Polygraphiste ou détecteur de mensonge

Jacques Landry, polygraphiste
Jacques Landry, polygraphiste
Photo : Maude Chauvin

Jacques Landry est l’un des seuls à exercer ce métier dans le secteur privé au Québec.

Je suis un spécialiste du polygraphe. Quand on ment, on va à l’encontre des valeurs de la société et, qu’on le veuille ou non, le corps réagit. Le rythme cardiaque s’accélère, la transpiration augmente, la pression sanguine et la respiration changent. Ce sont ces réactions que le polygraphe mesure grâce à cinq capteurs placés sur le corps du sujet. Selon les dernières recherches, sa fiabilité s’élève à plus de 90 %.

J’ai été formé à l’unique école de polygraphie au Canada, à Ottawa, alors que j’étais enquêteur à la Sûreté du Québec. Seuls les policiers qui cumulent de 10 à 15 années d’expérience aux crimes majeurs peuvent suivre la formation.

J’ai quitté la SQ en 1996 et j’offre mes services au privé depuis. Au Québec, nous sommes seulement trois ou quatre à le faire. Mes clients sont des cabinets d’avocats, des compagnies d’assurance ou encore des entreprises victimes de vols à l’interne, par exemple. Le test se fait sur une base volontaire – personne n’est obligé de s’y soumettre, même dans un contexte policier. Par conséquent, environ 75 % de ceux qui le passent sont innocents.

Si la personne ment, son corps réagira même si elle connaît les questions d’avance.

En général, un test comporte dix questions, dont seulement trois sur les faits en cause. Elles doivent être courtes et précises («Avez-vous volontairement fait disparaître votre voiture le 20 décembre 2013?»). Les autres sont des questions neutres («Sommes-nous vendredi, aujourd’hui?»), pour établir la norme physiologique de la personne, et des questions qui pourraient être révélatrices même sans porter sur les faits («Avez-vous l’intention de dire la vérité à chaque question de ce test?»).

Mon but n’est pas de surprendre la personne interrogée. Je commence par lui expliquer le processus et je vérifie si elle est apte à passer le test, physiquement et psychologiquement. Puis, je lui demande sa version des faits et je compose les questions avec elle. Ça paraît étonnant, mais ça me permet de voir d’emblée si elle essaie de se défiler. Si la personne ment, son corps réagira même si elle connaît les questions d’avance. Je pose les dix questions trois fois, dans un ordre différent. Le tout prend près de trois heures.

Je détermine sur-le-champ si la personne dit la vérité ou non. Si elle ment, je tente de lui faire avouer la vérité (hors du cadre des dix questions initiales). C’est là qu’un polygraphiste se démarque : en menant de bons interrogatoires.

Les machines qu’on voit dans les films – avec un rouleau de papier – ne sont plus utilisées depuis 30 ans. Aujourd’hui, les réactions physiologiques sont enregistrées dans un ordinateur.

Depuis mes débuts, j’ai réalisé plus de 7 500 examens. La technologie a beau avoir évolué au fil des ans, l’humain, lui, reste toujours aussi menteur.

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