Burn-out : le malaise confirmé

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Le verdict du médecin vient de tomber : vous souffrez d’épuisement et vous devez vous retirer du travail.

Au printemps 2005, peu de gens auraient pu dire que Danielle (nom fictif) se retrouverait bientôt en arrêt de travail pour cause de burn-out. Sa clinique d’ostéopathie, ouverte l’année précédente, commençait à bien rouler. Pourtant, cela faisait déjà six mois que cette professionnelle de 37 ans se sentait sur la corde raide. «En diminuant le nombre de consultations par semaine, je réussissais à tenir le coup, mais chaque tâche me paraissait lourde. J’avais du mal à rappeler mes clients et à classer mes dossiers. Je terminais mes journées épuisée», explique-t-elle.

Danielle était consciente des signaux que son corps et son esprit lui envoyaient. «Je n’étais plus dans mon état normal, mais j’espérais profiter des vacances pour recharger mes batteries.» Il n’était pas question pour elle de laisser tomber sa nouvelle clientèle et de mettre en péril ce qu’elle venait de construire.

Contrairement à Danielle, d’autres personnes au bord de l’épuisement ignorent parfois ce qui leur arrive. Certains signes peuvent toutefois indiquer que quelque chose ne va pas, affirme Nicolas Chevrier, psychologue et fondateur de Services psychologiques Séquoia. «Par exemple, la personne passe la journée devant son ordinateur, mais n’arrive pas à travailler. L’inquiétude s’installe et les nuits d’insomnies s’accumulent. Incapable de se mettre à la tâche, elle va parfois se cacher dans les toilettes du bureau pour pleurer», illustre-t-il.

Recevoir l’avis du médecin

Seul un médecin peut autoriser un arrêt de travail et remplir les formulaires exigés par les assureurs. Pour désigner ce que bien des gens appellent le burn-out, ils utilisent deux noms officiels : le trouble d’adaptation et la dépression.

• Le trouble d’adaptation survient lorsqu’une personne a du mal à surmonter une épreuve, comme un changement de poste, un conflit avec le patron ou une surcharge de travail. Non traité, ce problème peut se muer en dépression. Cela risque de se produire si la personne n’entreprend pas de thérapie et qu’elle continue à accumuler les tracas, les retards ou les heures supplémentaires.

• Les symptômes de la dépression sont plus graves et plus persistants que ceux du trouble d’adaptation. Ils affectent le fonctionnement global de la personne, tant dans la sphère professionnelle que personnelle. Une personne heureuse et dynamique de nature devient peu à peu irritable ou cynique. Plus rien ne lui paraît agréable ou motivant, y compris ses activités préférées. Comme elle peine à se concentrer, la personne se sent incapable d’exécuter ses tâches et se referme sur elle-même. La dépression peut aussi entraîner des pensées suicidaires.

Refuser l’évidence

Certaines personnes n’acceptent pas l’idée de se retirer du travail, et ce, même avec l’avis d’un médecin. «Parfois, elles vont même jusqu’à retenir leur billet médical afin de pouvoir terminer un dossier», souligne Éric Hurteau, psychologue et directeur des services professionnels chez Solareh, une firme spécialisée en prévention et en gestion de l’absentéisme au travail. Or, plus une personne résiste à prendre le repos dont elle a besoin, plus son cas risque de s’aggraver.

Les gens qui craignent le retrait du travail ont souvent peur d’être étiquetés comme «malades», croit Nicolas Chevrier. C’est cette même peur du jugement qui pousse des travailleurs à ne pas révéler leur vrai diagnostic. «Certaines personnes vont donc préférer dire qu’elles font un burn-out plutôt qu’une dépression», soutient le psychologue. L’idée de s’être «tué à l’ouvrage» cadre mieux avec les valeurs de performance véhiculées par la société actuelle. Pour certains, le burn-out est ni plus ni moins qu’un constat d’échec, comme une chute dans le vide.

Annoncer aux autres ce qui nous arrive

Tôt ou tard, l’employé en burn-out devra transmettre son billet médical. S’il travaille dans une PME, il devra le faire parvenir lui-même à son patron. Dans les grandes organisations par contre, c’est le service des ressources humaines de l’entreprise qui gère de façon confidentielle le dossier de l’employé. Dans un tel cas, le supérieur immédiat et les collègues sont informés que la personne sera absente, sans toutefois connaître le motif. «L’employé en burn-out peut tout de même choisir d’expliquer la situation au patron par courriel et lui dire qu’il lui écrira de nouveau dans quelques semaines», souligne Éric Hurteau.

Par contre, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière d’annoncer son état à ses proches. Danielle, elle, a choisi de parler de sa situation progressivement, en commençant par les personnes en qui elle avait confiance et qui n’allaient pas la juger. «En le disant à certains clients et à des amis, j’ai voulu me donner le droit de ne pas aller bien, explique-t-elle. Je voulais qu’ils comprennent l’origine de mes retards, de mes absences, de mes silences. J’avais aussi besoin de m’entendre le dire à voix haute pour prendre réellement conscience de mon état.»

Atterrir dans son burn-out

Les personnes retirées du travail ont souvent tendance à profiter de leur temps libre pour faire tout ce qu’ils avaient mis de côté, constate Éric Hurteau. Ils se lancent par exemple dans des projets de rénovation ou de réaménagement de la maison. Mais ce réflexe cache bien souvent autre chose. «S’activer autant peut être une façon d’éviter l’impact émotionnel du retrait de travail, comme la honte ou la culpabilité par exemple.»

Pendant les premiers jours de son arrêt de travail, Danielle était encore en mode performance. «Je me souviens d’avoir magasiné un cellulaire pour que mes amis puissent me joindre lors de mon congé. Je croyais que j’allais pouvoir faire plein d’activités», raconte-t-elle.

En quittant le travail, Danielle a senti un poids s’enlever de ses épaules. Mais une fois que ce sentiment de libération s’est estompé, toute la fatigue morale et physique qui l’avait menée au burn-out a refait surface. Quatre semaines après le début de son congé, elle se sentait plus dévastée qu’au premier jour de son arrêt. «J’ai eu l’impression qu’une vague me ramassait et me faisait couler davantage», se souvient-elle.