Le manège de la gouvernance

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En 50 prémisses coup de poings, l’auteur Alain Deneault, dans l’essai Gouvernance, le management totalitaire, désarçonne les sophismes d’un discours à la mode qui obstrue tout le champ politique : celui de la gouvernance.

Comment? En démontrant que ce champ lexical surtout lié aux entreprises privées s’est infiltré subrepticement dans le politique. Comme si l’un n’était qu’un prolongement modernisé de l’autre.

Tout le flou sémantique entourant le concept même de gouvernance le rend infiniment malléable : on peut lui faire dire tout et son contraire à l’aide de formules creuses. Alain Deneault en conclut d’ailleurs que «la souplesse sémantique du terme « gouvernance » est si ample et si grande, qu’elle protège ceux qui en usent et en abusent des désagréments de la dissonance cognitive, à savoir une information qui contredit les valeurs fondamentales du système auquel on se réfère.»

Et les groupes de presse en ajoutent : «…les grands médias opèrent une distorsion perverse de la représentation des rapports de force historiques, à commencer par leur propre position dans la sphère publique.» comme le souligne à juste titre l’auteur.

L’omniprésence du vocable maudit tend à subtiliser la politique du processus démocratique. Tout le vocabulaire lié à la chose politique devient suspect. Alors, on s’en remet à des têtes d’affiche, sans idées ou discours, pour nous gouverner : «Ainsi, on ne vote ni pour des principes, des programmes, des politiques, des projets ou des idées, mais, dans la culture de la gouvernance, pour des «leaders», dont on ignore naturellement tout des intentions, même dans le contexte d’une campagne électorale.»

Comment ne pas penser à un candidat actuel à la mairie de Montréal qui se targue de faire de la politique autrement? Et qui emploie les mêmes vieilles méthodes de racolages médiatiques? «Faire de la politique au 21e siècle» ne se limite pas à se répandre sur twitter…

C’est sur un optimisme gonflé à bloc que nous laisse Alain Deneault. Comme remède au désengagement citoyen, il n’ordonne rien moins que de « s’émanciper, donc ne plus agir sur la base de promesses, de serments, de sondages, de programmes. » Plusieurs commentateurs politiques jouant le jeu des prédictions en interprétant des résultats de sondage s’en verront peut-être offusqués mais il faut souhaiter que la réflexion les atteigne.

Sur le strict plan de l’écriture, la question du style chez Alain Deneault demeure. Qu’on cautionne (j’en suis) ou pas les idées exprimées, ce serait bouder notre plaisir que d’ignorer la qualité de la langue. La force des images évoquées pour témoigner des dérapages de la gouvernance rappelle la prose d’un Michel Serre, magicien des mots combinés aux images.

Gouvernance, le management totalitaire

Gouvernance, le management totalitaire
par Alain Deneault
Éditeur : Lux

ISBN : 9782895961550