âge de 57 ans, c’est une nouvelle carrière qui s’ouvre devant moi!» dit-elle. Mais n’allez pas croire qu’elle a renoncé au notariat. «Bien au contraire. Je porte maintenant deux chapeaux, celui de PDG et celui de juriste spécialisée en propriété intellectuelle», explique-t-elle.

HiBoozoo produira des histoires pour enfants qui se retrouveront sur une multitude de plateformes, des livres papier aux livres numériques, en passant par le Web, les jeux électroniques et les séries télévisées.

«Je passe une bonne partie de mes journées à négocier des contrats de diffusion, de droits d’auteur et même de traduction. Les aspects juridiques du monde de l’édition n’ont plus de secret pour moi», souligne Me Létourneau.

Même hors des sentiers battus, les notaires ont le vent dans les voiles. Leur diplôme leur permet de créer des entreprises ou de gagner leur vie dans toutes les sphères de l’économie, du transport aérien aux fondations universitaires. Qui dit mieux?

Conseils aux jeunes

Associée chez Blondin Leboeuf, une étude de sept notaires à Trois-Rivières, Me Renée Leboeuf s’est spécialisée en droit agricole. «À moins de vouloir exercer en solo, je crois que l’avenir du notariat passe par la spécialisation», dit-elle.

C’est pourquoi elle conseille aux étudiants de suivre une variété de cours afin de déterminer ce qu’ils aiment, pour ensuite creuser un domaine d’expertise.

Me Leboeuf insiste cependant sur la nécessité de maîtriser à fond le droit immobilier et le droit des successions. «Il est impossible d’être notaire sans connaître ces domaines traditionnels du droit. Il faut accompagner nos clients dans tous leurs besoins», souligne-t-elle.