Les belles promesses

Certaines sont soporifiques, d’autres nous promettent la lune. Les annonces d’emploi n’ont souvent rien à voir avec ce qui attend réellement l’heureux élu d’une sélection d’embauche! Comment les décrypter?

«Poste évolutif», «carrière remplie de défis technologiques au sein d’une entreprise qui favorise les responsabilités individuelles», «importantes occasions de développement»…

Écrites en pattes de mouche, la plupart des annonces d’emploi ne sont que de longues descriptions de tâches pas très sexy. D’autres sont rédigées dans un jargon d’entreprise qu’on veut dy-na-mi-que, mais qui se révèle aussi clair qu’un contrat d’assurance!

«Depuis 10 ans, les publicités de recrutement ont peu changé et elles se distinguent généralement par leur manque d’originalité et de créativité», soutient Jean Beaulieu, directeur de la rédaction chez Publifactum, une firme spécialisée en communication d’entreprises.

Lorsqu’elles ne sont pas écrites sur un coin de table, les offres d’emploi sont souvent conçues par des gestionnaires qui ont du mal à prendre du recul face au poste annoncé. «Elles sont souvent rédigées par le service des ressources humaines, rarement par celui des communications, poursuit Jean Beaulieu. Certains employeurs vont jusqu’à transmettre au journal les grandes lignes du poste, et le média flanque tout simplement l’information dans une boîte carrée!»

Mais le contexte de rareté de main-d’œuvre et de manque de relève risque de changer la donne. Alors que les employeurs tentent d’attirer les candidats compétents de toutes les façons, ils tendent aussi à raffiner leurs publicités de recrutement.

Vendre sa salade

«Il y a quelques années, 80 % des annonces étaient publiées dans les quotidiens et les hebdos», indique Céline Charron, présidente de Publicité Illico-Hodes, une agence de publicité spécialisée en communication des ressources humaines. «Depuis deux ou trois ans, l’utilisation des médias écrits est en baisse de 40 % au profit des sites Internet.» Cet outil permet notamment d’afficher plus rapidement un poste et à moindre coût, ainsi que d’obtenir une réponse immédiate des candidats.

Sur la toile, les annonces sont généralement plus longues. Car dans le libellé, les entreprises cherchent de plus en plus à véhiculer leur image de marque, c’est-à-dire ce qui les distingue de leurs compétiteurs, explique Jean Beaulieu. Par exemple, l’employeur peut mettre de l’avant sa position de leader dans l’industrie, ses valeurs, ses politiques en matière de conciliation travail-famille. Pour allécher les candidats, certains délaissent le fameux «salaire et avantages sociaux concurrentiels» pour présenter une fourchette salariale ou encore des exemples concrets d’avantages comme une caisse de retraite, un régime d’achat d’actions, un remboursement des frais de scolarité, etc.

Chez QIT-Fer et Titane, une entreprise du secteur des mines et de la métallurgie de Sorel, on rédige les offres d’emploi en misant sur les forces de l’organisation, comme l’innovation ou la recherche et le développement. «La publicité de recrutement doit se fondre à la réalité, dit Bruno Bélanger, conseiller Dotation et planification de la main-d’œuvre de l’entreprise. Sinon, le candidat retenu subira un choc dès son embauche.»

Des demi-vérités?

Tous les spécialistes consultés estiment que les entreprises révèlent généralement dans leurs offres d’emploi des informations conformes à la réalité. «Les organisations n’ont pas intérêt à leurrer les chercheurs d’emploi», dit Richard Matte, président de Matte Groupe Conseil-IIC Partenaires, une firme de recrutement de cadres intermédiaires et supérieurs.

Mais elles ont toutefois tendance à se montrer sous leur plus beau jour, avoue-t-il. Comme le font d’ailleurs les travailleurs dans leur CV! «Il n’est pas question de mensonges, mais d’omissions volontaires. Un peu comme un concessionnaire d’automobiles qui fait l’éloge des roues d’un véhicule dans sa publicité sans y préciser qu’elles nécessitent un entretien aux trois mois.»

Dans le même ordre d’idées, les entreprises transforment parfois leurs critères de sélection en liste de souhaits, souligne le recruteur. «On recherche parfois un candidat avec un MBA, deux Ph. D. et un postdoctorat, ironise-t-il. L’employeur ne dit toutefois pas dans sa publicité qu’il est prêt à faire certains compromis…»

D’où l’importance pour le chercheur d’emploi de postuler même s’il ne répond pas à 100 % aux exigences du poste. «Le but d’une offre d’emploi est de recruter le meilleur candidat pour un poste, mais l’exercice sert aussi à constituer une banque de CV», précise Bruno Bélanger. C’est ce qui explique qu’un chercheur d’emploi dont la candidature a été rejetée puisse recevoir un coup de fil de l’entreprise pour un autre poste quelques mois plus tard. 

Savoir décoder

Défis technologiques, poste évolutif, occasions de développement : que faire lorsque le message laisse place à interprétation ou paraît trop attrayant?

«À l’image d’un CV, l’offre d’emploi est une première étape pour mettre en contact une entreprise et un candidat», rappelle Nathalie Fortin, conseillère d’orientation chez Brisson Legris et Associés, une firme montréalaise de consultants en évaluation et en gestion de carrière. «C’est la responsabilité du candidat de pousser plus loin ses recherches pour mieux décoder l’information et en vérifier la véracité.»

Comment? D’abord en consultant la documentation de l’entreprise — site Internet, brochures corporatives, rapport annuel, etc. — pour se familiariser avec le jargon de l’organisation, propose la conseillère d’orientation. Elle suggère aussi d’appeler l’entreprise pour obtenir plus de précisions sur le poste, sauf si l’annonce le proscrit.

Selon Richard Matte, discuter avec des employés qui travaillent déjà dans l’entreprise convoitée est idéal pour départager la réalité et les vœux pieux. «Un gestionnaire m’a déjà souligné vouloir favoriser la conciliation travail-famille dans l’organisation. C’était un objectif pour 2005, mais il l’a inscrit au nombre de ses valeurs dans une publicité de recrutement. Pourtant, tous les employés travaillent présentement comme des fous, à raison de 100 heures par semaine.»

Lorsque la personne est convoquée en entrevue, la rencontre permet aussi d’éclaircir les zones grises, dit Nathalie Fortin. «Si l’offre d’emploi mentionne que l’environnement de travail est stimulant, le candidat peut alors demander au recruteur comment ça se traduit dans l’entreprise. D’ailleurs, ce qui est stimulant pour l’employeur peut ne pas l’être pour le chercheur d’emploi.»

Dans une annonce d’emploi, les entreprises ont tendance à se montrer sous leur plus beau jour. Comme le font d’ailleurs les travailleurs dans leur CV!

Prudence également lorsqu’on repère des annonces au conditionnel. Un salaire pouvant atteindre 50 000 $, un poste temporaire dans la région du Nunavik avec possibilité de prolongation et de permanence ou un emploi à 12 $ l’heure accompagné d’une grosse prime : autant d’éléments à éclaircir lors du face-à-face.

Au-delà de l’offre d’emploi, certaines organisations posent parfois des conditions strictes de sélection du personnel. Dans la publicité de recrutement, il arrive qu’on lise que les «candidats retenus doivent consentir à une vérification des antécédents judiciaires et de crédit» ou encore qu’«un test de dépistage de drogue ou de santé» est préalable à l’emploi. Est-ce légal? «L’employeur peut exiger ces enquêtes et ces tests seulement s’il y a un lien direct avec le poste», prévient Ginette L’Heureux, porte-parole de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec.

Ainsi, l’entreprise veut s’assurer qu’un pilote d’avion a une vision de faucon ou qu’un comptable n’a pas vidé les caisses de ses ex-employeurs… «L’organisation doit prouver que ces enquêtes sont essentielles pour des raisons de sécurité, sinon c’est une intrusion dans la vie privée et c’est contraire à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec», explique Noël Mallette, professeur en relations de travail à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal.

Comme pour toutes les étapes de recherche d’emploi, la consultation d’annonces de recrutement exige une démarche proactive. Gardez les deux pieds sur terre, surtout si la publicité vous promet mer et monde…

Quelques formules couramment employées et leur «traduction»

Joignez notre entreprise en pleine expansion : nous n’avons pas le temps de vous former.

Possibilité de faire quelques heures supplémentaires : de temps en temps mais au moins chaque soir et chaque week-end.

Vous devez avoir un oeil pour le détail : nous ne maîtrisons pas la qualité.

Prière de ne pas appeler : nous avons déjà pourvu au poste à l’interne; cette annonce n’est qu’une formalité.

Cherchons candidat avec expériences variées : vous remplacerez les trois personnes qui viennent juste de partir.

Compétence à résoudre des problèmes nécessaire : vous entrez dans une compagnie nageant dans un chaos perpétuel.

Compétences de leadership un atout : vous aurez les responsabilités d’un directeur, sans le salaire ni le respect.

Inspiré de : Dictionnaire de la terminologie d’entreprise.