Le placement des diplômés en génie en 2014

Homme vu de dos

La vie n’a jamais été aussi belle pour les diplômés en génie informatique et en génie logiciel, et l’emploi foisonne dans les secteurs moins connus que sont les génies électrique et chimique. En revanche, il y a ralentissement dans les génies civil, minier et géologique.

«L’appétit des employeurs pour le génie informatique et le génie logiciel est incroyable. Nous formons une cinquantaine d’étudiants par cohorte et nous pourrions facilement en admettre trois fois plus, tellement la demande est forte!» s’exclame Allan Doyle, directeur du Service des stages et du placement à Polytechnique Montréal.

Et le cas de Polytechnique est loin d’être isolé. Qu’importe l’université, les étudiants qui veulent développer des systèmes informatiques ou en faire la maintenance ont l’embarras du choix.

Le directeur du Service de l’enseignement coopératif à l’École de technologie supérieure (ÉTS), Pierre Rivet, estime que les employeurs font face à un véritable casse-tête sur le plan du recrutement. «Ils doivent être très convaincants, puisqu’en génie logiciel et en génie des technologies de l’information, nous affichons environ 10 postes par finissant», affirme-t-il.

L’omniprésence de l’informatique fait en sorte que les débouchés sont nombreux. «Aujourd’hui, tout passe par l’informatique. Les entreprises ont toutes, ou presque, besoin de ces spécialistes. On n’a qu’à penser aux applications pour appareils mobiles, qui ne cessent de se multiplier», explique Patrik Doucet, professeur et doyen de la Faculté de génie de l’Université de Sherbrooke.

Et la demande dépasse les frontières du Québec. Depuis le début de la décennie, les géants américains Amazon et Google offrent des stages, et même des emplois, aux étudiants québécois. «Les universités américaines ne forment pas assez d’ingénieurs en génie logiciel et en génie informatique. En conséquence, leurs entreprises sont en pénurie de main-d’œuvre», signale Allan Doyle.

Cependant, à l’Université Laval, on observe un certain ralentissement. «Étant donné que l’État québécois a réduit ses dépenses, les grandes firmes informatiques de la capitale nationale décrochent moins de contrats gouvernementaux. Le rythme d’embauche a donc diminué», constate André Raymond, directeur adjoint des services professionnels de la Faculté des sciences et de génie.

Le marché de la ville de Québec reste tout de même fort attrayant. «Le taux de placement est de 100 % et nous avons quatre ou cinq offres de stages par étudiant. La différence réside dans le temps requis pour trouver un emploi. Cela peut maintenant prendre quelques mois. Autrement dit, l’emploi ne tombe pas du ciel», dit-il.

Des disciplines négligées

Sous-estimé par les étudiants, le génie électrique tire très bien son épingle du jeu. La demande des employeurs est soutenue et il y a beaucoup de postes disponibles. «Mais paradoxalement, on enregistre une baisse constante des inscriptions, année après année, car les jeunes connaissent mal les débouchés», affirme Pierre Rivet, de l’ÉTS.

Le secteur du génie électrique gagnerait pourtant à être connu, puisqu’il permet de travailler sur des projets stimulants. «C’est un domaine qui a le vent dans les voiles, notamment à cause de l’électrification des transports collectifs et individuels», dit Patrik Doucet, de l’Université de Sherbrooke.

Le génie chimique est une autre discipline négligée. «Quand on parle de génie chimique, les gens pensent spontanément aux industries pétrolière et pétrochimique. Mais c’est aux industries de l’environnement – traitement de l’eau, de l’air et des déchets – qu’il faudrait plutôt songer. Des domaines où la demande grandit sans cesse», précise Patrik Doucet.

Après des années fastes, les investissements des compagnies minières ont fortement diminué en 2013 et 2014.

À l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), cependant, le génie chimique traverse une zone de turbulences. «Dans la région, les grands employeurs pour ces diplômés sont les papetières, qui peinent à faire des profits. L’avenir se situe dans le virage vert des papetières ainsi que dans le traitement des eaux», dit Marie-Ève Perron, conseillère en information professionnelle et responsable de l’aide à l’emploi à l’UQTR.

Par ailleurs, les effectifs en génie forestier ont beaucoup diminué à la suite de la crise des grandes compagnies forestières et à cause de la baisse continue de la production de papier, dont le papier journal. «Depuis sept ou huit ans, les occasions sont moins nombreuses. Et il est clair que nous ne sommes pas en surchauffe. Les diplômés trouvent tous du travail, mais à la condition d’y mettre des efforts», dit André Raymond, de l’Université Laval.

Génie minier : toujours dans un creux

Vedettes incontestées du marché de l’emploi au début de la décennie, les génies géologique et minier traversent aujourd’hui des moments difficiles. «Les mines constituent le secteur économique cyclique par excellence», constate Allan Doyle, de Polytechnique. Or, après des années fastes, les investissements des compagnies minières ont fortement diminué en 2013 et 2014.

Les entreprises n’ont cependant pas fermé le robinet de l’emploi. «Cette année, les jeunes diplômés en génie des mines et génie géologique devront cogner aux portes et utiliser leurs relations. Ils devront aussi être persévérants et patients», dit Allan Doyle.

Pour sa part, Julie Godin, ingénieure et gestionnaire des relations corporatives à la Faculté de génie de l’Université McGill, prévient les diplômés en génie des mines qu’ils devront faire preuve de flexibilité pour trouver du travail. «Les emplois proviendront davantage de l’Ouest canadien et des États-Unis», dit-elle.

Prudence en aéronautique

Le génie aérospatial occupe une place particulière : il s’agit d’un secteur prometteur, qui comporte toutefois une part de risque.

Seule université québécoise à offrir un programme de baccalauréat menant au titre d’ingénieur aérospatial, Polytechnique Montréal place sans difficulté ses 60 diplômés auprès des grands employeurs que sont les Bombardier, Bell Helicopter, CAE, Pratt & Whitney, ainsi que leurs sous-traitants.

On forme peut-être trop d’ingénieurs civils. À un moment donné, le marché du travail pourrait ne plus pouvoir intégrer l’ensemble
de ces diplômés.
— Nadir Belkhiter, Université Laval

«Les emplois sont nombreux et stimulants. Mais si la CSeries de Bombardier ne prend pas son envol, l’embauche pourrait en souffrir», constate Allan Doyle. Nouvelle gamme d’avions de 110 à 149 places, la CSeries n’a pas encore fait sa place auprès des compagnies aériennes. Son entrée en service a été reportée au milieu de l’année 2015.

L’aérospatiale constitue également un débouché intéressant pour d’autres disciplines du génie. «L’aéronautique absorbe de 40 à 45 % de nos diplômés en génie mécanique. En 2013, Bombardier a engagé 150 stagiaires en génie mécanique et Pratt & Whitney, près d’une centaine!» dit Pierre Rivet, de l’ÉTS.

Les perspectives d’emploi sont toutefois moins réjouissantes pour 2014. «Étant donné que les grandes entreprises aéronautiques ne veulent pas s’engager à long terme, il y a une forte baisse du rythme d’embauche de ces diplômés. Les PME pourraient cependant prendre le relais», souligne Pierre Rivet.

Surchauffe en génie civil?

En génie civil, le feu est au jaune. Le secteur connaît un ralentissement, et certains se demandent si une bulle ne serait pas en train de se créer. «On forme peut-être trop d’ingénieurs civils. À un moment donné, le marché du travail pourrait ne plus pouvoir intégrer l’ensemble de ces diplômés», dit Nadir Belkhiter, vice-doyen aux études à la Faculté des sciences et de génie de l’Université Laval.

Cette crainte est partagée par Pierre Rivet de l’ÉTS, l’établissement universitaire qui forme le plus grand nombre d’ingénieurs civils au Canada. «Le Québec produit environ 3 000 ingénieurs civils par année. C’est trop et c’est insoutenable», croit-il.

Car même si les besoins en infrastructures sont grands, comme la construction et la réfection de ponts et de routes, le gouvernement du Québec, les municipalités et même Hydro-Québec ont resserré les cordons de la bourse. En outre, la réputation des firmes de génie-conseil a été éclaboussée par les révélations faites lors de la commission Charbonneau.

«Le pipeline de contrats des firmes de génie-conseil est maintenant à sec. Qu’arrivera-t-il, dans deux ou trois ans, aux nouveaux diplômés en génie civil?» se demande Pierre Rivet.

À première vue, les étudiants de l’ÉTS n’ont pas à s’inquiéter à court terme, puisque les possibilités de stages demeurent nombreuses. Toutefois, le chemin vers l’emploi risque d’être plus ardu. «Il y a maintenant deux fois plus de candidats que de postes disponibles», signale Pierre Rivet.

Mais s’il y a une chose que les dernières années nous ont apprise, c’est que l’histoire n’est jamais écrite d’avance. La morale : mieux vaut choisir sa carrière en fonction de ses champs d’intérêt et de ses goûts. L’emploi viendra grâce à la passion!

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