Les Québécois errants

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Dans Choisir le progrès national, on le constate, Jocelyn Caron en a plus qu’assez de voir le paysage politique québécois monopolisé par ce qu’il appelle l’axe économie-santé-éducation. Sans négliger l’importance des ces composantes de la vie publique, il démontre adéquatement que des politiciens opportunistes récupèrent cette rhétorique populiste pour éviter les questions constitutionnelles.

D’ailleurs, fait historique à noter, avant l’indépendance de l’Algérie, Charles de Gaulle avait suggéré de léguer des pouvoirs en éducation et en santé pour atténuer les velléités indépendantiste du peuple algérien. Autre temps, autre mœurs? Même si en histoire toute analogie est boiteuse, comment ne pas associer les aveux du général avec le discours de nos politiciens gestionnaires à la petite semaine.

Certains affairistes dénoncent la «stagnation» des Québécois lorsque leur grands projets supposément rassembleurs trouvent une opposition dans la popuation. Jocelyn Caron associe plutôt cette «stagnation» à un détournement langagier qui fait qu’on évite à tout prix d’évoquer l’indépendance dans les discours officiels.

Toutefois, il serait faux de croire que l’auteur contourne plusieurs enjeux de société au profit de la question nationale. Car bien des thèmes passent sous la loupe du jeune essayiste : la réforme du mode de scrutin, l’environnement, l’immigration.

Les attaques répétées contre l’ancien gouvernement de Jean Charest, qui fut tout de même au pouvoir pendant près d’une décennie, ne manquent pas de mordant. Le règne de Charest est d’ailleurs dépeint comme celui d’un «à-plat-ventrisme historique.» Rien de moins.

Cependant, les libéraux ne seraient pas les seuls responsables de la morosité politique actuelle. Le malaise remontrait au second traumatisme post-référendaire. Le Québec au complet en serait ressorti amoindri. On ne refuse pas deux fois de naître sans en payer le prix politique.

En bout de ligne, on repousse depuis presque 20 ans la question de la libération nationale, que l’on discrimine par l’appellation, ô combien ronfleuse, de «querelles constitutionnelles.» Ce que Caron nomme à juste titre l’errance: «L’attentisme constitutionnel doit céder le pas au progrès national : même si cela fait près de vingt ans que nous n’avons pas vu une telle attitude politique dans ce domaine, il est permis d’espérer du volontarisme de la part de nos élites politiques. »

Le propos de Caron trouverait sans doute écho dans cette citation d’Edgar Morin :
«À force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel.»

Choisir le progrès national

Choisir le progrès national
par Jocelyn Caron
Éditeur : Druide

ISBN : 9782897110376