Emplois controversés : éditeur de contenu XXX

«Tu fais quoi dans la vie?» figure parmi les premières questions posées lors d’une nouvelle rencontre. Répondriez-vous la vérité si vous étiez dans le tabac, la porno ou le droit criminel? Trois professionnels dévoilent leurs dilemmes moraux – s’ils en éprouvent – et les réactions de leur entourage par rapport à leur emploi souvent considéré comme… immoral.

Patrick regarde de la porno à longueur de journée au travail. Tout comme son superviseur, d’ailleurs. Inutile de craindre les réprimandes : visionner des films et des photos XXX fait littéralement partie de sa description de tâches (d’où sa réticence à révéler son nom complet pour cet article).

Devenir éditeur multimédia dans une compagnie de contenu pour adultes n’était pas inscrit au plan de carrière de Patrick. À l’hiver 2012, une de ses connaissances a affiché sur Facebook un emploi d’éditeur photo et vidéo. Exactement le type de poste convoité par Patrick, qui souhaitait obtenir une expérience de travail stable après des années comme photographe à la pige. «J’ai écrit à mon ami et il m’a expliqué que c’était pour de la porno. Je me suis dit whatever et j’ai envoyé mon CV.»

L’hésitation est arrivée après coup. En particulier lorsque sa sœur l’a sensibilisé à l’exploitation sexuelle, un phénomène fréquent dans le milieu. «J’ai posé la question en entrevue. Ils m’ont rassuré en expliquant que le matériel provient surtout de Montréal et de Los Angeles, où l’industrie est beaucoup plus clean qu’en Europe de l’Est.» Et sa boîte ne tolère pas la violence, la présence d’excréments ou de mineurs, notamment. «Sinon, je n’aurais pas accepté le poste.»

Patrick n’affiche pas son boulot dans les réseaux sociaux – il ne veut pas que ses clients dans le milieu de la photo soient au courant –, mais annonce ouvertement «travailler dans la porn» aux gens qu’il rencontre en personne. «Je me souviens d’une fille à qui j’ai dit ça… il y a eu un drôle de silence, puis je lui ai offert à boire. Elle a refusé.»

Sauf en de rares exceptions, les gens autour de lui ne le jugent pas. Au contraire, ils veulent en savoir plus! «Les premiers mois, je suis devenu le centre d’attention de toutes les sorties entre amis!» Mais les questions morales sont rares; la majorité vient de lui-même.

L’éditeur multimédia réfléchit notamment à l’impact de son travail sur l’image et le respect de la femme, le sexisme et la misogynie. «J’en ai discuté avec deux amies impliquées dans le milieu féministe. Une m’a dit que le problème n’est pas la porno, mais les gens qui en consomment. L’autre m’a dit l’inverse. Pour moi, ça reste une question ouverte.»

Dans quelques années, Patrick espère décrocher un poste d’éditeur photo dans un autre domaine, un magazine – pas XXX – par exemple. «Ce sera probablement quelque chose d’un peu underground. Avec l’expérience que je développe en ce moment, je ne me retrouverai sûrement pas à L’actualité…»

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