Stage en TIC : période d’essai

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Un diplôme, c’est important, mais pour plonger dans la réalité, rien de mieux qu’un stage.

Louis-Philippe Proulx est un informaticien comblé : son stage s’est transformé en emploi permanent. «Un ami diplômé m’a indiqué que l’entreprise où il travaillait cherchait des stagiaires», raconte le bachelier en informatique. Grâce à cette relation, il a dégoté une entrevue qui a débouché sur un stage de 16 semaines chez Myca Health, une entreprise de Québec spécialisée dans le développement d’interfaces Web pour la communication entre médecins et patients. «J’ai continué à y travailler à temps partiel pendant mes études et depuis l’obtention de mon diplôme en décembre 2009, j’y suis employé à temps plein comme programmeur Web.»

Bien que ce genre de transition en douceur ne soit pas automatique pour tous les stagiaires, les bienfaits de l’expérience valent habituellement le détour. Il n’est donc pas étonnant que plusieurs établissements d’enseignement mettent la formation pratique à l’horaire. «C’est une tendance lourde, indique Manouane Beauchamp, directeur de projets chez TECHNOCompétences, le Comité sectoriel de main-d’œuvre en technologies de l’information et des communications. La majorité des cégeps offre la possibilité de s’inscrire en alternance travail-études ou d’effectuer des stages, qu’ils soient optionnels ou obligatoires.»

Les universités ne sont pas en reste. Par exemple, à l’École de technologie supérieure, tous les baccalauréats sont coopératifs. Et à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), les étudiants au baccalauréat en informatique et génie logiciel ainsi qu’en génie microélectronique peuvent opter pour le cheminement régulier ou coopératif, qui compte trois stages de quatre mois. Parmi ceux qui font ce dernier choix, 40 % n’ont pas à chercher un emploi : ils ont déjà une promesse d’embauche dès la fin de leur stage.

Chez Frima Studio, on va jusqu’à privilégier les étudiants dont le stage est à la fin du programme d’études, afin qu’ils puissent rester dans l’entreprise par la suite.

La route de l’emploi

Pénurie de main-d’œuvre oblige, les cégeps et les universités sont en effet devenus de hauts lieux de repêchage pour les entreprises. «En 2002-2003, je dépistais des milieux de stage, alors qu’aujourd’hui, c’est l’inverse», indique Élisabeth Oudar, responsable de la formation pratique au Département d’informatique et de génie logiciel de l’Université Laval. Les entreprises frappent maintenant à sa porte.

Des employeurs comme la compagnie d’assurances Industrielle Alliance, la firme de jeux vidéo Sarbakan ou encore Victhom Bionique humaine, une entreprise des sciences de la vie, organisent des lunchs à l’Université Laval ou invitent les étudiants à visiter leurs locaux pour présenter leurs offres de stages, leurs possibilités d’emploi, leurs avantages sociaux, etc.

Si la sauce prend, le stage peut aisément se transformer en emploi. «L’employeur observe un stagiaire pendant plusieurs mois et peut évaluer non seulement s’il possède les connaissances requises, mais aussi s’il s’adapte bien et s’il s’intègre facilement dans l’équipe», explique Josée Comtois, agente de stage à l’UQAM.

Chez Frima Studio, une firme de jeu vidéo qui recrute une dizaine de stagiaires des ordres collégial et universitaire chaque année, on va jusqu’à privilégier les étudiants dont le stage est à la fin du programme d’études, afin qu’ils puissent rester dans l’entreprise par la suite. «Les stagiaires sont directement intégrés dans nos équipes de travail, explique Maxime Roussel, directeur des ressources humaines. Comme nous travaillons avec le format Flash, un langage peu enseigné dans les écoles, ils ont tous droit à une formation de deux ou trois semaines.»

Au cours des deux dernières années, Frima Studio a embauché 15 des 23 stagiaires qu’elle a accueillis dans ses bureaux de Québec et de Matane. Et la source est loin de se tarir, puisque la firme compte ajouter 150 nouveaux employés à ses équipes au fil des trois prochaines années, précise Maxime Roussel.

Choix multiples

Autre avantage des stages : tester ses affinités avec un domaine donné. Car les formations dans le domaine des TIC sont polyvalentes et débouchent sur plusieurs avenues. Par exemple, les diplômés en techniques de l’informatique peuvent développer ou améliorer des logiciels, assurer un soutien technique, réaliser des applications pour le Web, etc.

De leur côté, les étudiants de HEC Montréal en administration des affaires qui choisissent la concentration en TIC peuvent occuper au terme de leur programme des postes aussi variés qu’analyste informatique, conseiller en système d’information, professionnel de la sécurité ou analyste-programmeur. «Après un stage, l’étudiant est en meilleure position pour déterminer quelles fonctions il aimerait un jour exercer», estime Christian Denis, responsable du développement d’affaires au Service de gestion de carrière à HEC Montréal.

De plus, ces tâches se font dans une kyrielle de milieux différents. Le quart des stagiaires du Département d’informatique et de génie logiciel de l’Université Laval sont accueillis par les firmes de services-conseils, nez à nez avec les divers paliers gouvernementaux. Viennent ensuite les domaines des assurances, du jeu vidéo et le secteur manufacturier. «Nous recevons des demandes de tous les secteurs, résume Élisabeth Oudar.

Certains de nos étudiants ont développé un logiciel de calcul des commissions dans une chaîne de magasins de sport, d’autres ont travaillé sur des sondages en ligne ou au soutien technique au Parc Aquarium du Québec.» D’où l’intérêt de tester la réalité sur le terrain.

Critères de sélection

Plusieurs établissements d’enseignement ont des services de placement qui relaient les offres de stages aux étudiants. Mais comme dans toute recherche d’emploi, le bouche-à-oreille et le réseau de relations jouent un rôle. Discuter avec d’anciens stagiaires ou offrir directement ses services aux entreprises peuvent porter leurs fruits, comme l’a constaté Louis-Philippe Proulx.

Mais avant de se lancer sur le premier stage venu, une réflexion s’impose. Chaque type de milieu de travail vient avec ses conditions propres. Ceux qui aiment changer de mandat régulièrement, toucher à plusieurs domaines et varier leurs équipes peuvent opter pour les firmes de services-conseils, qui réalisent des contrats dans toutes sortes d’entreprises différentes. D’autres préfèrent être autonomes et travailler seuls, à monter un site Web dans une petite entreprise, par exemple.

Aussi, mieux vaut visiter l’entreprise avant de postuler. «Ça permet aux étudiants de voir quel genre de projets y sont réalisés, mais également l’ambiance qui y règne», explique Jérôme Forget, directeur adjoint aux services éducatifs du Cégep de Matane.

Chaque chose en son temps

Une visite sur place est également l’occasion de questionner l’employeur sur la supervision prévue et la pertinence des tâches à effectuer. Car en général, les étudiants doivent faire approuver leur projet de stage par un responsable de l’école. «À HEC Montréal, le stage est approuvé et supervisé par un tuteur en entreprise et un professeur afin de s’assurer que l’expérience sera de qualité, pertinente et utile dans le parcours de l’étudiant», illustre Christian Denis.

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Les stagiaires ne sont pas nécessairement plongés dans le feu de l’action dès les premiers instants. «C’est normal de vivre quelques jours d’adaptation, mais ça ne doit pas durer trop longtemps», renchérit Élisabeth Oudar. Chez Myca Health, Louis-Philippe Proulx a commencé par se familiariser avec la technologie utilisée. «À l’université, nous n’apprenons pas vraiment à programmer, mais plutôt la logique qui sous-tend les langages. J’ai donc commencé par réparer différentes erreurs de programmation de notre produit pour comprendre le langage utilisé. Puis, je suis passé au développement de nouvelles fonctions, un système pour classer les courriels, par exemple.»

Choisir une entreprise en fonction des technologies qu’elle emploie est aussi une possibilité. «Avoir une expérience dans un domaine précis donne une longueur d’avance pour trouver un emploi dans ce secteur», estime Manouane Beauchamp. Mais il ajoute que, compte tenu de la vitesse à laquelle l’industrie évolue, les diplômés doivent savoir s’adapter à différents environnements technologiques. À vous de jouer!

Employeurs modèles
Servir le café ou développer une relation intime avec la photocopieuse n’ajoute rien de bon au CV! Dans une expérience de stage réussie, les employeurs ont aussi leurs responsabilités.

Au début de l’automne, TECHNOCompétences a lancé un code de conduite à l’intention des entreprises qui accueillent des stagiaires. «Les stages constituent une excellente façon de recruter, surtout dans un contexte de rareté de la main-d’œuvre. Nous cherchons donc à faire la promotion des meilleures pratiques auprès des employeurs», indique Manouane Beauchamp, directeur de projets.

En effet, pour une entreprise, offrir un milieu de stage stimulant constitue une excellente carte de visite. «Elles jouissent ensuite d’un bon bouche-à-oreille entre les étudiants», ajoute-t-il.

Accessible sur le Web, le guide dresse les grandes lignes du stage idéal et rappelle entre autres aux employeurs qu’un stagiaire doit être rémunéré équitablement, encadré convenablement et se voir confier des tâches intéressantes.

Les étudiants à la recherche d’expérience sur le terrain peuvent également s’en servir. «Même si le document n’a aucune valeur légale, l’étudiant peut tout de même l’apporter à son entrevue. D’une part, ça montre qu’il prend sa recherche de stage au sérieux. D’autre part, ça lui permet d’ouvrir la discussion sur les différents points abordés, comme les valeurs de l’entreprise», explique Manouane Beauchamp. Une façon de s’assurer qu’employeurs et stagiaires sont sur la même longueur d’onde! (A.-M. T.)