Développer son pouce vert au boulot

Nos amies les plantes sont trop souvent ignorées, voire maltraitées. Quelques conseils pour éviter l’hécatombe végétale dans votre bureau.

Au 15e étage d’un édifice montréalais, au milieu de quatre geeks et d’autant d’ordinateurs, s’étire une belle sansevière aux feuilles vigoureuses. «Cette plante, c’est notre totem! lance Franck Vassaux, gestionnaire d’équipe de développement à la firme de génie-conseil Génivar. Parfois, on accroche des dessins à ses feuilles!» À Noël, ses collègues décorent aussi leur sansevière avec des câbles et des souris d’ordinateur. Des moments de franche camaraderie se déroulent autour de cette plante qui, par ses pouvoirs invisibles, semble souder l’équipe.

D’amour et d’eau fraîche

Trop d’eau, pas assez d’eau; certaines plantes n’ont jamais l’air contentes. Le paysagiste d’intérieur Michel Francoeur détient le secret du bon arrosage. «Versez de l’eau jusqu’à ce qu’il y en ait dans la soucoupe. Si au bout d’une heure, il ne reste plus rien, c’est que la plante a encore soif : il faut lui en redonner.» De une à deux semaines plus tard, vérifiez si le terreau est bien sec avant d’arroser à nouveau. «Si le terreau ne sèche jamais, c’est une plante à problème qui va avoir des champignons, dont les racines vont pourrir. Il vaut mieux la rempoter dans de la terre fraîche.» Les distraits peuvent se procurer une sonde hygrométrique pour mettre fin aux oublis d’arrosage. Quand leur plante a soif, la sonde vendue par BotaniCalls leur envoie un texto ou une alerte sur Twitter!

Les plantes présentent de nombreux bienfaits tant psychologiques que physiques pour les travailleurs. Mais pour qu’elles fassent leur job, il faut avoir au minimum le pouce vert, ce qui n’est pas donné à tous! «J’ai presque réussi à tuer un cactus», confesse Perrine Poisson, coordonnatrice des communications à l’Association des communicateurs scientifiques du Québec. «Il était sur le bord de la fenêtre, dans mon dos. Je l’oubliais tout le temps. J’ai fini par le donner à une collègue avant qu’il ne succombe.»

«Avoir le pouce vert, c’est d’abord aimer la plante et être assez curieux pour se renseigner sur son habitat naturel et ses besoins en arrosage et en luminosité», dit Michel Francoeur, paysagiste d’intérieur à Laval. Son entreprise, Bioflore, offre ses services d’entretien horticole dans de nombreux édifices.

La vie sous les néons

Le philodendron de Geneviève Blanchette, chargée de projet aux éditions Chenelière Éducation, à Montréal, se porte comme un charme sous les néons. Ses feuilles ont tellement poussé qu’elle doit le tailler de temps à autre. «J’en ai profité pour lui faire une coupe Longueuil», dit la jeune femme avec humour. «Mais sous les néons, une plante a peu de chances de survivre plus de deux à cinq ans», prévient toutefois Michel Francoeur. Il conseille de braquer une lampe d’appoint vers la plante pour favoriser sa croissance. «N’importe quelle lampe de bureau peut faire l’affaire. Mais les tubes fluorescents, les lampes au sodium à haute pression ou les lampes horticoles à longue incandescence utilisées dans les serres sans fenêtres sont plus efficaces.»

L’effort en vaut la peine. Car des études démontrent que quelques feuilles vertes diminuent le stress et augmentent la productivité des travailleurs – jusqu’à 12 %, selon une étude menée dans l’État de Washington! «L’augmentation de la productivité peut dépendre de nombreux autres facteurs», tempère toutefois Jacqueline Vischer, directrice du Groupe de recherche sur les environnements de travail de l’Université de Montréal. «On sait par contre que les plantes améliorent le moral des employés, donc, indirectement, on touche à la productivité. Ce sentiment de bien-être est renforcé par le fait que les employés sont responsables d’un être vivant, ce qui humanise l’environnement de travail.»

Une plante contribue à équilibrer le taux d’humidité dans les bureaux, ce qui aide les gens à mieux respirer. À la clé, moins d’absentéisme dû à un rhume ou à des maux de gorge, par exemple. Au début des années 2000, à titre d’expérience, le service de radiologie de l’hôpital d’Oslo a installé des végétaux dans ses locaux. Résultat : le taux d’absentéisme du personnel a chuté de 15 % à 5 %! «Une partie de cet effet positif est attribuable au fait que les gens croient que les plantes purifient l’air, et donc que leur environnement est plus sain», explique Jacqueline Vischer.

Vacances en survie

La mortalité des plantes de bureau atteint son apogée durant les congés. Plusieurs demandent l’aide de collègues lorsqu’ils partent en vacances. Mais bonjour la pression quand ils ne sont pas doués! «Souvent, pour éviter les problèmes, le collègue temporairement responsable d’une plante va tendre à l’arroser tous les jours. Et du coup, il l’arrose trop!» affirme Michel Francoeur. Enfoncer une corde dans la terre et plonger l’autre bout dans une bassine peut éviter bien des tracas aux vacanciers. «La plante prélève l’eau dont elle a besoin par capillarité.»

Mais ce n’est pas qu’un effet placebo! Certaines plantes assainissent l’air. Elles absorbent entre autres les composés organiques volatils (COV), des polluants rejetés en d’infimes quantités par la peinture, les revêtements de sol, les encres de photocopieurs, les meubles laminés, etc., et qui peuvent provoquer le syndrome du «bâtiment malsain» : migraines, états nauséeux, irritations des yeux et des muqueuses nasales, voire, à très long terme, des cancers ou l’infertilité. Aucune plante n’est toutefois capable de combattre l’ensemble des polluants de bureau et il faut une armée de végétaux pour contrer les dangers. Mieux vaut ventiler les lieux.

Mais il reste qu’une belle plante verte sera toujours plus utile que le pauvre succédané qu’est l’abominable plante en plastique!

Vos meilleures amies si vous travaillez…

Dans une zone lumineuse : fougère de Boston, dracéna, croton.
Dans une zone sombre ou sous un éclairage artificiel : plante araignée, lierre, sansevière, zamioculca, pothos, philodendron, aglaonéma.
Près d’une imprimante ou d’un photocopieur (donc dans un bain de xylène) : dracéna, dieffenbachia.
Le nez toujours collé à un écran d’ordinateur (et aux ondes électromagnétiques) : cactus colonnaire.
Sur un faux parquet imitant le bois (donc au milieu des formaldéhydes) : philodendron, figuier caoutchouc.
Dans un local fraîchement repeint (parmi les vapeurs de benzène) : aglaonéma, lierre, schefflera.

Le 911 des PLANTES

Symptômes : les feuilles sont molles et leurs pointes sont noires.
Diagnostic : trop d’arrosage
Le geste qui sauve : sécher le terreau au séchoir puis rempoter la plante, de préférence dans un pot en terre cuite.

Symptômes : les feuilles jaunissent et se flétrissent.
Diagnostic : arrosage insuffisant
Le geste qui sauve : immerger le pot dans une bassine pendant une heure.

Symptômes : les tiges sont longues et étiolées, les feuilles toutes petites.
Diagnostic : manque de lumière
Le geste qui sauve : déplacer progressivement la plante vers un lieu plus éclairé avant de la tailler. Ou lui offrir une lampe d’appoint.

Symptômes : les feuilles jaunissent, brunissent et tombent.
Diagnostic : trop de lumière
Le geste qui sauve : couper les parties nécrosées et déplacer progressivement la plante vers une zone plus ombragée.

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