Le courage, c’est de l’ouvrage

courage

Ça va mal à la shop.

Les Québécois fondent deux fois moins d’entreprises que les Canadiens, pourtant moins subventionnés par l’État. De plus, au pays de la poutine, les francophones lancent moins de compagnies que leurs compatriotes anglophones et immigrants…

Bref, les Franco-Québécois ont la fibre entrepreneuriale plutôt molle.

Étayée par des spécialistes dans notre dossier à la une, L’entrepreneuriat québécois en crise, cette torpeur serait notamment due à notre «mentalité de salarié». Pourquoi larguer un emploi permanent, des vacances payées et un possible fonds de pension pour lancer une entreprise qui risque de faire faillite dans deux ans?

Le monde n’est pas fou. Les gens aiment le confort et leur gros garage.

Il est vrai qu’encaisser une paye aux deux semaines, c’est aussi rassurant que de voyager au Club Med. Alors que sortir de sa zone de confort pour créer une entreprise sans savoir si on fera ses frais à la fin du mois, c’est se taper l’Himalaya à bord d’un vieux bus népalais. C’est dur sur les nerfs. Certains choisissent pourtant ce chemin, même s’ils ont la trouille de débouler dans un ravin.

On admire les gens courageux parce qu’ils sont prêts à perdre. Et pas nous.

C’est notamment le cas de nos voisins : au dire des statistiques, les Canadiens craignent autant que les Québécois l’endettement et la perte de sécurité d’emploi. Mais cette angoisse ne les empêche pas de foncer : ils fondent deux fois plus d’entreprises que nous. Ils ne sont pas moins humains, pas moins peureux : peut-être juste plus courageux!

Voilà un mot glorieux qui a été rangé avec les boules à mites. De nos jours, au travail comme dans la vie, on discute plutôt de performance, d’atteinte d’objectifs, d’audace et de réussite.

Pourtant, selon le vieux Aristote, le courage est la vertu ouvrant la porte à toutes les autres. Étymologiquement, le mot courage prend ses racines dans le mot cœur. Et sans y mettre un peu de cœur, qu’accomplit-on qui vaille dans la vie?

On ne connaît plus l’essence du véritable courage.

Oubliez les prouesses des super héros auxquelles nous ont habitués la littérature et le cinéma.

Selon les «spécialistes» du courage – oui, ça existe! –, cette vertu est plutôt à la portée du commun des ours. Se montre courageux celui qui ne laisse pas la peur – une réaction normale qui nous protège d’un danger réel ou imaginé – le condamner à l’inaction. Ainsi, une personne courageuse décide d’agir malgré sa peur. Contrairement au téméraire qui agit sans stratégie et bien souvent se casse la gueule, le courageux agit de façon réfléchie. Car il y a un temps pour tout. Même pour être hardi.

Le monde a progressé grâce aux courageux. Ce sont eux qui osent et qui innovent, avançant seuls sur le fil du risque, le vide sous les pieds. Pendant ce temps, les autres les regardent, un peu jaloux, confrontés à leur propre lâcheté. Eux aussi ont des idées, eux aussi auraient été capables, se rassurent-ils. Mais c’est tellement moins fatigant de rester dans le moule, d’embrasser la conformité. Et bizarrement, c’est même davantage valorisé!

Parlez-en aux politiciens, dont la mission est de servir le bien commun tout en marchant constamment sur des pelures de banane. Malgré toutes les décisions risquées qu’ils prennent, les citoyens tendent à les trouver lâches. Or, selon la chroniqueuse politique Chantal Hébert, le simple fait de se présenter en politique est une preuve de courage, car les candidats savent que leur image en prendra un coup. Ce choix exige aussi d’énormes sacrifices dans leur vie professionnelle et privée, me disait-elle lors d’une entrevue l’an dernier.

Peu importe leur sphère d’action, tous les braves vous le diront : le courage, c’est de l’ouvrage. Et surtout, il n’est pas sans conséquence, il s’exerce toujours au prix de quelque chose. De l’orgueil, souvent, et toujours des sacrifices. On admire d’ailleurs les gens courageux parce qu’ils sont prêts à perdre. Et pas nous.

Mais ce que le courage rapporte en retour n’a pas de prix. Quelque chose comme la fierté d’avoir vaincu, pour sa propre avancée ou celle de la collectivité, la plus handicapante des peurs : celle d’avoir peur.

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