La Gaspésie courtise les centres d’appels

La Gaspésie deviendra-t-elle la terre promise des centres d’appels? L’avenir le dira. En attendant, la saga de ce genre de centres dans la péninsule ressemble plutôt à une série télé, avec de bons et de moins bons épisodes.

En 2002, l’entreprise américaine ACI Telecentrics établit un centre d’appels à Caplan, dans la baie des Chaleurs. Le gouvernement du Québec lui offre une aide généreuse; la municipalité lui fournit des locaux. Mais ACI mettra la clé sous la porte en 2005.

L’année suivante, la CSST implante un centre d’appels plus modeste dans le même bâtiment. Québec suit et y installe son guichet unique de service à la population, Service Québec. À moins de 20 km de là, un centre d’appels géré par Synergie-Contact s’établit à New Richmond. À peine installé et faute de personnel qualifié, il ferme; les activités sont transférées à Caplan.

En 2009, Synergie-Contact annonce en grande pompe l’ouverture imminente d’un autre centre d’appels dans la région, cette fois à Chandler. Quelques semaines plus tard, le projet tombe à l’eau.

Échaudée, la Gaspésie? Pas tout à fait.

À Chandler, on se rappelle de la déception liée à ce revirement inattendu. «Nous avions organisé une grande foire d’emploi et on n’avait eu aucun mal à trouver du personnel qualifié. Ç’a été un coup dur pour la population, qui avait déjà vu ses espoirs déçus dans le passé avec l’histoire de l’usine Gaspésia», raconte Greg Georges, président du Technocentre des technologies de l’information et des communications.

Avec la pénurie de main-d’œuvre à Montréal, les centres d’appels ont leur place en région éloignée. Et avec les technologies qui sont aujourd’hui disponibles, on a tout intérêt à encourager le travail à distance.
– Greg Georges, Technocentre des technologies de l’information et des communications

Au lieu des 70 travailleurs dont Synergie-Contact avait promis l’embauche, la région se console avec le recrutement d’une vingtaine de personnes additionnelles au centre d’appels de l’Agence du revenu du Québec établi à Chandler depuis près de 10 ans.

Mais Greg Georges reste optimiste quant au futur des centres d’appels en Gaspésie. «Avec la pénurie de main-d’œuvre à Montréal, les centres d’appels ont leur place en région éloignée. Et avec les technologies qui sont aujourd’hui disponibles, on a tout intérêt à encourager le travail à distance.»

À la CSST, on se félicite d’avoir installé ses pénates à Caplan. «Le personnel est bilingue et nous avons un excellent taux de rétention, car nous offrons de bonnes conditions de travail, dit Jacques Nadeau, porte-parole de l’organisme public. On n’a pas de concurrence comme dans les grandes villes, alors on a beaucoup plus de facilité à recruter.» Plus âgée qu’ailleurs – 40 ans en moyenne –, la main-d’œuvre y est aussi plus stable. La CSST et Service Québec, qui occupent une partie des locaux laissés vacants par la fermeture d’ACI, embauchent à eux deux une centaine de travailleurs.

Même son de cloche du côté de Murdochville, où le centre d’appels de la SAAQ, implanté par Québec en 2003 pour assurer la relance économique de la ville, n’a eu aucun mal à pourvoir ses 60 postes d’agents. «Nous avons suivi le processus de recrutement régulier de la fonction publique, il n’y a eu aucune dérogation spéciale. À l’issue du concours, une banque de 500 candidats intéressés à aller travailler à Murdochville a été mise sur pied, ce qui prouve bien que l’ouverture du centre a suscité beaucoup d’intérêt», note Audrey Chaput, relationniste à la SAAQ.

Gagnant-gagnant

Caplan compte aujourd’hui trois centres d’appels pour une population d’à peine 2 000 habitants (18 000 dans toute la MRC). On y mesure bien l’importance des retombées économiques liées à la création d’emplois sur le territoire.

Une banque de 500 candidats intéressés à aller travailler à Murdochville a été mise sur pied.
– Audrey Chaput, SAAQ

Maurice Quesnel, directeur général de la chambre de commerce de la MRC de Bonaventure, est conscient des avantages que la municipalité procure à ces employeurs providentiels.

«La location du bâtiment est pratiquement donnée par rapport à ce qu’une entreprise comme Synergie-Contact paierait à Montréal ou à Québec. Ce centre d’appels a eu très peu d’investissements à faire au moment de son implantation, et, en plus, les gens en région sont plus enclins à travailler pour des salaires moins élevés que dans les grandes villes. Pour l’entreprise, c’est sûr que c’était une bonne décision d’affaires.»

De là à conclure que certains profitent de la situation? Peut-être, mais c’est gagnant-gagnant.

«La population de Caplan a pris une part très active dans le plan de relance à la suite de la fermeture du centre d’appels d’ACI. Les gens avaient travaillé fort pour accueillir ACI à l’époque, ils ont fait pareil pour Synergie-Contact. Ici, les difficultés économiques ont créé un sentiment d’appartenance très fort, on se sert les coudes dans l’adversité et on essaie toujours de sortir le positif d’une mauvaise situation», raconte Maurice Quesnel, tout en regrettant que Synergie-Contact se fasse aussi discrète dans la vie communautaire de la région. Une leçon de résilience à la gaspésienne.

Dans ce dossier

Des centres d’appels plus invitants
Les ex-employés d’IQT se replacent

commentez@jobboom.com