Des emplois accessibles

Les centres de relations clients représentent souvent la première chance des immigrants de travailler sur le territoire québécois. Ils y acquièrent une expérience précieuse et des compétences qu’ils pourront transférer dans un autre emploi.

Habiba El Mouftaquir, d’origine marocaine, est agente dans les bureaux montréalais de Voxdata, un centre d’appels en impartition. Elle vit au Québec depuis quatre ans, et a obtenu en 2009 un baccalauréat en administration par cumul de certificats à l’Université du Québec à Montréal. Elle a commencé à travailler chez Voxdata durant ses études, au service à la clientèle. Elle a graduellement grimpé les échelons et est aujourd’hui agente au service de la qualité.

Habiba est heureuse de ses nouvelles responsabilités. Elle est sûre que cette expérience de travail lui permettra d’accéder à d’autres postes.

Un peu mal à l’aise, elle avoue d’ailleurs durant l’entrevue en présence de sa supérieure, Lise Racicot, qu’elle est actuellement à la recherche d’un autre emploi, car elle souhaite «monter plus haut». Lise Racicot, vice-présidente Expérience clients et employés chez Voxdata, tient cependant à la rassurer.

«Nous savons que les gens se servent de l’expérience acquise ici pour aller plus loin, dit-elle. Si nos employés trouvent un poste dans leur domaine de prédilection ou dans leur champ d’études, nous leur disons bravo, allez-y! Cependant, s’ils le souhaitent, ils peuvent aussi progresser au sein de l’entreprise.»

Une présence multiculturelle

Les bureaux montréalais de Voxdata comptent environ 200 employés, et parfois quatre fois plus lorsque les mandats l’exigent. En moyenne, le personnel est composé de 30 à 50 % d’immigrants reçus ou de nouveaux arrivants provenant notamment de la Tunisie, du Maroc et de la République démocra­tique du Congo.

Le centre clientèle RBC de Montréal emploie pour sa part 600 travailleurs. Son directeur, Robin Laflamme, ne peut avancer de chiffres précis sur le nombre d’immigrants parmi le personnel, mais il assure que la main-d’œuvre y est diversifiée. «Nous avons une bonne représentation des différentes cultures», affirme-t-il.

Éric Lamothe, directeur de compte chez C3Job, un site Internet d’emploi spécialisé dans les centres de relations clients, confirme que ces derniers embauchent beaucoup d’immigrants. «D’ailleurs, 75 % des candidats qui s’inscrivent sur notre site sont des représentants des communautés culturelles.»

Il estime que ces centres sont effectivement une porte d’entrée pour les nouveaux arrivants, car ils peuvent y bâtir l’expérience professionnelle québécoise recherchée par les employeurs d’ici. «Bien souvent, les immigrants sont bloqués dans leur recherche d’emploi parce qu’ils n’ont pas d’expérience de travail au Québec. En travaillant dans un centre de relations clients, ils démontrent leur débrouillardise et leur volonté d’avancer. Par la suite, ils peuvent progresser dans l’industrie même ou dans un autre domaine.»

Éric Lamothe constate qu’un emploi dans un centre de relations clients est aussi une excellente façon d’accélérer l’intégration à sa terre d’accueil. «Cela permet d’abord de pratiquer les langues d’usage [le français et l’anglais], mais aussi de comprendre comment les choses fonctionnent ici, dit-il. En parlant avec les clients, on se familiarise avec la culture et le système québécois.»

Un petit bémol

Moussa Guene, coordonnateur emploi et régionalisation de l’organisme d’aide aux nouveaux arrivants PROMIS, ne se montre toutefois pas aussi enthousiaste. «Ma position est mitigée, confie-t-il. Si on est doué pour les communications, un emploi dans un centre d’appels peut constituer une belle occasion. Dans le cas contraire, la personne risque de vivre une mauvaise expérience, surtout si elle prend ce travail uniquement pour des raisons alimentaires.»

Selon Moussa Guene, dans cette industrie la pression est forte pour les agents. La performance doit être au rendez-vous, surtout dans le domaine du télémarketing et de la sollicitation, et le stress est difficile à gérer pour les nouveaux arrivants qui en vivent déjà beaucoup. «C’est difficile et démoralisant de passer la journée à se faire raccrocher au nez pour quelqu’un qui vient d’arriver et qui ne connaît pas bien la culture», illustre-t-il.

Il ajoute que travailler en sachant que l’on est écouté peut également réveiller de vieux fantômes chez certains, notamment les ressortissants des anciens pays communistes…

Qualités recherchées

Quoi qu’il en soit, les centres de relations clients apprécient la main-d’œuvre immigrante. Viviane Cavaluzzi, conseillère en recrutement pour le centre clientèle RBC, note que nombre d’entre eux sont bilingues (français, anglais) et souvent trilingues (arabe, espagnol, etc.), ce qui est très prisé par l’industrie. En effet, la troisième langue est toujours considérée comme un atout : elle permet d’entrer en contact avec davantage de clients, étant donné que le paysage culturel du Québec tend lui aussi à se diversifier.

«Plusieurs des immigrants embauchés chez nous ont étudié et vécu ailleurs, ils possèdent donc une connaissance de différentes cultures, ce qui est un avantage», ajoute Viviane Cavaluzzi. «Beaucoup ont un bon niveau d’études, et un solide bagage en matière de service à la clientèle et en vente, ce que nous apprécions», souligne pour sa part Lise Racicot. Par exemple, certains sont diplômés en administration. Ils ont déjà suivi des cours relatifs à la vente et à la sollicitation. Leurs connaissances en font des employés recherchés.

Outre des salaires de départ d’environ 10 $ l’heure, des bonis, des horaires flexibles, des possibilités d’avancement et des avantages sociaux, le travail dans un centre d’appels donne aux nouveaux arrivants l’occasion de développer des aptitudes qui se révéleront précieuses lorsqu’ils voudront changer d’emploi. Parmi celles-ci se trouvent notamment des habiletés en service à la clientèle et en vente, mais aussi la capacité à résoudre des problèmes, la bonne gestion du stress et des clients difficiles.

«Nos employés reçoivent des formations dans ces différents domaines. Or, les méthodes que nous leur enseignons sont transférables ailleurs. Les nouveaux arrivants veulent avancer et nous savons que nous représentons souvent un tremplin pour eux. Certains vont nous quitter, mais tant qu’ils travaillent chez nous, ils nous donnent leur 200 %!» conclut Lise Racicot.

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