Entretien avec Vincent Léger, copromoteur du camping urbain

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Un des trucs les plus fous que j’ai faits dans ma vie, c’est le tour des États-Unis en autostop avec un copain, un sac à dos, une tente et 500 $ en poche. En Colombie-Britannique, on a traversé la frontière à pied, pour ensuite lever le pouce sous le regard médusé des douaniers, qui n’avaient trouvé aucun motif valable pour nous bloquer le passage.

C’était à l’automne 1996, et le froid devenait mordant. De là l’idée de descendre au sud, chez nos voisins, pour ensuite virer vers l’est pour revenir au Québec. On s’est vite retrouvés dans le désert américain, puis sur les routes du Texas, de la Louisiane, de la Floride, et même en plein Manhattan…

On dormait gratuitement là où on pouvait. Mal pris, on plantait notre tente au bord des autoroutes, mais on préférait de loin les champs, les parcs, les terrains de football, les cours d’école, les jardins d’église… Du vrai camping sauvage, sans eau ni toilettes, mais sous les étoiles de la ville. On a connu le meilleur, comme de se faire réveiller par un prêtre qui apporte le petit-déjeuner. Mais plus souvent le pire : la police qui débarque quand tu viens de zipper ton sac de couchage, et qui te force à décamper. Merde, alors!

Depuis ce surprenant périple, je me suis toujours demandé pourquoi il n’y avait pas de campings dans les villes. Ce serait si pratique! Mais qui l’eût cru, des campings urbains poussent enfin un peu partout, notamment à Munich, à Paris, à Copenhague, à Brooklyn, à New York, et bientôt dans plusieurs villes américaines, a annoncé le gouvernement Obama. Et aussi au Québec?

C’est le pari de Vincent Léger, consultant en tourisme durable, qui travaille à développer un mini-réseau de campings urbains à Montréal. Ce féru de plein air, natif du Nouveau-Brunswick, me raconte qu’il a aussi campé illégalement dans les villes alors qu’il traversait notre vaste Canada en vélo, en 2003. «L’idée a germé là, mais c’était alors trop tôt», explique-t-il avec un accent acadien, devant son assiette de victuailles végétariennes du Commensal. Aujourd’hui, les étoiles s’alignent : le cyclotourisme est en essor, la conscience environnementale s’aiguise, l’incertitude économique pousse à voyager à moins cher… camper à l’ombre des grands hôtels commence à avoir du sens. Parlez-en aux indignés du mouvement Occupy.

Vincent Léger et ses partenaires du groupe Boréalis Eco-Design LAB ont présenté le projet aux instances touristiques et à des maires d’arrondissements montréalais. Plusieurs sites pourraient être envisagés, dont l’esplanade du stade olympique, certains pans du parc Maisonneuve, le parc Jean-Drapeau et des abords de la rue Notre-Dame. Aussi, le bassin Peel, où les projets de casino et du Cirque du Soleil sont tombés à l’eau.

Justement, de l’eau, il en faut! dit Vincent Léger, qui croit au grand potentiel de ce lieu. «On pourrait y exploiter la terre, l’air et l’eau, avec des emplacements de camping en hauteur, des sites flottants et l’offre d’activités nautiques.» La bordure riveraine assurerait une certaine quiétude, tout en renforçant la sécurité du site, qui devra être bien gardé. «Ce type de camping ne sera jamais comme à la campagne, avec les criquets et le ciel étoilé. Mais plutôt une expérience urbaine hors de l’ordinaire qui pourrait séduire plusieurs clientèles.»

«L’idée, c’est de verdir des espaces laissés à l’abandon, de donner accès au fleuve et de positionner Montréal comme pôle écotouristique, tout en y créant des emplois verts», dit Vincent Léger. Et ce, à peu de frais. «On ne veut pas donner des millions à la corruption!»

Ce réseau de campings urbains n’est encore qu’un songe d’une nuit d’été. Mais Tourisme Montréal serait intéressé, selon Vincent Léger, et l’initiative pourrait gagner des points auprès de Tourisme Québec, maintenant sous la gouverne de péquistes «plus verts». Il demeure que les preuves de rentabilité restent à faire et qu’il est difficile de développer un projet qui nécessite de la concertation à Montréal. «Les maires d’arrondissement ne jouent pas dans la même équipe.»

La Ville de Québec pourrait aussi être sollicitée. Qui sait, Régis Labeaume voudra peut-être un camping près de son nouvel amphithéâtre?

Voilà qui planterait tout un piquet dans l’égo de la métropole.

Maquettes des projets de campings urbains à Montréal

Stade olympique Stade olympique
Un mémoire proposant l’aménagement d’un camping urbain a été déposé devant le Comité-conseil sur l’avenir du Parc olympique, dont le rapport est attendu à la fin de 2012. L’actuel toit souple du stade, qui a atteint la fin de sa vie utile, pourrait notamment être recyclé en une bâche qui protégerait les campeurs des intempéries. Selon le promoteur Vincent Léger, cette formule pourrait séduire une clientèle souhaitant poursuivre une expérience écotouristique, après avoir visité le Biodôme, par exemple.

Bassin Peel
Au bassin Peel, à Montréal, un camping urbain trois étoiles pourrait offrir une autre option aux voyageurs habitués de fréquenter les hôtels ou les auberges, dit Vincent Léger. Des tentes toutes prêtes pourraient être louées aux touristes qui n’ont pas d’équipement. «En aménageant des fontaines, par exemple, il serait possible de créer un camping qui aurait un certain niveau de raffinement», dit le promoteur.

Yourtes Yourtes
Utilisables à des températures allant de 40 °C à –40 °C, les yourtes faites de matériaux recyclés sont bien adaptées au climat québécois. Selon Vincent Léger, elles pourraient servir à aménager un camping urbain temporaire dans le cadre d’événements hivernaux, ce qui créerait une solution de rechange intéressante au populaire hôtel de glace.

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