Travail autonome : compte de fées

Tous les travailleurs autonomes détestent cordialement leur banquier pour une raison bien simple : ils carburent au rêve, alors que les professionnels de l’argent savent faire la différence entre un compte en banque et un conte de fées!

Moins de 10 % des travailleurs autonomes se lancent en affaires grâce à un prêt ou à un placement d’une institution financière. Leur principale source de financement, c’est eux-mêmes, leurs proches, leurs amis, et mononc’ Gérard. Ces gens leur font confiance; ils croient en leur projet; ils les aiment; ils veulent leur donner une chance. Malheureusement, ce capital sympathique se tarit vite, car il est nettement moins abondant que celui des institutions financières.

Les institutions financières prêteraient davantage aux travailleurs autonomes si ceux-ci se donnaient la peine d’y faire appel plus souvent, et de la bonne manière. La plupart craignent la paperasse; les autres disent que les banquiers sont allergiques au risque; quelques-uns sont carrément «bancophobes».

Le reproche sur la paperasse est fondé, mais celui sur la prudence excessive des banquiers l’est moins, car la loi les oblige à préserver les dépôts, pas à jouer les cascadeurs. Cependant, il est tout à fait exact que les institutions financières se sont longtemps méfiées de cet animal étrange qu’est le travailleur autonome. Drôle d’entreprise en vérité que celle du travail autonome, qui n’investit jamais dans la brique et le mortier, dont les quelques actifs se dévaluent rapidement, et qui exige qu’on l’évalue selon des critères subjectifs et ésotériques tels que la valeur morale, l’effort de recherche, la propriété intellectuelle et la qualité de la gestion. De plus, les affaires en démarrage suscitent plus de prudence, voire de méfiance, que celles qui ont subi l’épreuve du temps.

Heureusement, il existe des trucs pour surmonter la prudence naturelle des banquiers.

N’attendez jamais d’avoir la langue à terre. Si vous demandez un prêt alors que les huissiers sont à vos portes et que mononc’ Gérard ne retourne plus vos appels, ce sera non. Si vous comptez rendre visite à votre institution financière, ne serait-ce que pour négocier une marge de crédit, faites-le tôt, tandis que vos finances sont au mieux. Vous établirez ainsi une relation de confiance qui sera vitale quand vous traverserez des eaux troubles. Comme les apparences comptent pour beaucoup, demandez donc à votre comptable de donner un coup de fil au directeur de la succursale pour lui demander de vous rencontrer; ça ne peut pas nuire.

Magasinez. Les limites de prêt et les taux peuvent varier d’une institution, d’une succursale, d’un directeur à l’autre. Certaines institutions sont meilleures que d’autres. Et puis, il n’y a pas que les banques — plusieurs ministères ont des programmes de subvention ou d’investissement avantageux (voir le carnet WWW). Les bons prêteurs acceptent d’être mis en concurrence, du moins au début du processus, mais ils se méfient de ceux qui butinent trop. Voilà pourquoi ils appliquent des frais d’examen de 50 à 100 $.

Soyez clair. Tout financier exige un plan d’affaires comprenant votre étude de marché, votre bilan, votre état des résultats, vos budgets prévisionnels pour les deux prochaines années, vos sources de financement de rechange et votre plan B en cas d’échec. Vous n’aurez pas tellement le choix de vous familiariser avec le jargon (voir l’encadré). Souvenez-vous : prêteurs et investisseurs ne cherchent pas nécessairement les gros chiffres, mais les chiffres réalistes — et bien présentés.

Les institutions financières se sont longtemps méfiées de cet animal étrange qu’est le travailleur autonome.

Soyez franc. Prêteurs et investisseurs détestent qu’on leur cache des faits, par exemple une faillite personnelle dans le passé. À ce titre, les bons prêteurs adorent sonder vos réactions en posant des questions dérangeantes, même s’ils connaissent la réponse, rien que pour voir si vous patinez ou non. Si vous n’avez rien investi dans votre affaire, attendez-vous à un barrage de questions. Vous ne convaincrez personne si vous n’avez pas pu vous convaincre vous-même que votre projet est viable! Cela dit, vous avez le droit de n’avoir rien investi — à condition d’être sans ressource. Vous pouvez faire valoir que votre temps représente également une forme d’investissement.

Prévoyez un plan B. Vous rassurerez votre banquier si vous avez la capacité de rebondir au lieu de vous écraser. Quelles ressources aurez-vous s’il faut refinancer l’affaire? Aurez-vous l’argent nécessaire pour réparer votre machine si elle brise? Combien de temps pourrez-vous survivre sans revenu? Que ferez-vous si ça ne marche pas? Tout prêteur raffole des emprunteurs qui ont un coussin financier et une source parallèle de revenus — le salaire du conjoint, des placements ou même une deuxième occupation —, qui permettent de faire entrer de l’eau au moulin au besoin.

Discutez. Une demande de prêt ne passe pas toujours du premier coup. L’irritant est parfois minuscule : on ne comprend pas très bien ce que vous faites, ou vos scénarios paraissent trop optimistes. Discutez, révisez et revenez à la charge. Il peut arriver qu’on vous propose une formule que vous ne demandiez pas — par exemple, votre demande de marge de crédit devient un prêt pour équipement. C’est peut-être juste, mais peut-être pas non plus. La bonne façon d’argumenter consiste à faire valoir le risque relatif des deux solutions, pour vous et, par conséquent, pour le prêteur. Si vous parlez le même langage, vous aurez plus de chances de vous entendre.

Jean Benoît Nadeau est l’auteur du Guide du travailleur autonome, publié aux Éditions Québec/Amérique.

 

Le b-a ba du jargon financier

État des résultats : C’est votre historique pour une période donnée (trimestre, année). Il chiffre vos revenus — honoraires, ventes, remboursements — et vos dépenses — salaires, production, location. La différence entre les deux donne le profit ou la perte.

Budget : Il ressemble à l’état des résultats, sauf qu’il se conjugue au futur.

Bilan : Ça, c’est le portrait de votre richesse au jour x. Il dresse l’état de vos actifs et de votre patrimoine, mais aussi de vos dettes et de vos paiements. Il comprend :

Actif à court terme. Les liquidités, les biens qui peuvent être vendus ou convertis en argent en moins d’un an, comme les comptes à recevoir, mais aussi vos réserves financières, des comptes payés d’avance, des placements temporaires.

Actif à long terme. Ce qui est nécessaire à votre production et que vous ne pouvez pas vendre sans vous nuire. C’est le patrimoine. On compte les biens corporels (équipement, machines, immeuble) et incorporels (propriété intellectuelle).

Passif à court terme. Dettes échues ou qui deviendront exigibles au cours de la prochaine année. Regroupe les comptes à payer, les prêts, la fraction à court terme de la dette à long terme et les impôts à payer.

Passif à long terme. Toute autre dette à régler dans un délai plus long qu’un an.

Avoir. La différence entre les actifs et les passifs.

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