Payantes ou pas, les sciences humaines?

Une pomme verte et une orange

Il est parfois difficile de comparer les perspectives d’avenir d’un diplôme en sciences humaines avec celles d’autres formations. Car au-delà du salaire, sa valeur ne se mesure pas qu’en dollars.

Les «humanités» – ensemble de disciplines comprenant la philosophie, les lettres, l’histoire, les sciences humaines et sociales, entre autres – ont parfois la vie dure. Trop souvent entend-on dire que ces formations ne mènent à aucun débouché, ou sont même carrément inutiles.

Un récent texte publié par Jobboom, intitulé «Payantes, les humanités», saura sûrement redonner un peu d’espoir aux étudiants ou aux diplômés récents. L’article fait état de témoignages et de statistiques montrant qu’il est non seulement possible de trouver un bon emploi avec un tel diplôme, mais également d’accéder à une excellente rémunération.

Certains ont toutefois critiqué le portrait un peu trop rose tiré par notre article.

Sur la question des salaires, on reproche notamment à l’auteur de baser son analyse sur des données concernant un ensemble de diplômés d’âges divers, plutôt que seuls les diplômés récents. Ainsi, ces chiffres représenteraient mal la situation et les perspectives des jeunes travailleurs.

Il aurait toutefois été difficile de faire autrement. Comparer la situation d’un jeune fraîchement diplômé en philosophie et d’un autre en ingénierie, par exemple, revient à comparer des pommes et des oranges.

Si l’on veut utiliser le salaire comme étalon, ce n’est pas avant la mi-carrière que l’on pourra vraiment effectuer une comparaison valable, tant les parcours sont différents selon les domaines d’études. Les statistiques citées dans notre article montrent toutefois que le salaire des diplômés en sciences sociales rejoint, et même dépasse celui des diplômés en commerce à mi-carrière.

En raison de la nature de leur formation, les diplômés en sciences humaines pourraient mettre un peu plus de temps que d’autres à trouver du boulot à la sortie de l’école. Cela tient au fait qu’ils n’apprennent pas un «métier», mais développent plutôt une série de compétences plus générales – tout de même fort utiles sur le marché du travail.

Bien sûr, il se peut qu’ils doivent accepter un boulot pour lequel ils sont surqualifiés pendant quelques années. Une récente étude de Statistique Canada montrait que le tiers des diplômés universitaires canadiens de 25 à 34 ans en sciences humaines étaient surqualifiés.

Toutefois, certains indices laissent croire que cette situation se résorbe avec le temps : des chiffres de 2012 de l’Institut de la statistique du Québec indiquaient que les travailleurs de la catégorie «Sciences sociales, enseignement, administration publique et religion» (l’ensemble des travailleurs dans ce cas-ci) affichaient le plus faible taux de surqualification, avec à peine 7 %.

On peut certes arguer que le monde du travail que les diplômés récents connaîtront sera bien différent de celui dans lequel ont vécu leurs contemporains. Mais il en sera ainsi pour tous les diplômés, pas exclusivement ceux en sciences humaines.

Un intervenant cité dans notre article dit ceci : «Nous sommes condamnés à nous recycler. C’est là le grand risque des formations techniques : plus pointues, elles performent dans la bonne conjoncture, mais au premier changement, elles sont dépassées. La beauté des classiques [de la philosophie], c’est qu’ils sont éternels.»

Ce passage résume, à lui seul, la pertinence des humanités. Les aptitudes que ces diplômés développent – la polyvalence, l’esprit de synthèse, la capacité à raisonner de façon critique – transcendent les limites des métiers et des secteurs d’emploi.

Les diplômés en sciences humaines devront peut-être «travailler» un peu plus fort pour trouver leurs premiers boulots. Mais doit-on pour autant décourager les jeunes d’investir ces programmes, sous prétexte qu’il n’y aurait rien au bout?

L’obtention d’un diplôme est le point de départ d’une carrière; et il est juste de dire que certains partent avec une longueur d’avance. Mais c’est ce qu’on en fait qui détermine le reste du parcours. Qu’il soit en sciences humaines, en ingénierie ou en administration!

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Simon Granger

Simon Granger se spécialise dans la création et la gestion de contenu Web, et en développement de stratégies éditoriales numériques.