Le ski cerf-volant pour planer cet hiver

Photo : Guillaume Roy
Photo : Guillaume Roy

Curiosité apparue dans les années 1980, le ski cerf-volant – kiteski pour les intimes – continue de gagner en popularité au Québec. Si bien qu’une nouvelle industrie se développe autour de cette activité, misant sur une population qui a grandi avec des skis aux pieds.

L’hiver s’éternise, il fait froid et il vente à «dépanacher» un orignal. On se réfugie dans le Sud? Non, on défie Éole et son facteur, on sort skis et voile, et on se lance à l’assaut du lac Waconichi, situé près de la limite nordique de la forêt boréale.

Au début d’avril, c’est là que se tient la Route des Vents, un événement échelonné sur sept jours et pendant lequel des amateurs du ski tracté par une voile parcourent un terrain de jeu de 35 km de long (autant que l’île Jésus), situé dans une réserve faunique.

De quoi attirer les touristes aventuriers du monde entier, croit son organisateur, Guillaume Pellerin, directeur général d’Escapade Boréale. «Nous avons créé des événements pour mettre la région sur la carte. Il n’y a pas beaucoup d’endroits dans le monde où on peut faire du kite sur un grand lac naturel», souligne-t-il.

Il est plutôt facile d’apprendre à manier un cerf-volant avec l’aide d’un instructeur.

Brise par brise, le ski cerf-volant s’impose dans le paysage québécois, s’appuyant sur l’imposant contingent de plus de 900 000 skieurs alpins locaux. Avec d’autres sports apparentés, il fait vivre deux fabricants de voiles, un fabricant de planches, quelques activités touristiques (expéditions et festivals), des dizaines de boutiques et près de 40 écoles.

«Le vent, c’est gratuit»

Ce loisir compterait environ 3 000 adeptes réguliers au Québec, estime Michel Montminy, qui baigne dans le domaine depuis 1991. Sa compagnie de distribution de cerfs-volants de traction, Kitebroker, située à Saguenay, connaît une croissance de 20 % annuellement. «C’est un sport qui aura toujours de nouveaux adeptes, car, tout en procurant des sensations uniques, il devient de plus en plus accessible et sécuritaire», dit-il.

Se faire tirer par un cerf-volant géant est envisageable sur la glace, la neige, l’eau, et même sur la terre ferme (en buggy ou en mountainboard, également appelé planche tout-terrain). Mais si l’on sait déjà skier ou faire de la planche à neige, on part avec une longueur d’avance en s’initiant dans des conditions hivernales.

Quand le vent est stable et assez puissant (environ 20 km/h), il est plutôt facile d’apprendre à manier un cerf-volant avec l’aide d’un instructeur. La difficulté consiste à coordonner la direction des skis ou de la planche avec la voile et la puissance du vent. Puis, il faut savoir utiliser le vent pour se déplacer à sa guise et, surtout, revenir à son point de départ. Une fois ces rudiments maîtrisés, il sera temps de partir en expédition, d’aller plus vite ou de sauter et planer à plusieurs mètres dans les airs.

Selon le type de voile choisi, l’amateur doit débourser entre 1 000 et 2 000 $ pour l’achat d’une voile et d’un harnais. Mais ensuite, il n’est pas dépendant des remonte-pentes pour obtenir sa dose d’adrénaline. «Le vent, c’est gratuit!» dit Benoit Tremblay, de Concept Air, un concepteur et fabricant de cerfs-volants. Et puis, au Québec, «tout le monde a accès à un lac ou une rivière gelés», dit-il. Naturellement, le vent doit être de la partie.

La naissance d’un sport

Dans les années 1980, des amateurs de vent aux quatre coins de la planète rêvaient d’adapter la voilure des parapentes pour se faire tirer en skis sur la neige. Benoit Tremblay et ses amis étaient du nombre. «Graduellement, on a amélioré nos techniques et nos cerfs-volants, et la vitesse de pointe est passée de 25 km/h en 1988 à 100 km/h, 5 ans plus tard», explique l’homme qui a lancé Concept Air en 1988, à Saint-Fulgence, au Saguenay. Aujourd’hui, de trois à cinq personnes y travaillent, selon les commandes et les saisons.

Au fil du temps, la recherche et développement a permis de démocratiser le ski cerf-volant, estime Benoit Tremblay. «De nos jours, les kites sont plus faciles à manier, plus performants, mais aussi plus sécuritaires», dit-il. En effet, les cerfs-volants sont maintenant dotés d’un système de gestion de puissance (le depower, dans le jargon) beaucoup plus efficace que par le passé. Il est également plus facile de larguer la voile, si nécessaire.

À Valleyfield, Luc Godbout et Raymond Potvin ont eux aussi été des artisans de cette accessibilité, en mettant au point le cerf-volant Paraskiflex, au début des années 2000. «On a voulu développer une technologie qui allait permettre d’enseigner la pratique du sport en moins d’une journée», explique Luc Godbout, président de Paraskiflex, un fabricant qui emploie jusqu’à huit personnes en hiver.

Facile, facile

La technique est si simple que des écoles comme Paraski Aventure, fondée en 2009 et située à Saint-Nicolas, sur la rive sud de Québec, peuvent initier jusqu’à 60 personnes par jour et 1 500 en un an.

Guy Laflamme, propriétaire de l’école de paraski Franc-Ouest de Saint-Placide, à l’ouest de Montréal, a été surpris la première fois qu’il a essayé une telle voile. «On peut apprendre à faire du paraski en 15 minutes seulement. C’est aussi facile que faire du vélo, mais sur la neige.»

En 2006, Guy Laflamme a lancé le programme de paraski au Nunavik et au Nunavut. Depuis, plus de 1 500 jeunes Inuits ont été initiés à la pratique du paraski dans 15 communautés nordiques.

La technique a beau être simple, le cours d’initiation se révèle indispensable, car le ski cerf-volant demeure un sport extrême : il faut savoir comment réagir quand le vent passe subitement de 20 à 60 km/h ou quand les cordes du cerf-volant s’emmêlent.

Un air d’été

La possibilité de pratiquer ce sport l’été le rend également attrayant. Cela nécessite toutefois des modifications à l’équipement : troquer ses skis (ou sa planche) contre une planche nautique et opter pour un cerf-volant gonflable, qui flottera sur l’eau.

L’engouement pour le surf cerf-volant – le kite estival – est aussi fort que pour la version hivernale, juge Arthur de la Mauvinière. Ce Français d’origine a lancé l’école Kiteforce à Montréal en 2007, puis la boutique du même nom en 2008. Aujourd’hui, il peine à répondre à la demande. «Si quelqu’un veut suivre un cours sur l’eau au mois d’août, il y a de fortes chances qu’on ne puisse pas le former avant l’hiver», explique le propriétaire et instructeur, qui initie entre 30 et 80 personnes annuellement, selon les conditions éoliennes.

Même son de cloche chez Aérosport, la première école de surf cerf-volant au Canada, créée aux Îles-de-la-Madeleine en 1998. «La demande augmente de 8 à 15 % par année», dit le fondateur, Éric Marchand, un ancien champion du monde de ski cerf-volant. Grâce à lui, de 200 à 500 personnes font leur baptême du vent dans l’archipel chaque année.

Hiver comme été, la tendance ne semble pas près de s’essouffler.

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