Fête du Travail ou fête des Travailleurs?

Affrontements au Haymarket Square de Chicago, mai 1886.
Illustration : domaine public

L’Amérique du Nord célèbre la fête du Travail le premier lundi de septembre, mais le congé en l’honneur des travailleurs a plutôt lieu le 1er mai à plusieurs endroits sur la planète. Explications.

Férié dans plusieurs pays, le 1er mai, qui est la Journée internationale des travailleurs, donne lieu à de nombreuses manifestations syndicales dans le monde. Il est dédié à la mémoire des grévistes de Chicago qui luttèrent pour la journée de huit heures au XIXe siècle. En Amérique du Nord toutefois, la journée de repos consacrée aux travailleurs tombe en septembre. Pourquoi cette divergence de traditions?

1872 Des dizaines de milliers de travailleurs manifestent dans la région de Toronto, en soutien aux imprimeurs en grève. Leur revendication : une journée de travail de 9 heures au lieu de 12 ou 14 comme c’était la norme. Le mouvement se propagera jusqu’à Montréal et Halifax.

1882 Le 5 septembre à New York, une organisation syndicale tient un défilé réunissant 10 000 travailleurs. L’événement culmine dans un parc, avec un pique-nique, un concert et des discours. Selon l’Encyclopédie canadienne, il aurait été inspiré par le mouvement né à Toronto.

1884 Des syndicats américains se donnent deux ans pour obtenir la journée de travail de huit heures. Les principaux moyens de pression ont lieu le 1er mai, date du début de l’exercice comptable de plusieurs entreprises à cette époque.

1886 Le 1er mai, à Chicago, quelque 35 000 travailleurs descendent dans la rue. Le 3 mai, des ouvriers en lock-out de l’usine d’équipement agricole McCormick se heurtent à des briseurs de grève. La police intervient et tire dans la mêlée, tuant au moins deux travailleurs.

Le lendemain, 200 manifestants dénoncent la brutalité de la police à Haymarket Square. Les forces de l’ordre interviennent en nombre équivalent. Une bombe éclate, tuant sept policiers. Leurs collègues répliquent en tirant dans la foule; quatre manifestants périssent. À la suite d’arrestations, huit syndicalistes anarchistes sont accusés du meurtre des policiers. Sept seront condamnés à mort (un sera gracié et un autre se suicidera la veille de l’exécution).

1889 À la mémoire des travailleurs de Chicago, la Deuxième Internationale socialiste réunie à Paris déclare le 1er mai journée d’arrêt de travail et de manifestations.

Dans la première moitié du XXe siècle, plusieurs pays d’Europe, d’Amérique latine et d’Asie ont fait du 1er mai un jour férié. On l’appelle Journée internationale des travailleurs, ou fête des Travailleurs.

1894 Le syndicat des cheminots américains appelle au boycott de l’entretien des voitures de chemins de fer Pullman, en solidarité avec les travailleurs en grève de cette usine située près de Chicago. À la suite de pressions de l’industrie ferroviaire, le président américain Grover Cleveland déclare la grève illégale et envoie 12 000 policiers et soldats pour casser le mouvement. Deux travailleurs sont tués dans des affrontements.

Ces événements dressent l’opinion publique contre le gouvernement. Soucieux de sa réélection, le président fait voter un congé pour les travailleurs. La date retenue, le premier lundi de septembre, fait écho au mouvement lancé à New York en 1882, mais aussi à une volonté d’équilibrer le calendrier des jours fériés. La date du 1er mai a été exclue d’office, pour éviter toute association avec le mouvement socialiste.

Au Canada, la loi officialisant la fête du Travail a été votée le 23 juillet 1894, suivant deux décennies de luttes des travailleurs pour la reconnaissance de leurs droits.

Au Québec, plusieurs syndicats soulignent le 1er mai par solidarité avec leurs homologues européens. Lorsque le salaire minimum augmente, c’est souvent à cette date que la hausse entre en vigueur.