Comment se faire remarquer dans la cohue

Avec la popularité des sites d’emploi et de la postulation en ligne, les employeurs sont submergés de CV. Comment se faire remarquer dans une telle cohue? Internet apporte ses propres réponses.

De nos jours, un chercheur d’emploi a peu de chances d’avoir un contact humain avec un responsable des ressources humaines.

En effet, les sites d’affichage d’offres d’emploi sont désormais un passage obligé pour dégoter un boulot. Plusieurs entreprises suggèrent aussi de postuler directement dans leur site Internet plutôt qu’en personne. Si bien que le poste téléphonique des ressources humaines renvoie parfois… à Internet!

Mais si merveilleux soit-il, ce nouvel outil crée de nouveaux problèmes : un raz-de-marée de CV pas toujours pertinents pour l’employeur, et le risque de passer totalement inaperçu pour le travailleur.

À titre d’exemple, en juin dernier, les 194 postes en technologie affichés dans le site Jobboom Recrutement ont généré 3 800 envois de CV. Ceux-ci s’ajoutaient à ceux que les entreprises ont reçus directement par l’intermédiaire de leur site ou à la suite de leurs propres efforts de recrutement.

«Les employeurs reçoivent beaucoup plus de CV qu’avant, mais ils ne trouvent pas nécessairement les candidatures qu’ils recherchent», résume Louise Descarie, présidente de La tête chercheuse, boîte de chasseurs de têtes. En effet, il devient si facile de postuler que plusieurs soumettent leur candidature pour le plus grand nombre de postes possible, même si l’emploi ne les intéresse pas réellement.

Pourtant, tous les responsables des ressources humaines et propriétaires d’entreprise interrogés sont unanimes : un CV trop générique démontre le peu d’intérêt du postulant pour un poste en particulier.

Alors, pourquoi les recruteurs favorisent-ils Internet? La raison est simple : des moteurs de recherche permettent aux employeurs de trier les documents reçus par mots clés. Ainsi, un directeur des ressources humaines pourra faire ressortir les candidats ayant une expérience et une formation spécifiques en fonction du poste à pourvoir.

Faire sa marque

Il reste que pour faire un coup d’éclat dans cette mer de CV, il faut faire preuve d’audace. Pourtant, les candidatures originales se font rares.

«C’est étrange, mais je ne reçois pratiquement plus de CV originaux», s’étonne Marie-France Lafleur, conseillère principale en ressources humaines chez Cossette, importante agence de publicité à Montréal. Autrefois, elle recevait des télégrammes chantés, des documents dans des boîtes de sardines ou insérés dans des ballons gonflés à l’hélium. Une époque qui lui manque.

«Cette attention spéciale faisait que je prenais le temps d’appeler la personne pour la remercier», dit-elle. Et le postulant gagnait ainsi quelques minutes d’attention et l’occasion de discuter de son intérêt pour le poste. Elle attribue l’actuelle absence d’initiative aux entreprises qui découragent les demandes d’emploi en personne.

Certains utilisent aussi les blogues pour se faire connaître et créer une image de marque.

Malgré tout, certains chercheurs d’emploi prennent le taureau par les cornes et utilisent Internet à leur avantage.

Depuis près d’un an, l’entreprise VoiceJob offre le «CV-vidéo», un bon moyen de se démarquer des CV impersonnels.

À l’intérieur d’une présentation de 60 secondes, les postulants ont l’occasion de faire valoir leur personnalité et leur bilinguisme. «Ça permet aussi aux gens des communautés ethnoculturelles de démontrer qu’ils n’ont pas d’accent, par exemple, ce qui est un problème persistant», fait valoir Hakim Chikh, président-fondateur de l’entreprise.

Les candidats enregistrent gratuitement un clip dans les bureaux de VoiceJob. Par la suite, les entreprises abonnées, principalement des institutions dans le domaine des services, reçoivent la vidéo et le CV conventionnel au moyen d’Internet.

Certains utilisent aussi les blogues pour se faire connaître et créer une image de marque.

3Luce Beaulieu a quitté le monde de la publicité il y a deux ans pour se lancer à son compte dans le design durable. Son blogue, elle le décrit comme un «investissement publicitaire et de marketing, mais aussi de recherche et de collaboration». En fonction depuis novembre dernier, il est visité près de 700 fois par semaine. «Le blogue devient un outil de réputation, explique-t-elle. Il permet de prouver son expertise à sa communauté ou à ses clients potentiels.»

Et l’investissement en vaut le coût. Plusieurs de ses nouveaux clients l’ont découverte à travers son site. De plus, Luce a été approchée par un webzine pour devenir journaliste en design durable. Elle a aussi rencontré une graphiste avec qui elle conçoit une nouvelle gamme de chandails dont elle fait la promotion sur son blogue.

La magie des réseaux

Il est fondamental de se faire connaître lorsqu’on recherche un emploi, estime Mitch Joel, président de Twist Image, agence de publicité montréalaise spécialisée en marketing numérique.

Mitch Joel est également animateur du fichier balado «Six Pixels of Separation» et auteur d’un blogue. Empruntant au concept des «six degrés de séparation» qui veut que chacun de nous soit séparé de toute autre personne par un maximum de six individus, il affirme qu’Internet permet la création de réseaux de connaissances sans précédent. Il donne en exemple le site LinkedIn (ou Viaduc, son équivalent francophone), un site de réseautage professionnel répertoriant plus de cinq millions de membres.

Il est aussi important de créer son propre réseautage, virtuel ou non. «Personnellement, j’essaie toujours d’aider les gens dans mon réseau, poursuit Mitch Joel. En faisant cela, mon cercle de connaissances s’agrandit et en retour, je peux finalement avoir ce que je veux.»

D’autres poussent cette logique encore plus loin. Comme Christine Dolce, alias Forbidden. Pratiquement inconnue avant de joindre le site Web MySpace (où chacun peut créer sa page Web et établir des liens avec d’autres membres), cette mannequin est devenue célèbre grâce à un réseau de plus de 900 000 «amis» et cumule depuis les contrats, dont celui de porte-parole pour le désodorisant Axe.

Pour Mitch Joel aussi, le blogue et le podcast ont mené à des occasions d’affaires uniques. Il écrit maintenant pour divers magazines, en plus d’avoir été conférencier sur le sujet du marketing en ligne. Un éditeur l’a aussi approché pour écrire un livre. «Et je me suis fait connaître des plus grands de mon milieu», ajoute-t-il.

Aujourd’hui, ceux-ci sont devenus des mentors qu’il n’hésite pas à joindre pour obtenir des conseils.

Ces exemples, explique Mitch Joel, démontrent l’importance d’aller au-delà de la simple sollicitation d’entrevues et de créer sa propre «marque de commerce». «Comme dit un vieux dicton anglais, ce qui compte, ce n’est pas qui tu connais, mais plutôt qui te connaît.» Et Internet est rempli d’idées pour se faire connaître. Il suffit de surfer et de savoir prendre la vague.

Des idées qui se démarquent… mais pas pour les bonnes raisons.

Si votre CV comporte des annexes, il est sûrement trop long. Des recruteurs ont vu des documents faisant 42 pages!

Une petite photo en tête de page ça va, mais la photo pleine page de type agence de mode est à proscrire.

Vous décidez d’être original? Assurez-vous de l’être vraiment. L’agence de publicité Diesel (devenue depuis Sid Lee) ne compte plus le nombre de CV qu’elle a reçus sur un contenant d’huile à moteur!

Ne vous trompez surtout pas dans l’épellation du nom de l’employeur.

Les CV de couleur cartonnés n’impressionnent personne. En fait, ils se retrouvent parfois directement à la poubelle.

Vous avez été caissier chez McDo à 16 ans? Certes, le travail forme la jeunesse. Mais votre futur employeur ne tient pas à le savoir.

Le numéro de téléphone que vous laissez pour vous joindre doit être… professionnel. Le message de votre petit bout de chou sur le répondeur annonçant que «Papou, mamou et froufrou sont partis au parc avec pitou» risque de ruiner la première impression.