Le point sur la Loi sur l’équité salariale

Huit ans après son adoption, la Loi sur l’équité salariale n’est toujours pas appliquée partout. Toutes les femmes visées par cette loi n’ont pas reçu les ajustements salariaux auxquels elles ont droit. Le point sur l’une des plus importantes législations des dix dernières années. Deux sexes, deux mesures?

Sauf hérésie, plus personne ne conteste le fait que les femmes ne reçoivent généralement pas leur dû en matière de salaire.

C’est pour cette raison que l’Assemblée nationale a adopté, il y a huit ans, la Loi sur l’équité salariale : une travailleuse doit recevoir le même salaire qu’un travailleur lorsque son emploi, même si différent, est de valeur équivalente.

Ainsi, «les exercices d’équité salariale ont démontré qu’une femme de chambre devrait gagner le même salaire que le portier qui ouvre la porte aux gens», explique Rosette Côté, présidente de la Commission de l’équité salariale, l’organisme créé pour voir à la mise en place de l’équité salariale.

D’autres exemples : l’emploi féminin de commis comptable est comparable à l’emploi masculin de vendeur de pièces; dans une usine de matériaux de construction, l’emploi féminin de secrétaire-réceptionniste est comparable à l’emploi masculin de machiniste.

Pour éviter des pirouettes de fins finauds, la loi défend à l’employeur de diminuer les salaires des hommes pour corriger les écarts…

Encore beaucoup de chemin

Le 21 novembre 2005, toutes les entreprises et tous les employeurs devront avoir ajusté les salaires des travailleuses discriminées. En fait, le processus devrait être en marche depuis le 21 novembre 2001, les ajustements pouvant être étalés sur quatre ans.

Il y a un an, près des deux tiers des employeurs avaient réalisé leur exercice d’équité salariale lors de la dernière enquête. De plus, selon un sondage interne de la Commission réalisé en 2003, 60 % des entreprises qui avaient fait leurs devoirs ont ajusté les salaires d’un seul coup. Ces ajustements représentent en moyenne 8,1 % du salaire.

Jusqu’au début de 2004, la Commission éprouvait de la difficulté à identifier les retardataires et les récalcitrants, car les entreprises n’ont pas à déclarer ou à démontrer systématiquement qu’elles ont réalisé l’équité salariale. Seules des plaintes lui permettaient de dépister les employeurs délinquants. La Commission s’est donc depuis «équipée» d’une escouade de vérification. «Nous nous préoccupons des travailleuses non syndiquées, des milieux où il est parfois difficile de déposer une plainte pour non-respect de la loi, par peur des représailles», ajoute Rosette Côté.

Mais les entreprises retardataires ont été relativement épargnées des coups de griffe de la Commission, qui a préféré jusqu’ici «l’accompagnement et le rappel à l’ordre» à la sanction. La raison? C’est que la Commission reconnaît elle-même la complexité des mécanismes menant à l’application de la loi, et que certaines entreprises, compte tenu de leur nature, connaissent de sincères problèmes à réaliser l’équité salariale.

D’ailleurs, en juin dernier, un nouvel outil d’évaluation des comparables a été adopté par le ministre du Travail pour aider certaines entreprises à se conformer à la loi. Il concerne les petites entreprises où il n’y a pas de catégories d’emplois à prédominance masculine : garderies, salons de coiffure, manufactures de couture, etc., et qui ne pouvaient, par conséquent, respecter la loi.

Quelles entreprises?

Toute entreprise ou organisation comptant dix salariés ou plus est tenue de se conformer à la loi. En fait, ce sont toutes les «entreprises ayant eu une moyenne de dix salariés ou plus entre le 21 novembre 1996 et le 21 novembre 1997, et celles créées après cette dernière date et comptant dix salariés ou plus», comme l’énonce le texte législatif.

Toutes les entreprises? Non, car le législateur a péché par omission. Les entreprises qui comptaient moins de dix employés pendant la période de référence, mais qui, aujourd’hui, en ont plus de dix, sont exemptées de la loi, et ce, à vie! Elles pourraient ne plus l’être après 2006, au moment de la révision de la loi. De plus, la loi actuelle exclut les entreprises évoluant dans des domaines de compétence fédérale, comme les banques, les services de télécommunications, l’aviation.

Par ailleurs, le chapitre 9 de la loi permettait aux employeurs qui avaient déjà appliqué un processus d’équité salariale avant l’adoption de la loi, en 1996, de s’y soustraire. Au total, 120 entreprises s’en sont prévalues, dont le Mouvement Desjardins, la plupart des grandes universités, de grands assureurs… et le gouvernement du Québec lui-même!

Mais la Cour supérieure a invalidé cet article en janvier dernier (2004). «Un observateur lucide et raisonnable conclura que ce chapitre a été construit dans ses modalités procédurales afin d’éviter des litiges pourtant légitimes et inévitables», a écrit la juge Carole Julien, dans sa décision rendue le 9 janvier dernier. «Cet effort favorise les employeurs.»

Ces employeurs n’ont donc plus le choix de s’engager à appliquer cette loi, en recommençant leurs procédures d’équité salariale.