Estrie : le manufacturier se redéfinit

La région de l’Estrie, l’une des plus tournées vers l’industrie manufacturière au Québec, se remet peu à peu des contrecoups de la crise économique. La faiblesse de l’économie américaine, son principal marché d’exportation, demeure toutefois une source de préoccupation.

Les perspectives

L’économie estrienne est à se redéfinir après des années très difficiles. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le secteur manufacturier, qui représentait 29,5 % de l’emploi en 2003, n’en constituait plus que 17,6 % en 2010. Cela reste, malgré tout, bien au-dessus de la moyenne québécoise de 12,8 %.

Pour tirer leur épingle du jeu, de plus en plus d’entreprises investissent pour améliorer leur productivité et développer de nouveaux produits.

La fabrication demeure centrée sur certaines filières traditionnelles, notamment le matériel de transport (Bombardier Produits Récréatifs, à Valcourt, toujours le chef de file), les plastiques, les produits métalliques, le caoutchouc et les produits du bois.

Les efforts de diversification ont aussi permis l’émergence de nouveaux secteurs porteurs, entre autres dans les domaines des biotechnologies reliées à la santé, des bio-industries environnementales et des micro/nanotechnologies pour l’électronique de pointe.

Par exemple, la firme Tekna, de Sherbrooke, qui fabriquait des équipements pour produire des nanopoudres, a construit une deuxième usine afin de pouvoir en produire elle-même. Cela lui a permis de maintenir les emplois et de conserver sa main-d’œuvre durant la récession, tout en relançant et en diversifiant ses activités.

Des incertitudes

Le poids du marché manufacturier dans la région génère une certaine vulnérabilité aux marchés extérieurs, indique Hubert Létourneau, économiste à Emploi-Québec. «Si la situation venait à se détériorer aux États-Unis, cela pourrait avoir un effet en Estrie parce que la proportion des exportations vers ce pays est importante», dit-il.

Les industriels en sont conscients et cherchent depuis longtemps à diversifier leurs marchés. La proportion des exportations destinées au marché américain est d’ailleurs passée de 92,2 % à 85,1 % entre 2003 et 2007.

Le tourisme pâtit aussi du ralentissement aux États-Unis. «Nous sommes affectés parce que nous sommes à côté de la frontière. Avec notre dollar fort, les Américains sont moins nombreux à traverser chez nous», constate Mariette Larochelle, directrice du bureau d’affaires Estrie de l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec.

Secteurs en croissance

Toutefois, le secteur des services se porte bien et a vu sa part d’emplois passer de 62,6 % en 2003 à 71,7 % en 2010.

L’Université de Sherbrooke est au cœur de ce dynamisme, notamment grâce au développement du secteur de la santé autour du CHUS. Par exemple, environ 31,7 millions de dollars seront investis pour agrandir le Centre de recherche clinique Étienne-Le Bel du CHUS. Les travaux, qui s’échelonneront de 2011 à 2013, permettront de créer 250 emplois une fois le centre achevé.

De considérables efforts en recherche sont également faits dans de multiples secteurs.

Ainsi, l’Université de Sherbrooke prévoyait terminer en décembre 2011 la construction de l’Institut interdisciplinaire d’innovation technologique 3IT, érigé avec l’appui des gouvernements fédéral et provincial. La recherche qu’on y mènera touchera tant les technologies médicales que celles de l’information, de la communication, du transport et de l’énergie.

On espère que cela attirera des investisseurs et créera de l’emploi. D’ores et déjà, l’Université de Sherbrooke et le Centre national de la recherche scientifique, en France, ont annoncé l’installation d’un laboratoire conjoint, qui générera 45 postes en 2012.

À Signaler

> Usihome (Groupe Anctil) a ouvert en février 2011 à Magog une usine de fabrication de chevrons, poutrelles et murs préfabriqués. Cet investissement de 4 millions de dollars permettra de créer plus de 50 emplois d’ici 2013.

> Baxter a annoncé la fermeture en décembre 2011 de son usine de fabrication de dispositifs médicaux située à Sherbrooke, licenciant environ 150 personnes.

> Wiptec Logistique a ajouté un second bâtiment à ses installations de Sherbrooke, un investissement de 10 millions de dollars qui a permis la création d’une quarantaine d’emplois en 2011.

Sur le terrain

Usinatech emploie 230 personnes dans son usine de Melbourne, où elle fabrique des pièces métalliques à l’aide de machines ultramodernes à commande numérique. Sonpersonnel se compose en grande partie de machinistes, de régleurs-monteurs, de techniciens d’usinage, d’inspecteurs de la qualité, de dessinateurs-concepteurs et de mécaniciens en mécanique industrielle.

Au moment d’écrire ces lignes, elle avait 20 postes à pourvoir. «Il y a une pénurie de main-d’œuvre», explique Marie-Claude Rocheleau, coordonnatrice aux ressources humaines.

«Les candidats doivent être titulaires d’un DEP en usinage ou d’un DEC en techniques de génie mécanique. Bien qu’il y ait beaucoup d’écoles dans la région qui donnent ces programmes, nous n’arrivons pas à pourvoir tous nos postes. C’est en offrant des stages rémunérés que nous réussissons à satisfaire à nos besoins de main-d’œuvre, car nous pouvons embaucher les stagiaires par la suite. Nos stages sont très intéressants pour les étudiants, puisque nous possédons un parc de machines à la fine pointe de la technologie.»

Les tendances démographiques

À première vue, l’Estrie semble privilégiée par la présence de 40 000 étudiants, mais il n’en est rien.

«Nous avons un problème de rétention des jeunes diplômés. Autant nous sommes équipés en ce qui a trait aux universités et aux collèges, autant nous avons de la difficulté à retenir les jeunes de l’extérieur qui viennent étudier ici, de même que ceux de la région quand ils ont terminé leur formation», explique Mariette Larochelle, directrice du bureau d’affaires Estrie de l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec.

L’Estrie accuse donc un déficit migratoire chez les 20 à 29 ans. «Sherbrooke draine également les jeunes des autres MRC à cause de son université et des cégeps, et, souvent, ils ne retournent pas dans leur patelin», note Katherine Gouin, agente de développement des communautés à Inode Estrie.

Plusieurs s’installent à Sherbrooke, alors que d’autres quittent la région. Mais au final, la rétention des jeunes n’est pas suffisante pour renverser le déficit migratoire.

Recherchés

• Arpenteurs-géomètres 
• Assistants dentaires 
• Éducateurs de la petite enfance    
• Éducateurs spécialisés   
• Pharmaciens 
• Physiothérapeutes    
• Travailleurs sociaux 
• Vérificateurs et comptables   

Source : Emploi-Québec. Le marché du travail dans la région de l’Estrie, Perspectives professionnelles 2010-2014, 2011.

Immigration

L’Estrie accueille, bon an, mal an, plus de un millier de nouveaux arrivants. «Nous avons une population immigrante grandissante», rapporte Mariette Larochelle, directrice du bureau d’affaires Estrie de l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec. Mais ces nouveaux venus doivent surmonter une barrière importante : «Ce sont souvent des personnes surqualifiées, mais l’équivalence [l’obtention de diplômes ou la reconnaissance de leur formation] n’est pas encore faite et c’est difficile pour eux. Ils doivent retourner à l’école, faire d’autres métiers», indique Katherine Gouin, agente de développement des communautés à Inode Estrie.

Extrait tiré du guide Les carrières d’avenir 2012.