Le ras-le-bol des congés parentaux

Pendant que mamans et papas profitent des congés parentaux les plus généreux au pays, des patrons et collègues de travail souffrent de post-partum blues.

Faites gaffe si vous mettez les pieds dans les bureaux des Publications BLD, rue Frontenac, à Montréal. Vous pourriez contracter ce qui se propage au sein de cette petite équipe de travail qui publie des magazines pour enfants, dont Les Débrouillards. Il n’est pas question ici de la grippe, mais de la fièvre de la maternité.

Barbara, directrice artistique, a pris deux congés de maternité… en deux ans. Sa remplaçante, qui devait rester en poste jusqu’à l’automne, ne terminera pas son mandat; elle vient d’adopter une petite fille et part elle aussi en congé parental. Le patron cherche donc une remplaçante pour la remplaçante… Le fauteuil d’Isabelle, la rédactrice en chef, a aussi été laissé vacant lorsqu’elle est partie accoucher de son second enfant. C’est Laurène, journaliste, qui a assuré entre-temps ses fonctions. Pour remplacer Laurène à la rédaction, Marie-Hélène a été embauchée. Sauf qu’elle aussi est tombée enceinte. Vous suivez?

Félix Maltais, le grand patron à la bouille sympathique, en perd parfois des bouts. «Une petite équipe de dix travailleurs comme la nôtre ne peut pas se permettre de rouler avec une personne en moins, dit-il. À chaque départ, il faut retourner à la chasse pour dénicher une nouvelle perle rare, puis la former.»

Le père des Débrouillards est loin d’être le seul à se casser la tête pour combler les trous laissés par ses employées parties couver leur nid. En 2010, 88 300 bébés sont nés au Québec et 67 800 mères se sont absentées du travail entre 8 et 12 mois dans le cadre du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP), en vigueur dans la province depuis 2006.

À titre comparatif, en 2004-2005, 47 500 mères s’étaient absentées avec le soutien de l’ancien régime fédéral d’assurance emploi. C’est une hausse de 43 % des départs en congé de maternité en cinq ans.

Cette croissance n’est toutefois pas entièrement le fruit du RQAP. Ailleurs aussi, poussettes et biberons sont à la mode : le nombre de naissances augmente partout au pays depuis cinq ans, constate Statistique Canada. En 2008, alors qu’on criait au «mini baby-boom» au Québec, notre indice de fécondité de 1,73 enfant par femme se classait au 4e rang au Canada, derrière les provinces des Prairies. Et depuis 2004, l’indice de fécondité du Québec est légèrement au-dessus de la moyenne canadienne, sans plus.

Outre l’amélioration des politiques familiales et l’accessibilité accrue du RQAP, deux facteurs favorisent l’éclosion des bedaines. D’abord, les trentenaires et quarantenaires, nombreuses à avoir tardé à fonder une famille le temps de bâtir leur carrière, se tournent maintenant vers le berceau. Et la science aidant, leur taux de fécondité est meilleur qu’auparavant.

Parfois, le stress est tel que les employés qui tiennent le fort tombent eux-mêmes en congé, mais de maladie!
– Mylène Audet-Lapointe, psychologue industrielle

Sur le plan démographique, le nombre de femmes en âge de procréer augmente aussi, ce qui multiplie les possibles grossesses et congés de maternité. Car les Québécoises de 25 à 54 ans n’ont jamais autant travaillé que dans les 10 dernières années et occupent de plus en plus de postes clés. Lorsqu’elles quittent, elles laissent un vide souvent difficile à combler.

Au point qu’un revers insidieux se dessine : à mots couverts, des patrons songent à préférer des candidats masculins lors de leurs prochaines embauches, histoire de s’éviter l’épineuse gestion des congés de maternité.

«Sandwiché» par la maternité

À ce jeu de chaises musicales, l’éditeur Félix Maltais se dit tout de même chanceux. Il arrive sans trop de peine à trouver des remplaçantes. «En rédaction et en journalisme, il existe un bon bassin de pigistes prêts à accepter des contrats temporaires, dit-il. Mais avec les directrices artistiques, c’est plus difficile.»

Martin, cadre de 38 ans dans une agence de relations publiques, est nettement moins serein face à la bébé-mania. L’une de ses trois employées, relationniste, lui a annoncé qu’elle attendait un enfant… deux mois après avoir été embauchée. «C’était prévisible, concède le gestionnaire. Elle a 31 ans et s’était mariée quelques mois avant son embauche.»

L’heureuse nouvelle était beaucoup moins attendue venant de sa patronne. La vice-présidente au développement des affaires, 43 ans, célibataire, n’avait dit à personne que pendant ses pauses de dîner anormalement longues, elle avalait son lunch en vitesse avant de se rendre en secret dans une clinique de fertilité. Enceinte de jumeaux, elle est partie en congé préventif.

Officiellement, Martin se réjouit de travailler avec des femmes équilibrées et comblées, mais secrètement, il bouillonne. Il a d’ailleurs tenu à ne pas être identifié dans cet article. «En ce moment, je pédale pour encadrer deux remplaçantes, une à l’échelon inférieur et une à l’échelon supérieur», raconte ce grand maigre qui parle à 100 milles à l’heure. «Je suis sandwiché par la maternité!»

Il constate que les curriculum vitæ reçus lors de l’affichage de postes temporaires ne sont jamais d’aussi bonne qualité que ceux qui s’empilent sur son bureau lorsqu’il ouvre un poste permanent. «Les meilleurs candidats ne vont pas mettre leur carrière en suspens pour un contrat d’un an», dit-il.

«Plus la personne qui part en congé occupe des fonctions spécialisées, plus il est difficile de trouver un remplaçant», fait aussi valoir Yves-Thomas Dorval, président du Conseil du patronat du Québec.

Quand papa est parti

Remplacer les pères, de plus en plus nombreux à prendre un congé parental de quelques semaines, est encore plus ardu, voire souvent impossible à cause de la courte période du mandat.

«Chez nous, les hommes qui travaillent à l’administration ne sont pas remplacés», confirme Mélanie La Couture, chef de l’exploitation à l’Orchestre symphonique de Montréal. Ce sont les employés qui restent derrière qui absorbent la charge de travail.

«Parfois, le stress est tel que les employés qui tiennent le fort tombent eux-mêmes en congé, mais de maladie!» remarque Mylène Audet-Lapointe, psychologue industrielle et gestionnaire de comptes chez Shepell·fgi – une firme qui aide les entreprises à gérer les problèmes de santé mentale, physique ou sociale au sein de leurs équipes.

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) se préoccupe particulièrement du fait que, selon les modalités du RQAP, les nouveaux parents puissent se contenter de donner un préavis de trois semaines à leur employeur. «Dans le cas des femmes enceintes, les employeurs ont le temps de voir venir les choses», souligne Martine Hébert, vice-présidente. Leur ventre bientôt les trahit. «Cependant, plusieurs hommes ne signifient leur intention de partir qu’à la dernière minute. Les PME se retrouvent le bec à l’eau.»

 

En congé et bientôt congédiée?

Si certains employeurs peinent à trouver de bons candidats pour remplacer des congés parentaux, d’autres y arrivent… peut-être trop bien. Myriane Le François, avocate spécialisée en droit du travail au cabinet Gowlings, à Montréal, reçoit plusieurs fois par an des appels d’entreprises qui souhaitent congédier leur employée en congé afin de garder le remplaçant.

Le scénario est toujours à peu près le même, estime-t-elle. L’employeur commence par afficher un poste en spécifiant qu’il s’agit d’un remplacement de congé parental. «Généralement, à cette étape, il ne reçoit pas de candidatures intéressantes, raconte Me Le François. Il publie ensuite une nouvelle annonce, sans toutefois spécifier qu’il s’agit d’un contrat temporaire.» Les candidatures affluent. Au cours de l’entrevue, l’employeur précise généralement qu’il s’agit d’un contrat à durée déterminée, mais le patron assure que pour la suite, on pourra toujours s’arranger.

«Ce nouvel employé va alors s’investir à 100 % dans son travail pour s’assurer qu’on le garde une fois le contrat échu, poursuit Me Le François. Évidemment, le patron va être impressionné.»

C’est à ce moment que son client la contacte pour savoir comment manigancer le congédiement de la nouvelle maman. La réponse de l’avocate est toujours la même : «C’est illégal de licencier un employé en congé parental. N’y pensez même pas.»

Dans la majorité des cas, l’employeur conseillé par Me Le François finit par ouvrir un nouveau poste ou par réorganiser ses équipes de travail de façon à garder le remplaçant doué. «C’est plus facile dans une grande entreprise», consent l’avocate. Une PME qui n’a pas cette flexibilité n’aura d’autre choix que de demander au remplaçant de quitter.

Mais tous les employeurs ne sont pas aussi dociles. Il arrive que Me Le François soit appelée «après les faits» : le congédiement est déjà survenu et il faut réparer les pots cassés. L’employeur n’est pas toujours dans le tort, assure l’avocate. «Si le poste de la personne en congé de maternité a sauté en même temps qu’un congédiement massif, l’employé n’a aucun recours. On n’a pas plus de droit en congé que lorsqu’on est au travail.» Dans ce cas, le patron est dans son droit et sera quitte devant la loi.

Si par contre l’employeur est reconnu coupable de licenciement illégal, il aura l’obligation de réintégrer l’employé congédié et de lui verser tout salaire perdu pendant la période qu’il a passée à se battre pour retrouver sa place. Bonjour l’ambiance lors du retour au travail! «Ça ne se rend pratiquement jamais jusque-là, dit Me Le François. Les parties règlent généralement hors cour et l’employé licencié accepte une compensation financière.»

Si Me Le François s’occupe de trois ou quatre litiges du genre chaque année, la dizaine de collègues qui travaillent dans son groupe en voient tout autant. «Mais ça a diminué, observe-t-elle. Auparavant, j’en voyais personnellement un par mois. Avec l’explosion des congés parentaux, les entreprises n’ont pas eu le choix d’apprendre les règles et de s’adapter.»

 

En 2010, le Conseil de gestion de l’assurance parentale a mené un sondage auprès de 450 employeurs dont au moins un(e) employé(e) s’était prévalu(e) du RQAP. Les résultats ont révélé que 24 % d’entre eux avaient appris qu’un membre de leur personnel désirait prendre congé moins d’un mois avant son départ.

La prochaine fois que je vais ouvrir un poste, à compétence égale, je risque d’y réfléchir à deux fois avant d’embaucher une fille.
– Martin, cadre dans une agence de relations publiques

Selon ce même sondage, l’absence de l’employé(e) aurait entraîné des difficultés dans trois entreprises sur dix. Le plus souvent, il s’agissait de problèmes d’organisation du travail (51 %). Au deuxième rang arrivaient les difficultés à trouver un remplaçant ou une surcharge de travail pour les collègues (39 %).

La psychologue industrielle Mylène Audet-Lapointe croit que les employés, même s’ils ne sont pas tenus de le faire, devraient annoncer tôt leurs dates de départ et de retour à leur patron. En contrepartie, les entreprises doivent tout faire pour trouver un remplaçant. Quand ce n’est pas possible, le patron doit prendre le temps d’évaluer les responsabilités de l’employé qui quitte et de discuter avec son équipe de la meilleure redistribution des tâches.

Mylène Audet-Lapointe conseille plusieurs dizaines d’organisations, surtout des grandes entreprises du domaine des services, mais aussi des secteurs manufacturier, pharmaceutique ou aéronautique. «À peu près la moitié des entreprises que je connais prennent de telles mesures, observe-t-elle. Les autres s’attendent à ce que le travail se redistribue comme par miracle.»

Services essentiels

L’équipe de Diane-Gabrielle Tremblay, spécialiste des questions de conciliation travail-famille et professeure à la TÉLUQ, a interviewé depuis 2007 des centaines d’infirmières et de policiers, autant des parents qui se sont prévalus d’un congé parental que des travailleurs qui ont «subi» l’absence d’un collègue. Partout, on a de la broue dans le toupet.

«Certains hôpitaux se tournent vers les agences privées pour trouver des infirmières prêtes à remplacer des congés de maternité», raconte Diane-Gabrielle Tremblay. Or, ces remplaçantes, qui se promènent d’un hôpital à l’autre, de l’urgence à la gériatrie ou l’oncologie par exemple, connaissent mal les équipes de travail et leurs façons de faire. «Les infirmières permanentes doivent les encadrer et se retrouvent avec une charge de travail accrue.»

Le Centre hospitalier de l’Université de Montréal refuse d’embaucher des infirmières d’agence, au nom de la sécurité des patients. Des études ont en effet démontré que plus une équipe de travail est stable, plus les soins prodigués sont sécuritaires. «On préfère ouvrir des postes pour remplacer les congés, mais certains ne sont jamais pourvus. L’équipe en place doit assumer les heures supplémentaires», admet Jean-Francois Fortin-Verreault, directeur adjoint aux ressources humaines.

Même constat chez les policiers : les absences ne sont pas toujours remplacées et les heures supplémentaires s’accumulent. Au cours de l’année 2010-2011, à la Sûreté du Québec uniquement, les policiers ont effectué plus de 1 200 000 heures supplémentaires (toutes causes confondues), une hausse de presque 10 % par rapport à l’année précédente. La facture, qui est refilée aux contribuables, se chiffre entre 50 et 60 M$. Impossible de dire quelle proportion est attribuable à la bébé-mania, mais on sait que le nombre de congés parentaux est à la hausse à la Sûreté : il est passé de 110 en 2008-2009 à 125 en 2010-2011.

«Les nouveaux papas choisissent souvent de prendre leur congé parental l’été et d’y annexer leurs vacances, a constaté Diane-Gabrielle Tremblay.

Or, à Montréal, l’été correspond à une hausse de la demande d’encadrement policier, à cause des nombreux festivals.» Les cadets du Service de police de la Ville de Montréal peuvent toujours patrouiller sur les sites festivaliers, mais pour remplacer les policiers chargés d’enquêtes, c’est une autre paire de manches. «On m’a avoué que, dans certains cas, les congés parentaux retardaient les enquêtes», dit Diane-Gabrielle Tremblay.

Spécialité : Bouche-trou

Chez Robert Half, une firme spécialisée dans le recrutement de personnel du milieu de la comptabilité ou de la finance, on a vu apparaître ces dernières années une nouvelle catégorie de candidats : les spécialistes en remplacement de congés parentaux.

«Il y a plusieurs jeunes retraités qui veulent reprendre du service, pour arrondir leurs fins de mois ou parce qu’ils ont envie de sortir de la maison, constate Renée Belleville, directrice d’embauche. Mais on constate que de plus en plus de jeunes sont également à la recherche de ce type de contrat. Ils ne veulent pas être attachés à un employeur et préfèrent agir en agents libres. Ils se permettent souvent quelques semaines ou quelques mois de vacances entre deux contrats.»

Et il y a ceux pour qui c’est simplement une occasion d’emploi intéressante. Bruno Lamolet, journaliste au magazine Les Débrouillards, ne se plaint pas de la fièvre de la bedaine qui court dans les bureaux des Publications BLD, à Montréal. «Si ce n’était pas de tous ces congés, je n’aurais jamais décroché ce poste», se réjouit-il.

 

Petites entreprises, gros défis

Si les grandes organisations peinent à redistribuer le travail pendant les congés parentaux, le défi est encore plus pointu pour les PME.

Au Québec, 73 % des entreprises comptent dix employés ou moins. «Si un travailleur part en congé parental, c’est 10 % de votre main-d’œuvre que vous venez de perdre, illustre Martine Hébert, vice-présidente de la FCEI. Comme elles ont moins de moyens que les grandes entreprises, les PME peuvent difficilement offrir des conditions alléchantes pour attirer les travailleurs temporaires. En plus, les employés de PME sont habitués à porter deux ou trois chapeaux, ce qui rend la recherche de remplaçants encore plus complexe.»

Pour la FCEI, le programme dans sa forme actuelle est trop généreux. Martine Hébert souligne que pour un employé gagnant 64 000 $ en 2011 – le salaire maximum assuré par le RQAP –, les entreprises québécoises doivent payer 481 $ par an en cotisations. Pour le même employé, les employeurs des autres provinces versent 230 $ à l’assurance emploi pour financer les congés parentaux. «Ces ponctions réduisent la capacité des petites entreprises à embaucher, à bonifier les conditions salariales et à croître», déplore-t-elle.

Le grand tabou

Les entreprises auront beau adopter les pratiques de gestion des congés de maternité recommandées par les experts, il restera toujours des irritants et des non-dits. Par exemple, parmi les policiers interrogés par l’équipe de Diane-Gabrielle Tremblay, seulement 57 % de ceux qui avaient profité d’un congé parental jugeaient qu’ils avaient reçu le soutien de leur supérieur.

Patrick, un ingénieur qui travaille pour une petite entreprise de sécurité informatique à Laval, est intarissable sur les congés parentaux.

La comptable-réceptionniste du bureau est en congé depuis huit mois. Incapable de trouver une remplaçante fiable, on a finalement fait rentrer… la belle-mère du patron. «Elle est bien bonne pour répondre au téléphone et lécher des enveloppes, mais ça s’arrête pas mal là», s’impatiente Patrick qui, lui non plus, n’a pas voulu être identifié par son vrai nom.

Martin qui, à son cabinet de relations publiques, attend impatiemment le retour de sa patronne pour être libéré de son «sandwich maternité», l’avoue à demi-mot, puis se mord aussitôt la langue. «La prochaine fois que je vais ouvrir un poste, à compétence égale, je risque d’y réfléchir à deux fois avant d’embaucher une fille.» Le grand tabou…

Diane-Gabrielle Tremblay a eu quelques échos indiquant que des patrons songeaient à embaucher moins de femmes, par peur qu’elles partent en congé de maternité. Ce serait surtout vrai dans les entreprises où les clients souhaitent toujours faire affaire avec la même personne, notamment dans le cas des comptables ou des avocats, par exemple.

Cette pratique d’embauche est toutefois difficile à maintenir, assure la spécialiste des questions de conciliation travail-famille. «À cause du déclin démographique, il y aura un important besoin de main-d’œuvre. Et les femmes réussissent souvent mieux que les hommes dans plusieurs domaines à l’université.»

Même si ces échos de discrimination à l’embauche restent non documentés, on peut soupçonner qu’il n’y a pas de fumée sans feu. La Commission des normes du travail a reçu 545 plaintes en 2010-2011 de la part de travailleuses qui estiment avoir été victimes de préjudice quand elles ont annoncé leur grossesse à leur employeur ou lors de leur retour au travail après un congé de maternité. C’est près de 100 plaintes de plus qu’en 2005-2006, où 457 cas avaient été signalés.

Nathalie Goulet, directrice du Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail, qualifie d’«hommes de Néandertal» les employeurs qui exercent une discrimination à l’égard des femmes qui veulent avoir des enfants. Elle déplore d’ailleurs que le Conseil du patronat ait remis en question l’an dernier le programme Pour une maternité sans danger, qui permet à une femme enceinte ou qui allaite d’être affectée à d’autres tâches ou de se retirer si son travail comporte des risques pour elle ou pour l’enfant.

«Le Conseil sous-entend que les femmes abusent et tentent par tous les moyens de rester à la maison le plus longtemps possible, dit Nathalie Goulet. Mais elles veulent travailler! Il suffit de leur offrir des conditions où elles peuvent concilier vie professionnelle et vie familiale.»

La CSST se met de la partie. L’hiver dernier, un groupe de travail mandaté par la Commission a remis en question l’efficacité de ce programme mis en place au Québec il y a 30 ans et pour lequel les demandes ne cessent de croître. En 2008, plus de 32 000 retraits préventifs ont coûté 208 M$ aux employeurs en versements d’indemnités. Environ 95 % des demandes de retrait préventif sont acceptées chaque année. Ils seraient pratiquement devenus une autre forme de congé de maternité, a constaté le groupe de travail.

Plutôt que de calculer les coûts associés à la maternité, Nathalie Goulet croit qu’on devrait considérer la valeur d’un bébé en santé pour la société : un futur travailleur. Diane-Gabrielle Tremblay encourage aussi les employeurs à avoir un peu de vision. «Quand ils seront vieux, les patrons qui se plaignent aujourd’hui seront bien contents d’avoir des jeunes sur le marché du travail pour payer leurs soins de santé et leur régime de retraite.»

La bedaine, un véhicule d’investissement qui vaut bien des REER…

Société distincte

En 2001, Ottawa avait déjà fait le bonheur des parents en augmentant la durée maximale du congé parental de 10 à 35 semaines, auxquelles s’ajoutent 15 semaines de congé de maternité. Le gouvernement du Québec s’est montré encore plus généreux avec la création de son propre régime d’assurance parentale en 2006 (voir tableau).

En 2010, selon le Conseil de gestion de l’assurance parentale, 67 800 mères ont obtenu un congé rémunéré grâce au RQAP. Celles qui se sont prévalues du «régime de base» ont profité en moyenne de 48 semaines. Les mères qui ont opté pour le «régime particulier» – plus payant, mais de moins longue durée – ont quitté pendant 36 semaines en moyenne.

Le plus grand succès du RQAP résonne toutefois du côté des pères. En 2010, 57 500 conjoints ont troqué leur portable contre la poussette pendant 7 semaines en moyenne (dans le cas du régime de base) ou 13 semaines (régime particulier). Au cours de l’année 2004-2005, seulement 6 800 Québécois avaient fait une demande de congé de paternité auprès du programme fédéral d’assurance emploi.

Depuis l’adoption du RQAP en 2006, le taux des cotisations versées par les employeurs et les travailleurs a été augmenté à quatre reprises, gonflant de 29 %. Les cotisations seront encore haussées de 4 % en 2012, afin de résorber un déficit accumulé de 600 M$ d’ici 2018.

Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) Régime en vigueur ailleurs au Canada
Régime de base Régime
particulier
Revenu maximum assurable 64 000 $ 64 000 $ 44 200 $
Pourcentage du revenu accordé de 55 % à 70 %(1) 75 % 55 %
Travailleurs autonomes Admissibles Admissibles Non admissibles
Exigences minimales pour être admissible 2 000 $ de revenus de travail 2 000 $ de revenus de travail 600 heures de travail
Durée maximale
du congé
(incluant les congés de paternité)
55 semaines 43 semaines 50 semaines
Délai de carence Aucun Aucun 2 semaines

(1) Le pourcentage moyen du revenu accordé pour un congé de 50 semaines au Québec est de 63 % (25 semaines à 70 % et 25 semaines à 55 %) par rapport à 55 % dans le reste du Canada.

Source des données du tableau : Ministère de la Famille et des Aîné

 

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