À la suite d’une perte d’emploi, nombre de travailleurs de plus de 45 ans ont du mal à trouver un job qui paie aussi bien que leur ancien boulot. Ils ont beau avoir de l’expérience, d’autres critères entrent en ligne de compte aux yeux des employeurs.
Quand elle a appris qu’elle perdait son emploi, à 52 ans, Claire Rivard* était sous le choc. «À mon âge, j’étais convaincue que j’aurais de la difficulté à me replacer, et surtout à obtenir un poste avec des conditions équivalentes à celles que j’avais», dit-elle. En 20 ans à travailler pour un éditeur montréalais, elle avait gravi les échelons jusqu’à occuper un poste de gestionnaire, avec un juteux salaire, un régime de retraite et un bureau vitré.
Trois ans plus tard, cette dynamique rédactrice est satisfaite de son boulot dans un organisme fédéral, mais elle a dû accepter un net recul de ses conditions de travail. Elle gagne 5 000 $ de moins, n’a plus de régime de retraite et a perdu deux semaines de vacances. «Ma patronne m’a dit qu’elle m’embauchait en raison de mon expérience, mais le salaire offert suivait une échelle salariale très rigide», raconte-t-elle.
Âge en hausse, salaire en baisse
Les chercheurs d’emploi de plus de 45 ans doivent souvent faire face à cette réalité : les employeurs apprécient le bagage qu’ils ont accumulé sur le marché du travail, mais ne sont pas toujours prêts à leur offrir une meilleure rémunération. En somme, ils veulent des employés d’expérience à des salaires de débutants.
Les résultats de l’Enquête sur les travailleurs âgés, réalisée en 2008 par Statistique Canada, sont révélateurs : parmi les travailleurs de plus de 50 ans qui ont trouvé un nouveau gagne-pain à la suite d’une perte d’emploi, près de la moitié ont subi une baisse salariale d’au moins 25 %.
Certes, la valeur du bagage accumulé varie selon les secteurs d’emploi, explique Diane-Gabrielle Tremblay, professeure en gestion des ressources humaines à la TÉLUQ. «Par exemple, dans le domaine du commerce et des services, les employeurs ne sont pas prêts à offrir de meilleurs salaires pour recruter des employés plus expérimentés. Même chose pour certains emplois de bureau de bas niveau, où l’on considère que le personnel est facilement remplaçable.» Par contre, poursuit-elle, l’expérience vaut davantage son pesant d’or dans les domaines de l’économie du savoir, comme le secteur financier, la gestion, les technologies de l’information et le domaine juridique.
L’offre et la demande
«C’est sûr qu’il y a des employeurs qui essaient d’avoir des gens expérimentés pour pas cher», souligne François Émond, directeur de Stratégie Carrière, à Trois-Rivières, un service d’aide à l’emploi qui offre notamment un programme pour les 45 ans et plus. «Le marché du travail, son nom le dit, c’est un marché. S’il y a un bon bassin de candidats disponibles dans un domaine où il y a peu de postes à pourvoir, c’est certain que l’employeur va offrir un salaire moindre et qu’il trouvera quand même des employés intéressants.»
Mais la loi du marché n’explique pas tout. Les travailleurs, jeunes ou vieux, doivent aussi déterminer de façon réaliste ce que vaut leur candidature, explique Guy Larivière, directeur de la recherche de cadres pour la firme de recrutement CFC Dolmen. «On ne peut pas dire simplement : “J’ai 45 ans, avec 20 ans d’expérience dans mon domaine, je veux être payé à ma juste valeur”, dit-il. La valeur dépend surtout du dossier de réalisations. Le recrutement est très orienté sur les résultats, de nos jours.» Sans oublier, mentionne le recruteur, l’importance d’avoir les bons diplômes et d’être à jour dans son domaine.
Au mitan de leur carrière, la recette gagnante pour les travailleurs consiste donc à avoir le bon mélange d’expérience, de réalisations et de formation, le tout saupoudré d’une bonne dose de dynamisme pour faire prendre la mayonnaise. Quand il manque un ingrédient, le résultat risque d’avoir un goût amer. «Certains doivent faire des concessions salariales», reconnaît Michel Filion, conseiller en emploi au Centre Eurêka, qui aide les chercheurs d’emploi de plus de 40 ans à Montréal. «Et ce n’est pas toujours facile, puisqu’à cet âge, les travailleurs ont des obligations financières, comme une maison à payer et des enfants aux études, en plus de devoir planifier leur retraite.»
Frapper un mur
Cette réalité frappe particulièrement les salariés touchés par les nombreuses fermetures d’usines. «Par exemple, à Trois-Rivières, beaucoup de travailleurs manufacturiers avaient des salaires très intéressants, même s’ils étaient peu scolarisés, souligne François Émond. C’est certain qu’ils ne retrouvent pas des conditions aussi avantageuses. Ils doivent réduire leurs attentes, même s’ils ont de l’expérience.» Par exemple, les 450 employés de l’ancienne usine de laminage d’aluminium Aleris de Trois-Rivières gagnaient entre 50 000 $ et 60 000 $ par année, même s’ils n’avaient parfois qu’un diplôme d’études secondaires, explique l’ancien vice-président du syndicat de l’usine, Dave Bellemare. À la fermeture de l’usine en 2008, la moyenne d’âge des travailleurs était de 50 ans. Plusieurs ont pris leur retraite, mais certains ont dû se contenter d’emplois offrant à peine plus que le salaire minimum.
Isabelle Pichette a vécu une expérience similaire . La Montréalaise de 49 ans était commis aux achats depuis 18 ans pour une compagnie de produits chimiques quand cette dernière a décidé de déménager ses pénates en Ontario. «J’avais eu une bonne progression dans l’entreprise, mais je n’ai aucun diplôme», raconte-t-elle, après quelques semaines de recherche d’emploi. «J’ai réalisé qu’il était difficile de faire valoir mes exigences salariales. Je me suis résignée à une baisse de salaire.»
La déconvenue guette aussi les travailleurs qui s’attendent à ce que leurs revenus gonflent indéfiniment. Selon la firme américaine PayScale, spécialisée dans la rémunération, les salaires plafonnent généralement après 40 ans chez nos voisins du sud. Les femmes sont les plus touchées par le phénomène : pour elles, la progression s’arrête à 37 ans, alors qu’elle se poursuit jusqu’à 45 ans pour les hommes. Les salaires des travailleuses culminent par ailleurs moins haut, soit à 61 000 $, comparativement à 95 000 $ pour leurs collègues masculins.
Chez nous aussi, le zénith de la vie correspond à celui du chèque de paye : selon les données de l’Institut de la statistique du Québec, la rémunération horaire moyenne s’établit à 22,64 $ pour les travailleurs de 25 à 44 ans, augmente à 24,30 $ pour les 45 à 54 ans, et redescend à 22,55 $ pour les 55 ans et plus.
Une affaire de choix
Dans bien des cas, ce sont les travailleurs eux-mêmes qui décident de ralentir la cadence passé un certain âge. «À ce moment de leur carrière, plusieurs personnes font une réflexion sur la place du travail dans leur vie, souvent après un burn out professionnel», explique Lucie Dubé, conseillère à l’Association Midi-Quarante, à Laval, spécialisée en recherche d’emploi pour les plus de 45 ans. «Ils veulent subir moins de stress, éviter certains types de milieux de travail et sont prêts à accepter une baisse de salaire pour travailler dans une entreprise qui correspond mieux à leurs valeurs.»
Parce que, c’est bien connu, l’argent ne fait pas le bonheur…
*pseudonyme
Faire reconnaître sa valeur après 45 ans – Mode d’emploi
À 40 ans, on n’est pas encore considéré comme un travailleur âgé, selon la majorité des spécialistes consultés. «C’est plutôt vers la fin de la quarantaine que ça commence à être plus difficile», souligne Nathalie Martin, présidente de la firme Enjeux Carrière et conseillère d’orientation. Comment aider sa cause une fois passé ce cap?
Changez d’état d’esprit
Vous n’êtes pas vieux, vous êtes expérimenté! «On entend souvent les chercheurs d’emploi plus âgés dire eux-mêmes : “Je pense que je suis trop vieux”, dit François Émond, de Stratégie Carrière. Mais c’est souvent une question d’attitude. Si on se considère comme trop âgé, ça commence mal.»
Adaptez votre CV
Inutile de remonter jusqu’à vos expériences de travail des années 1980. Les 15 dernières années suffisent généralement. Certains omettent aussi les dates d’obtention de leurs diplômes. Il ne s’agit pas de mentir, mais d’éviter d’attirer l’attention sur votre âge.
Soyez stratégique
Dans votre CV et en entrevue, mettez l’accent sur vos réalisations et les résultats obtenus dans vos postes précédents, et expliquez en quoi vos compétences seront utiles à l’entreprise. Dans certains cas, vos engagements sociaux peuvent aussi être pertinents, souligne Nathalie Martin, d’Enjeux Carrière.
Soyez à jour
S’il vous manque de la formation ou des diplômes importants dans votre domaine, comblez cette lacune. Encore mieux : restez à jour grâce à la formation continue.
Soignez votre apparence
«En recherche d’emploi, l’habit fait le moine, note Lucie Dubé, de l’Association Midi-Quarante. Il ne faut négliger aucun aspect, que ce soit votre habillement ou votre coupe de cheveux. Songez même à teindre vos cheveux gris.»
Montrez votre dynamisme
Dès le premier contact téléphonique, ayez une attitude énergique. Démontrez que vous savez vous adapter et que vous êtes actif. Si vous faites du deltaplane ou présidez l’association des mélomanes de votre région, dites-le.
Demandez du soutien
Des organismes d’aide à la recherche d’emploi pour les personnes d’âge mûr existent dans toutes les régions.
Dans ce dossier
• Survivre à une fermeture d’usine
• Bien réagir à une perte d’emploi