Développement durable… ou soutenable?

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Si l’expression «développement durable» semble faire consensus autant chez les décideurs que chez les citoyens, des voix s’élèvent pour en souligner les ambiguïtés. C’est ce que fait le philosophe Frank Burbage dans son dernier essai : Philosophie du développement durable.

Pour l’auteur, le sens de l’expression en elle-même pose problème. Notant la distinction entre un développement qui serait «soutenable» (comme on le désigne en anglais) versus un développement «durable». Frank Burbage ne se gêne d’ailleurs pas pour qualifier l’expression comme «un indescriptible fourre-tout, à quoi pourrait s’opposer la recherche patiente, précise et rigoureuse, d’un modèle alternatif “vraiment durable” ou “vraiment soutenable” d’économie de société».

Car la formule en elle-même s’avère des plus alambiquées : les politiciens d’ailleurs en profitent pour lui attribuer tout et son contraire sans jamais penser à une refonte considérable du système économique.

Se soucier de l’environnement dépasse largement le rituel du bac à recyclage.

Toutefois, détrompez-vous si vous croyez qu’une consommation réfléchie des ressources naturelles ne préoccupe pas l’auteur! S’il proteste contre l’utilisation de l’expression à tout vent, il n’appartient nullement à l’école de «pensée» d’une certaine droite libertaire niant l’ampleur des désastres écologiques. Que nenni!

Burbage prend acte. Un développement durable perpétuant les inégalités sociales n’est pas un progrès : «L’“abandon des valeurs économiques” ne signifie pas renoncement à l’économie, mais la visée d’une économie moins dispendieuse, qui substitue à la recherche du rendement maximal et du profit immédiat une rationalité du “ménagement” : des personnes, des ressources, des milieux, de la Terre elle-même.»

Nous l’avons compris, Burbage loge à l’enseigne des objecteurs de croissance. Se soucier de l’environnement dépasse largement le rituel du bac à recyclage : les questions écologiques ne sont pas séparables des questions sociales et politiques. Le plus souvent, le citoyen consommateur semble faire de la notion d’empreinte écologique une question de choix personnel. On modifie nos habitudes de consommation, certes, mais peu de dévouement des instances politiques va en ce sens.

Cruellement, de nombreux passages du bouquin résonnent dans notre actualité : «De manière anachronique, on persiste toutefois à désigner comme “naturels” des événements et parfois des catastrophes dont on sait pertinemment qu’ils sont l’effet en retour de ce qui a été entrepris et réalisé sur le front des “progrès” scientifiques et techniques.»

En résumé : «Il nous revient individuellement et collectivement d’apprendre ou de réapprendre à vivre dans les limites d’un monde fini – principe de réalité – de bonheur aussi.»

Philosophie du développement durable

Philosophie du développement durable
par Frank Burbage
Éditeur : Presses universitaires de France

ISBN : 9782130592020

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