L’art de la reconnaissance

Avez-vous l’impression qu’on reconnaît vos efforts au boulot, ou vous sentez-vous plutôt comme un numéro? La question est loin d’être futile puisque, selon l’enquête Magazine Jobboom-IRB sur les valeurs au travail publiée en septembre 2009, la reconnaissance arrive au quatrième rang des valeurs qui comptent le plus pour les Québécois.

Faire une fleur aux employés pour souligner leurs bons coups est bien plus important qu’il n’y paraît de prime abord. «Souvent, des travailleurs me disent ne pas avoir été félicités depuis des années», affirme Didier Dubois, associé principal de HRM Group, une firme offrant des services-conseils en attraction et en fidélisation de main-d’œuvre. «Nous demandons alors à leurs gestionnaires d’imaginer ce qui arriverait si un chasseur de têtes appelait l’un de ces employés et lui disait : “Je cherche quelqu’un d’aussi compétent que vous.” Il est fort possible que l’employé serait tenté d’aller voir ailleurs.»

Bien sûr, tout va vite de nos jours et on court sans cesse. Cependant, même le directeur le plus occupé peut prendre le temps de dire «Merci», d’après Serge Marquis, médecin et consultant en santé mentale au travail. Il ne suffit parfois que de quelques mots, par exemple : «Je suis débordé et je n’ai qu’un instant, mais je tenais à te remercier pour l’excellente présentation que tu as donnée aujourd’hui. Tu nous as fait bien paraître devant les clients et c’est très apprécié.» Durée de l’intervention : environ 10 secondes. Effet sur l’employé : bonne humeur pour le reste de la journée.

Un merci immédiat, précis, juste et sincère

Mais attention, exprimer sa reconnaissance est un art. L’exemple précédent illustre deux des principes préconisés par les experts en la matière : d’une part, les félicitations doivent venir peu de temps après l’accomplissement qui en fait l’objet, d’autre part, elles doivent souligner précisément ce qui est apprécié. «En plus de faire plaisir, ça vient ancrer l’employé dans le projet de l’organisation», explique Didier Dubois. Les éloges généraux, comme «T’es vraiment le meilleur!» ne veulent pas dire grand-chose, confirme Adrian Gostick, conférencier et coauteur du livre Le principe de la carotte.

Ensuite, le remerciement doit refléter l’importance du geste accompli. Lorsqu’un employé réussit un projet ou fait des heures supplémentaires, on peut lui écrire un mot ou lui offrir un petit cadeau comme des billets de cinéma. Toutefois, quand les gens surpassent largement nos attentes, la marque de reconnaissance doit être proportionnelle. «Si on récompense de la même façon un employé qui élabore un projet rapportant un million de dollars et un autre qui prend l’initiative de nettoyer une armoire de rangement, ça devient démoralisant pour celui qui s’est fendu en quatre!» s’exclame Adrian Gostick.

Enfin, l’authenticité est de rigueur. «Ça doit se sentir dans le ton, dans le regard», dit Serge Marquis. À son avis, la meilleure façon de montrer sa sincérité est de faire preuve de reconnaissance au quotidien, en disant simplement «Bon travail!» ou «Merci» au moment opportun. Ainsi, les grandes félicitations pour les vrais faits d’armes risquent moins de paraître forcées.

Donnez et vous recevrez

Selon un sondage de l’Indice relatif de bonheur mené en 2007, 49 % des Québécois considèrent ne pas recevoir assez de reconnaissance de la part de leur employeur. Si vous faites partie du lot, que faire pour qu’on daigne enfin poser un regard appréciateur sur vous?

«La reconnaissance est un cadeau quand je l’offre et un piège quand je l’exige», prévient Serge Marquis. Autrement dit, les attentes sur ce plan peuvent mener à la déception. Mieux vaut prêcher par l’exemple et reconnaître soi-même les gens avec qui on travaille, qu’il s’agisse de subalternes, de pairs ou de supérieurs hiérarchiques. «Ceux à qui vous manifestez de la reconnaissance seront plus enclins à faire de même pour vous», dit Serge Marquis.

N’est-ce pas un peu étrange de complimenter le patron? «C’est sûr que les gens peuvent craindre d’avoir l’air téteux», concède Didier Dubois. Mais tout chef qu’il soit, votre supérieur a besoin de reconnaissance, comme n’importe quel humain. «Si vous le félicitez pour un geste qu’il a posé et qui vous a plu, vous l’encouragez à recommencer.»

Tiens, tiens… Si les patrons ont avantage à utiliser la reconnaissance pour influencer le comportement de leurs employés, ces derniers peuvent en faire autant pour obtenir ce qu’ils désirent de la part de leur supérieur. N’y a-t-il pas quelqu’un que vous voudriez aller remercier de ce pas?

Simple comme bonjour!
Quand il s’agit de reconnaissance, les spécialistes en ressources humaines sont unanimes sur un point : l’importance de saluer ses employés. En effet, il semble que la politesse la plus élémentaire manque cruellement à certains gestionnaires. «Quand je parle à des employés, ça ressort très souvent», témoigne Didier Dubois.

«Aucune forme de reconnaissance n’aura l’effet souhaité auprès d’un employé si on ne prend jamais la peine de lui dire bonjour et d’échanger avec lui, estime Serge Marquis. C’est la reconnaissance la plus fondamentale.»

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