Planifier sa carrière jusqu’à 75 ou 80 ans

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Que ce soit faute d’avoir assez épargné ou par crainte de s’ennuyer, de nombreux travailleurs envisagent de rester actifs passé les traditionnels 65 ans. Un peu comme on planifie son choix de carrière au secondaire, vient un moment où il faut trouver son second souffle professionnel, idéalement à la mi-quarantaine.

À 80 ans, Claude Valiquette (nom fictif) travaille encore, par choix. «C’est une façon de rester actif, d’entretenir des liens, de se sentir vivant», dit-il. Depuis qu’il a quitté l’enseignement, à la fin de la trentaine, il a créé successivement trois petites entreprises qui l’ont tenu en haleine.

Après avoir obtenu diplômes et permis, il est devenu consultant en planification financière, puis s’est lancé dans la conception et la commercialisation d’un logiciel destiné aux professionnels des banques qui aident les consommateurs à gérer leurs finances personnelles. Il est également devenu consultant en développement des ressources humaines, sur la base d’études supérieures en sciences humaines et d’une expérience en formation continue des enseignants. Aujourd’hui en «préretraite», il veille à la distribution de son logiciel et rédige des articles pour un magazine de sociologie. «Je n’ai pas l’impression de travailler, dit-il. Je m’amuse plutôt à mener des projets à terme.»

Claude Valiquette s’amuserait-il autant s’il avait passé le reste de sa carrière dans l’enseignement à attendre la retraite? On ne le saura jamais. Chose certaine, avoir amorcé sa reconversion tôt lui a facilité les choses.

En effet, pour rester actif jusqu’à 75 ou 80 ans, mieux vaut se préparer dans la force de l’âge. Car à 54 ou 62 ans, l’énergie en déclin et la motivation qui s’évapore peuvent surprendre l’insouciant. «Au moins au deuxième tiers de sa vie, il faut planifier le troisième tiers pour y trouver un sens et des avantages», confirme Jacqueline Codsi, psychologue du travail, directrice principale développement organisationnel/gestion des talents et coach exécutif chez Optimum Talent. «En gros, cela se situe entre 40 et 50 ans.»

Agir au bon moment

La spécialiste conseille à tout travailleur concerné de se demander qui il est et ce qu’il veut pour l’avenir. C’est exactement ce qu’a fait l’avocat Richard La Rue, vice-président en consultation, gestion de carrière et coaching chez Optimum Talent. «Travailler plus longtemps, j’en ai fait le choix après une assez longue réflexion amorcée durant ma quarantaine. Je me suis développé un plan, j’ai suivi une formation additionnelle et, aujourd’hui, à 62 ans, je nage en plein dans ce que j’avais prévu et organisé.»

Après avoir occupé différents postes de gestionnaire dans des entreprises, Richard La Rue avait le goût de transmettre ses connaissances, mais ignorait comment. «J’ai fait des recherches et découvert que le coaching de dirigeants était une profession en développement. J’ai rencontré des coachs, j’ai suivi une formation et obtenu un certificat.» Aujourd’hui, il coache des cadres et de hauts dirigeants d’entreprise, en plus de conseiller des personnes en transition de carrière. Il vient tout juste d’être nommé président d’ICF Québec (une section de la Fédération internationale des coachs).

Pour changer de carrière ou se mettre à niveau, suivre une formation peut être pertinent. La présidente du Comité consultatif des travailleurs de 45 ans et plus de la Centrale des syndicats du Québec, France Bernier, suggère d’y penser au plus tard à 45 ans. «À 55 ans, il est moins probable qu’on souhaite obtenir un diplôme universitaire pour pouvoir travailler jusqu’à 75 ans», dit-elle.

Mais, selon André Hétu, expert en gestion et transition de carrière et directeur de l’Association Midi-Quarante, les travailleurs qui retournent aux études sont courageux et doivent le plus souvent ne compter que sur eux-mêmes. «Il faut scruter les finances familiales pour déterminer si on peut assumer ou pas les frais de subsistance et de scolarité, dit-il, et chercher de l’aide financière s’il le faut (voir l’article Financer son retour aux études).»

Richard La Rue, lui, a vu cette démarche comme un investissement. «Entreprendre une reconversion dans la quarantaine donne beaucoup de temps pour amortir la dépense si on se forme pour plus tard. Il y a toujours un risque, mais quand on est passionné et déterminé, ce risque s’amenuise considérablement.»

Faire le point

Découvrir sa force fondamentale, inventorier ses compétences et définir ses priorités n’est pas simple. «Des tests psychométriques pourront alors être utiles», indique Jacqueline Codsi.

Il s’agit d’outils scientifiques sous forme de questionnaires qui servent à mesurer les aptitudes, les champs d’intérêt, la personnalité ou même le quotient intellectuel d’un individu. Il faut idéalement les combiner à une consultation professionnelle avec un conseiller d’orientation ou un psychologue afin d’associer les résultats à des scénarios professionnels pertinents.

Un conseiller en gestion de carrière, un conseiller d’orientation ou un coach professionnel peut aussi vous outiller pour décrocher un nouvel emploi si cela est votre but. Par exemple, il vous aidera à préparer CV, lettre de présentation et entrevue d’embauche.

Et passé 45 ans?

La nécessité de continuer à travailler vous surprend à l’aube de la retraite? Pas de panique, vous pouvez encore agir. L’idée est de tabler sur vos acquis. «Beaucoup de gestionnaires que je rencontre, rendus au troisième tiers de leur vie, ne sont plus motivés par ce qui les allumait à 30 ans, comme le goût de relever des défis, mais veulent toujours apporter leur contribution et être valorisés au travail», illustre Jacqueline Codsi. La spécialiste les invite alors à envisager les mouvements latéraux plutôt que les promotions, à explorer divers types de rôles : coach, mentor, conseiller stratégique, formateur, consultant.

Mais la deuxième carrière n’est pas forcément une extension de la première, rappelle la psychologue sociale Martine Lagacé, professeure agrégée au Département de communication de l’Université d’Ottawa. Durant ses études doctorales, quand elle suivait une cohorte de fonctionnaires fédéraux au seuil de la retraite, elle en a vu plusieurs choisir par exemple l’ébénisterie ou l’horticulture. «Aller travailler à un âge plus avancé dans une petite entreprise qui colle avec leur passe-temps les rendait super heureux», se souvient-elle.

Dans ce dossier sur la planification de carrière :

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